LE SUBSTITUT DU PETIT JIM

Le substitut du petit Jim


On raconte que l’incident suivant s’est passé dans le sud des États-Unis. Un maître d’école avait réuni ses élèves le jour de la rentrée et leur avait dit :

– Je vais vous laisser établir vous-mêmes les règles de discipline et décider quelles seront les punitions correspondantes.

Les écoliers inscrivirent donc les choses défendues. Ils décidèrent qu’il ne fallait ni voler, ni se battre, ni jurer, ni désobéir au maître, etc…; et que, si on faisait l’une de ces choses, il y aurait une punition.

Tout se passa bien jusqu’au jour où l’un des enfants découvrit que son pique-nique avait été volé. La plupart des écoliers habitant très loin, étaient obligés en effet d’apporter leur repas de midi avec eux. Qui était le coupable ? On fit une enquête et chaque enfant fut questionné. A la fin on découvrit que le petit Jim, dont les parents étaient très pauvres, était le voleur.

– J’avais tellement faim, dit-il, et je n’avais rien à manger parce que maman n’avait rien pu me donner à emporter.

Chacun avait pitié du pauvre petit Jim affamé ; mais il avait néanmoins volé et devait être puni.

Ainsi le maître décida que Jim devait être puni.

En s’avançant vers le pupitre du maître il se mit à gémir : « Je regrette,  je regrette ! »

Ce cri pitoyable toucha plus d’un cœur, et à cet instant un grand et fort garçon, qu’on appelait le grand Tom se leva et dit :

– Monsieur, je veux prendre la place de Jim et être puni à sa place.

Le maître s’adressa alors aux écoliers et leur demanda s’ils étaient d’accord et si on pouvait admettre que Tom reçut la punition que méritait Jim.

Ils répondirent que, si Tom y consentait, cela pouvait se faire. Ainsi le grand Tom fut puni à la place de Jim pour avoir volé un repas.

Ensuite le maître dit :

– Maintenant, Jim, viens ici recevoir ta punition.

– Oh non ! s’écrièrent tous les écoliers, vous ne pouvez pas les punir les deux ! Tom a pris la place du petit Jim, et Jim est libre.

Le maître se tourna alors vers les enfants et leur dit :

– Oui, vous avez raison. Le petit Jim est délivré de son châtiment, et c’est une illustration de ce que je voudrais vous faire comprendre à l’égard de l’œuvre du Seigneur Jésus en notre faveur. Nous étions tous des pécheurs perdus et méritions un châtiment éternel. Mais le Seigneur Jésus est venu et a subi sur la croix ce châtiment à notre place. Tom a été le substitut de Jim. Mais le Seigneur Jésus a été notre Substitut et si nous croyons en Lui et L’acceptons comme tel, nous sommes délivrés. Dieu qui, dans son amour, a donné son Fils pour nous et L’a puni à notre place, ne nous punira pas, nous aussi, si nous croyons en Lui.

 « Il a été blessé pour nos transgressions, il a été meurtri pour nos iniquités ; le châtiment de notre paix a été sur lui, et par ses meurtrissures nous sommes guéris » (Es. 53. 5).

 « Qui lui-même a porté nos péchés en son corps sur le bois… par la meurtrissure duquel vous avez été guéris » (1 Pierre 2. 24).

 Pensez combien le Seigneur Jésus vous a aimés pour prendre votre place sur la croix et porter tout le châtiment que vous méritiez. N’est-ce pas là un amour merveilleux ?

« Par ceci nous avons connu l’amour, c’est que lui a laissé sa vie pour nous » (1 Jean 3. 16).

Ne voulez-vous pas Lui ouvrir votre cœur et L’accepter pour votre Substitut et votre Sauveur ?

Viens, âme perdue,

Viens à ton Sauveur ;

Vois sa main tendue,

Saisis-la sans peur.

C’est lui qui t’invite :

Réponds à sa voix ;

Si ton cœur hésite

Regarde à la croix.

 

Viens, son sang expie

Toute iniquité

Et donne la vie

Pour l’éternité.

Il a pris ta place ;

Il mourut pour toi ;

Accepte sa grâce

Par la simple foi.

D’après La Bonne Nouvelle 1963 page 237

SUIVRE LE SEIGNEUR : DE LOIN OU DE PRES ?

 Suivons-nous le Seigneur ? Marchons-nous sur Ses traces dans le sentier qui a été le Sien ici-bas ?

C’est une voie étroite et sainte, loin du monde, loin du péché,

Mais d’où l’amour bannit la crainte : Jésus lui-même y a marché.

Tel est le «sentier des justes» (Prov. 4. 18) qui nous conduit vers le ciel ; nous courons «droit au but pour le prix de l’appel céleste de Dieu qui est dans le Christ Jésus» (Phil. 3. 14).

• Suivre de loin le Seigneur.

Le peuple d’Israël.

Alors qu’Israël traversait le désert, les personnes qui suivaient de loin la troupe des voyageurs se distançaient rapidement de l’Arche, qui est une figure de Christ. Ceux qui se tenaient ainsi à l’extrémité du camp, s’exposaient au danger (Nomb. 22. 41 et 23. 13). Plus l’on reste près du Seigneur, plus l’on est en sécurité. Rester «à l’extrémité» du peuple de Dieu, attiédit et favorise le sommeil spirituel. Un frère a dit que les extrémités ne sont jamais une bonne chose ! L’Éternel dit à son peuple : «Souviens-toi de ce que t’a fait Amalek, en chemin, quand vous sortiez d’Égypte : comment il te rencontra dans le chemin, et tomba en queue sur toi, sur tous les faibles qui se traînaient après toi, lorsque tu étais las et harassé, et ne craignit pas Dieu» (Deut. 25. 17 et 18). L’ennemi tombe alors sur les faibles et ne les épargne pas ! Il en est de même des bêtes féroces qui n’épargnent pas ceux qui sont à l’écart du troupeau.

Pierre.

Pierre avait cru pouvoir s’appuyer sur ses propres forces. Il dit à Jésus : «Si tous étaient scandalisés en toi, moi, je ne serai jamais scandalisé en toi» (Mat. 26. 3), mais peu après la Parole précise : «Pierre le suivait de loin» (Mat. 26. 58). Ses affections ont faibli ; il entre dans le palais du souverain sacrificateur «pour voir la fin», il ne tardera pas à renier son Seigneur (v. 70, 72 et 74) avant de sortir et de pleurer amèrement ! Si nous sentons qu’une distance nous sépare du Seigneur, demandons-Lui de ranimer notre amour pour Lui. Il le fera !

– «Nul qui a mis la main à la charrue et qui regarde en arrière, n’est propre pour le royaume de Dieu» (Luc 9. 62).

En Luc 9. 57 à 62, nous avons trois exemples d’hommes. Le premier veut suivre le Seigneur où qu’il aille et le Seigneur veut tester son enthousiasme et lui dit que le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. Il l’avertit que le chemin sera difficile, en tout cas beaucoup plus qu’il ne l’avait escompté ! Les deux autres hommes ont des motifs tout à fait légitimes et des excuses à faire valoir ! La loi ne dit-elle pas d’honorer son père (Ex. 20. 12) et de respecter les affections naturelles ? Ces personnes voulaient faire d’abord des choses tout à fait «normales» : ensevelir son père, prendre congé des leurs… N’était-ce pas tout à fait compréhensible ? Mais Dieu «sonde le cœur» et sa Parole «discerne les pensées et les intentions du cœur» (Jér. 17. 9 ; Héb. 4. 12). Dans ces deux derniers cas, il y a contradiction entre les termes (Seigneur …moi … premièrement). Le petit mot premièrement est également de trop. Christ doit être placé avant les relations naturelles. Le Seigneur veut avoir la première place !

– En Marc 10. 32 alors que le Seigneur montait à Jérusalem, les disciples étaient stupéfiés et craignaient en le suivant. Peut-être, avons-nous aussi peur de l’opprobre que nous pouvons rencontrer en suivant le Seigneur ? Demandons-Lui le courage de Lui rendre témoignage (Act. 5. 41).

La Parole de Dieu nous avertit du danger de suivre le Seigneur «de loin» ou d’avoir la prétention de le faire sans lui donner la première place, mais elle nous fournit aussi de nombreux exemples positifs de personnes qui ont suivi le Seigneur de tout leur coeur.

• Suivre de près le Seigneur.

«Mon serviteur Caleb… m’a pleinement suivi, je l’introduirai dans le pays où il est entré, et sa semence le possédera» (Nomb. 14. 24).

Caleb avait été choisi par la tribu de Juda, pour se joindre aux princes qui devaient aller reconnaître le pays de Canaan (Nomb. 13. 3 et 7). Après un voyage, somme toute périlleux, durant lequel l’Éternel les avait gardés de tout mal, ils reviennent rendre compte à Moïse et Aaron, et à toute l’assemblée d’Israël (v. 27). Incontestablement, ils doivent reconnaître que c’est un pays ruisselant de lait et de miel. Mais dix d’entre eux ajoutent aussitôt : «Seulement, le peuple qui habite dans le pays est fort, et les villes sont fortifiées, très grandes ; et nous y avons vu aussi les enfants d’Anak (des géants)… (v. 29). Alors Caleb fait taire le peuple devant Moïse et dit : «Montons hardiment et prenons possession du pays… » (v. 31). Il compte sur les promesses de Dieu, il se souvient des délivrances déjà reçues. Il est rejoint par Josué, mais les autres princes décrient le pays désirable (v. 33 ; Ps. 106. 24) et parlent de lapider ces deux fidèles témoins (Nomb. 14. 10). Dieu rend témoignage au sujet de Caleb et lui fait des promesses : «Mon serviteur Caleb, parce qu’il a été animé d’un autre esprit et qu’il m’a pleinement suivi, je l’introduirai dans le pays où il est entré, et sa semence le possédera» (Nomb. 14. 24). Les autres princes meurent immédiatement de plaie et toute cette génération, qui s’est associée à eux, va périr dans le désert, à cause de son incrédulité. Seuls, Caleb, fils de Jephunné le Kénizien et Josué, fils de Nun, survivront : «Ils ont pleinement suivi l’Éternel (Nomb. 32. 11 et 12). Caleb le dira, au moment du partage de l’héritage, quarante ans plus tard : il a pleinement suivi l’Éternel son Dieu ! Il rappelle la promesse que Moïse lui avait faite alors : «Si le pays que ton pied a foulé n’est à toi pour héritage, et à tes fils, pour toujours ! car tu as pleinement suivi l’Éternel, mon Dieu» (Jos. 14. 9). La montagne dont il hérite, habitée par les Anakims, n’est certes pas facile à prendre, mais Caleb déclare avec humilité : «Peut-être que l’Éternel sera avec moi» (v. 12). Josué le bénit et lui accorde Hébron (ce qui signifie «communion») en héritage ; de fait, Caleb s’en empare. Le motif de cette grande bénédiction est rappelé plusieurs fois encore : «Parce qu’il avait pleinement suivi l’Éternel, le Dieu d’Israël» (Jos. 14. 14 ; voir aussi Deut. 1. 36). Cette expression est répétée sept fois dans l’Écriture, à propos de Caleb. Cet homme de foi n’a pas douté un instant que Dieu donnerait le pays à Israël, selon ses promesses ! Il faut de l’énergie, afin de «joindre à la foi, la vertu» (2 Pierre 1 5) et centrer ses pensées sur l’Éternel. Amis chrétiens, n’ayons pas un cœur partagé, un cœur «double» – littéralement : «un cœur et un cœur» (1 Chr. 12. 33). Suivons le Seigneur de tout notre coeur (1 Chr. 15. 15).

«Où tu iras, j’irai, et où tu demeureras, je demeurerai : ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu» (Ruth 1. 16).

Dieu a travaillé dans le cœur de Ruth et son attitude montre «la foi opérant par l’amour» (Gal. 5. 6). Elle dit à sa belle-mère : «Ne me prie pas de te laisser, pour que je m’en retourne d’avec toi ; car où tu iras, j’irai, et où tu demeureras, je demeurerai : ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu. Là où tu mourras, je mourrai. Ainsi me fasse l’Éternel, et ainsi il y ajoute, si la mort seule ne me sépare de toi !». Alors Naomi, voyant «qu’elle était résolue d’aller avec elle… cessa de lui parler» (Ruth 1. 16 à 18). Ruth est déterminée, tout est bien «pesé» (Prov. 4. 26) : rien ne peut la faire changer d’avis, désormais elle ne regardera pas en arrière. Elle a discerné que le Dieu de Naomi était le vrai Dieu. Elle est animée d’un amour réel pour sa belle-mère, pour son peuple et pour son Dieu. Les choix que nous avons à faire pour le Seigneur se font aussi au quotidien, à chaque pas.

«Demeure près de moi, ne crains point… près de moi tu seras bien gardé» (1 Sam. 22. 23).

Pour rester «fort», il faut rechercher la communion avec le Seigneur. C’est le seul moyen d’être gardé des assauts de l’Ennemi.

«L’Eternel est vivant, et le roi, mon seigneur, est vivant, que dans le lieu où sera le roi, mon seigneur, soit pour la mort, soit pour la vie, là aussi sera ton serviteur !» (2 Sam. 15. 21).

Pourchassé par son fils Absalom, le roi David dit à Itthaï le Guithien : «Pourquoi viendrais-tu, toi aussi, avec nous ? Retourne-t’en, et demeure avec le roi ; car tu es étranger, et de plus tu as émigré dans le lieu où tu habites. Tu es venu hier, et aujourd’hui je te ferais errer avec nous çà et là ? Et quant à moi, je vais où je puis aller. Retourne- t’en, et emmène tes frères. Que la bonté et la vérité soient avec toi !». Mais Itthaï répond au roi : «L’Eternel est vivant et le roi, mon seigneur, est vivant, que dans le lieu où sera le roi, mon seigneur, soit pour la mort, soit pour la vie, là aussi sera ton serviteur !» (2 Sam. 15. 19 à 21). Combien David a dû être réjoui par l’amour de cet homme dévoué, malgré l’imminence du danger ! «Va, et passe !», lui a-t-il dit. «Alors Itthaï, le Guithien, passa avec tous ses hommes et tous les enfants qui étaient avec lui» (v. 22). Tant que tout allait bien, il était impossible de distinguer ceux qui étaient vraiment attachés à David, de ceux qui restaient par simple intérêt personnel. Mais Dieu permet des circonstances où la neutralité n’est plus de mise. On voit souvent des nouveaux convertis déployer une grande foi et un grand dévouement. Ayons, nous aussi, un tel amour pour le Seigneur et suivons-Le, là où Il se trouve.

«Voici, nous avons tout quitté et nous t’avons suivi… Il n’y a personne qui ait quitté maison, ou frères… pour l’amour de moi et pour l’amour de l’évangile, qui n’en reçoive maintenant… cent fois autant… » (Marc 10. 28 à 30).

A cette parole de Pierre : «Voici nous avons tout quitté et nous t’avons suivi», Jésus a répondu : «En vérité, je vous dis : il n’y a personne qui ait quitté maison, ou frères, ou sœurs, ou père, ou mère, ou enfants, ou champs, pour l’amour de moi et pour l’amour de l’évangile, qui n’en reçoive maintenant, en ce temps-ci, cent fois autant, maisons, et frères, et sœurs, et mères, et enfants, et champs, avec des persécutions et, dans le siècle qui vient, la vie éternelle. Mais plusieurs qui sont les premiers seront les derniers ; et les derniers seront les premiers» (Marc 10. 28 à 31). «Avec des persécutions». Le Seigneur ne nous promet pas que Le suivre se fera sans difficultés ! C’était vrai, les disciples avaient «tout quitté» : leurs bateaux, leurs filets de pêche et même leur père. «Pour l’amour de moi», précise le Seigneur. Son regard pénétrant lit dans chaque coeur. Ce que nous faisons doit être accompli par amour pour Lui. Chacun doit être prêt à Le suivre. «Que t’importe ? Toi, suis-moi» (Jean 21. 22 et 23), dira Jésus à Pierre, qui voulait savoir ce qu’il en adviendrait de Jean. Et le disciple retiendra la leçon donnée par cet appel personnel. Dans sa première épître, il rappelle que Christ nous a laissé un modèle, afin que nous suivions ses traces (2. 21). Chacun, sans doute, fait des faux-pas, mais ce qui compte aux yeux du Seigneur, c’est l’état de notre cœur !

Les assemblées où nous sommes suivent-elles de près ou de loin le Seigneur ? Question propre à sonder nos cœurs ! Demandons au Seigneur de nous aider à le suivre de plus près. Asseyons-nous d’abord et calculons «la dépense» (Luc 14. 28). Le sentier suivi par notre Sauveur était certes un sentier de joie profonde, goûtée dans la communion avec le Père. Mais c’était aussi un sentier qui descendait toujours. Venu de la gloire suprême, Il s’était d’abord anéanti lui-même. Homme ici-bas, Il s’est alors abaissé jusqu’à la mort, «la mort de la croix» (Phil. 2. 7 et 8). Tel est le chemin obscur qu’Il nous invite à suivre, dans l’humilité profonde. Une telle marche, sur les traces de Celui qui nous a ouvert le chemin, si contraire aux pensées de l’homme naturel, est figurée de façon remarquable dans le troisième chapitre de Josué : à 2000 coudées derrière l’arche, le peuple devait suivre le chemin qu’elle frayait à travers le lit même du Jourdain, appelé le fleuve de la mort ! Le récit de Josué rappelle que le Jourdain «regorgeait par-dessus tous ses bords, au temps de la moisson» (v. 15). C’était un obstacle très difficile apparemment pour le peuple, qui n’avait jamais emprunté un tel chemin (v. 4). Mais il devait simplement suivre l’arche. Il est indispensable de réaliser d’abord que Christ est mort pour nous, mais il faut aussi comprendre que nous sommes «morts avec Lui», ce qui est une autre conséquence de l’œuvre de la croix (Gal. 2. 20). Identifiés avec Christ dans sa mort, nous le sommes aussi dans sa résurrection, et appelés à marcher en «nouveauté de vie».

Suivons-Le tous, animés d’un saint zèle !

 

Partout avec Jésus ! Lui seul est mon appui.

Sans le quitter jamais, que je reste avec Lui !

Que pour suivre ses pas, nul effort ne me coûte :

Partout avec Jésus qui m’a frayé la route.

ACROSTICHE (2)

Acrostiche (2)

La Bonne Nouvelle  1945 page 60 et 69

 

 

1. Une femme qui a prié pour un enfant.
2. Un jeune homme à qui il est dit : Dieu te fasse grâce mon fils.
3. Son frère aîné.
4. Un prophète.
5. Un ami conseiller.
6. Une montagne.
7. Un prophète haï par un roi.

 

Les lettres initiales lues de haut en bas et les finales lues de bas en haut donnent les noms de deux hommes de foi intercédant pour d’autres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Réponse à L’Acrostiche

ANNE
BENJAMIN
RUBEN
AGGEE
HUSHAI
ARARAT
MICHEE

Soit ABRAHAM et ETIENNE.

ACROSTICHE (1)

 

 

Acrostiche (1)

La Bonne Nouvelle  1945 page 200 et 235

 

1. Un petit fils de Lévi qui vécut au temps de l’asservissement des fils d’Israël en Égypte.
2. Un homme qui se fit roi à la place de son frère.
3. Nom donné à L’Éternel dans un cantique de Moïse.
4. Le roi d’Israël qui bâtit Samarie.
5. Un docteur en Israël qui vint de nuit à Jésus.

Les premières et les dernières lettres donnent les noms d’un sacrificateur et d’une prophétesse qui étaient frère et sœur.

 

 

 

 

 

 

 

Réponse à l’acrostiche:

AMRAM (Exode 6. 18)
ADONIJA (1 Rois 1. 5)
ROCHER (Deut. 32. 4)
OMRI (1 Rois 16. 24)
NICODEME (Jean 3. 2)

Soit : AARON et MARIE.

QUI SUIS-JE ? (2)

Qui suis-je ? (2)

 

 

 

  1. L’apôtre Paul m’a écrit deux lettres.

  2. J’étais un esclave inutile. (Épître à Philémon).

  3. Je suis le père du roi David. (1 Samuel 16).

 

  1. Dieu m’a donné une très grande force. (Juges 13).

  2. Abram habitait ici avant d’être appelé par Dieu. (Genèse 11).

  3. Mon nouveau nom signifie « vainqueur ». (Genèse 32).

  4. Pierre est le nom que le Seigneur m’a donné. (Marc 3).

 

  1. L’évangile que j’ai écrit est le plus court.

  2. Je suis la belle sœur de Ruth. (Ruth 1).

  3. J’ai suivi David quand il s’enfuyait. (2 Samuel 15).

Les initiales des noms trouvés forment un verset du dernier chapitre de l’évangile de Jean.

LE SEIGNEUR LE DEMANDE A CHACUN !

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉPONSE AU QUI SUIS-JE ?

La réponse est : TOI SUIS MOI.

 

QUELQUES EXTRAITS DE LA VIE DE HUDSON TAYLOR

 

Quelques extraits de la vie de Hudson Taylor

 

La croissance d’une âme

 

Tome 1

Traduit de l’anglais par M. et Mme Howard Taylor

 

“Nous sommes convaincus que s’il y avait moins d’appels aux hommes, plus de dépendance et de puissance du Saint Esprit, le même résultat serait obtenu dans toutes les branches de l’activité chrétienne ».
Hudson Taylor

Sa famille

 C’était le jour de mariage de James Taylor, le père d’Hudson, en pleine campagne dans le nord de l’Angleterre. Le jeune maçon s’était levé de bonne heure pour préparer le logement où il allait recevoir la jeune épouse. Plein de vie, chanteur réputé et grand amateur de danse, James Taylor n’avait guère pensé sérieusement à l’acte qu’il allait accomplir. Avec une vive satisfaction il avait entendu la publication des bans de mariage, trois dimanches de suite après le Nouvel-An. Maintenant le grand jour était arrivé…

Pourtant, comme James Taylor sortait à l’air vif du matin pour porter ses gerbes à la grange, des pensées toutes nouvelles se présentèrent à son esprit. D’où lui venaient-elles ? Du cottage voisin où vivaient Joseph et Elisabeth Shaw ou de la musique de quelque hymne que Mme Shaw chantait tout en accomplissant sa besogne matinale ?
Depuis le jour mémorable où, seule au logis, elle « s’était confiée dans le Seigneur », alors qu’elle avait eu dans sa vie plus de souffrances que de cantiques, il y avait eu en elle un changement complet.
Aussi étrange que cela puisse paraître, ces idées commencèrent à pénétrer en lui. Pourtant il avait été de ceux qui s’opposaient au Réveil survenu récemment dans les environs. John Wesley n’était-il pas venu en personne à Mapplewell pour s’adresser avec hardiesse à la foule sur la place du marché en pleine foire de la mi-été ? Puis il se rendit chez les Shaw sans avoir été molesté. Et c’est peut-être de ses lèvres que le jeune James Taylor avait recueilli ces paroles qui lui revenaient à l’esprit d’une manière si incisive tandis qu’il travaillait dans sa grange :

« Moi, et ma maison, nous servirons l’Eternel ».

Mais c’était le jour de son mariage et ce n’était pas le moment de songer à la religion. « Moi et ma maison ». Or il allait justement fonder son foyer. C’était tout de même sérieux. Combien insouciante, irréfléchie, avait été son attitude jusqu’alors ! Et maintenant ces mots ne le quittaient pas : « nous servirons l’Eternel ».
Les heures s’écoulaient ; le soleil s’était levé et éclairait le village, où la fiancée attendait. Mais dans ce premier contact avec les vérités éternelles, il avait tout oublié. Seul, à genoux sur la paille, le jeune maçon était en tête-à-tête avec Dieu. Le sentiment de sa responsabilité personnelle envers Quelqu’un de vivant, quoique invisible, l’Amour infini et éternel, était devenu sensible et pressant comme jamais auparavant. C’était l’heure où le Saint Esprit luttait avec son âme, l’heure solennelle où il fallait céder pour être sauvé. Seul avec Dieu, James Taylor céda. L’amour de Christ le conquit et prit possession de lui. Bientôt la vie nouvelle d’En-Haut trouva son expression dans une détermination virile : Oui, nous servirons l’Eternel.
C’était le moment critique où tout dépend alors de la réponse que donne l’âme aux exigences de Dieu et aux promesses de Dieu. Si la décision de James avait été différente en ce matin d’hiver, combien différentes auraient été aussi les suites ! C’était l’humble commencement, la petite source, d’où allait couler la bénédiction sur un cercle de plus en plus vaste en Angleterre, en Chine et sur tout le peuple de Dieu. Une telle crise peut survenir pour nous aujourd’hui, grandes de conséquences infinies. Quelle sera alors notre réponse ?

« Parle, Seigneur, ton serviteur écoute »

Les cloches sonnaient dans la vallée, quand James reprit conscience des choses. Il était presque midi. Il dévala en courant la colline, homme nouveau dans un monde nouveau. Au carrefour, au milieu du village, il aperçut soudain l’église et jeta un coup d’œil inquiet sur l’horloge ; quelle ne fut pas sa surprise de constater qu’elle était arrêtée, comme si elle avait compris son retard ! La fiancée et les invités attendaient. Ce n’était pas le moment des explications. Le vicaire ne fit aucun commentaire et ne s’était sans doute pas aperçu de la ruse que les sonneurs avaient employée pour tirer d’embarras leur camarade favori. Le registre fut signé dans la sacristie. James Taylor et Betty Johnson étaient unis.
Maintenant en sortant de l’église James Taylor n’hésita pas à confesser le changement qui avait eu lieu dans sa vie. Simplement et avec sérieux, sa jeune épouse appuyée sur son bras, il expliqua qu’il s’était enrôlé au service d’un nouveau Maître. Cela signifiait qu’il n’y aurait ni danse ni réjouissances inconvenantes à la noce. En entendant cela, l’épouse s’écria : « J’espère que je n’ai pas épousé un de ces méthodistes » !
Par le moyen des Shaw, James apprit ce que c’était que « de servir le Seigneur ». Sa voix et son violon si recherchés autrefois pour les fêtes de la région, furent mis à la disposition de son nouveau Maître. Et que devenait Betty pendant ce temps ? Elle était loin d’être heureuse. Son cœur lui disait que James avait raison, mais elle n’était pas du tout décidée de porter l’opprobre de Christ. Dès le premier jour, James avait commencé le culte de famille, mais elle refusait d’y assister. Un jour où elle était très contrariante, James emporta sa femme dans ses grands bras et la déposa dans la chambre à coucher. Puis il s’agenouilla et répandit toute sa tristesse et sa perplexité dans la prière. Son sérieux impressionna Betty, qui n’avait pas saisi jusque-là l’angoisse de son mari pour elle. Elle fut troublée par le sentiment de son péché et le lendemain sa détresse augmenta. Combien elle aurait voulu ressembler à James ! A la lecture de la Bible, Betty fut heureuse de l’entendre et quand James était encore à genoux, elle fut en paix avec Dieu.
Les époux James Taylor vinrent s’établir à Barnsley et leur joie fut grande d’y recevoir leur père dans la foi : John Wesley. Il venait d’Epworth, où il avait passé son enfance et y avait fêté son quatre-vingt-troisième anniversaire. Son extraordinaire vigueur spirituelle et physique peut être jugée par quelques notes de son journal à l’époque :
« Mercredi 28 juin 1786. Je suis un sujet d’étonnement pour moi-même. Il y a maintenant 12 ans que je n’ai pas ressenti de fatigue. Je n’éprouve jamais de lassitude, par la grande bonté de Dieu, à prêcher, à écrire, et à voyager ».
Cette visite laissa des traces à Barnsley. L’arrivée de John Wesley, la noblesse du vénérable prédicateur, la manière puissante avec laquelle il présenta les choses éternelles, se sont imprégnées dans le cœur chaud des habitants de cette ville du Yorkshire. On se représente le sérieux avec lequel Wesley cherchait à encourager et à fortifier ceux qui sans doute il ne reverrait plus ici-bas. Il leur disait :
« Souvenez-vous que votre devoir le plus important est de sauver les âmes. Donnez-vous entièrement à cette tâche, d’amener le plus de pécheurs possible à la repentance et de les édifier ensuite de toutes vos forces dans la sainteté sans laquelle nul ne verra le Seigneur
Oh ! Pourquoi ne sommes-nous pas plus saints ? Pourquoi ne vivons-nous pas dans l’éternité et ne marchons-nous pas tout le jour avec Dieu ? Hélas ! Nous voulons des résultats sans être fidèles dans les moyens pour les obtenir. Est-ce que nous nous levons à 4 ou 5 heures du matin pour être seuls avec Dieu ? Savons-nous réserver des heures fixes pour la prière ? Ne dormons plus comme les autres. Prenons garde au service que nous avons reçu du Seigneur et accomplissons-le ».

Aux enfants des enfants

Il y a deux générations entre la visite de John Wesley à Barnsley et la naissance de l’enfant dont nous raconterons les expériences et la vie : HudsonTaylor.
Il a pu rappeler bien plus tard et avec une immense reconnaissance l’éducation qu’il avait reçue dans son enfance. En quoi consistait-elle? De quoi les parents rendirent leur fils si redevable ? Les réponses révèlent la fidélité de Dieu qui garde ses promesses « aux enfants de ses enfants ».
James Taylor, le maçon, eut la joie de voir encore le commencement de cette bénédiction. Le groupe qui se réunissait dans la cuisine de Betty était important et il fallut songer trouver plus grand. Plus tard, il fallut encore s’agrandir, quand débutèrent les écoles du dimanche et où 600 enfants, avides de s’instruire, se rassemblèrent. Il fallait donc un immeuble plus vaste.
John Taylor, le fils aîné de James, épousa Mary Shepherd de Bradford, de souche écossaise, au cœur chaud et d’un extérieur paisible. Ils eurent 7 enfants, dont l’un James, portant le prénom de son grand-père, était fort, actif et avait un gai sourire.
De l’autre côté de la rue, il y avait une demeure où grandissaient un même nombre de garçons et de filles. Le pasteur et Mme Hudson comptaient au nombre des plus chauds amis des James et souvent le soir, après la réunion, ils chantaient des cantiques en plein air. Amélie chez les Hudson avait 15 ans quand ils vinrent s’établir à Barnsley. Cette jeune fille sérieuse, active, ne pensant jamais à elle-même, était aimée de chacun. Cela révélait un cœur entièrement voué au Seigneur.
Mais la situation financière des Hudson était difficile ; aussi Amélie chercha un gagne-pain. Avec James ils trouvèrent qu’ils avaient une pleine communion d’esprit dans les choses de Dieu et une grande affection grandit entre eux. Ils se fiancèrent et c’est ainsi que naquit le double nom : Hudson-Taylor.

Mis à part pour le Seigneur

1824-1832

James Taylor retourna avec entrain à son travail. La bénédiction de Dieu reposait sur lui. La Bible faisait toutes ses délices et son ardent désir était de communiquer à d’autres les richesses qu’il y avait découvertes. Près de la ville, où il travaillait, se trouvaient des villages complètement abandonnés du point de vue spirituel et il s’y rendait dimanche après dimanche, parlant dans ces endroits du merveilleux amour de Dieu. Beaucoup de ses auditeurs furent réveillés.
James Taylor avec l’appui de son père loua un des meilleurs magasins de la ville et après quelques années de labeur intense, il put rembourser les fonds avancés par son père et se maria.
James Taylor était scrupuleux, ponctuel dans ses paiements, généreux pour les pauvres et accueillant envers les étrangers. Mais, en premier lieu, c’est à Dieu que James cherchait à être fidèle. Il prenait la Bible au mot.
Un jour inoubliable entre tous, dans le premier hiver de leur union, fut celui où leurs yeux tombèrent sur un passage qui les impressionna fortement :

« Sanctifie-moi tout premier-né…
« Tous les premiers-nés sont à moi…
« Ils seront à moi….
« Mis à part pour l’Eternel »

Ils eurent un long et sérieux exercice au sujet du bonheur qu’ils attendaient. Leurs cœurs ne reprirent rien au Seigneur. Tout ce qu’ils avaient Lui appartenait. Ils s’agenouillèrent en silence pour consacrer à Dieu leur enfant premier-né, comme les parents hébreux de jadis. Leur enfant fut « mis à part » à cette heure même.
La certitude que leur don était accepté descendit dans leur âme. Cette vie qui leur était chère, ils la tinrent à la disposition d’une volonté supérieure à la leur, d’un amour plus profond que le leur.
Au printemps, alors que les collines et les vallées du Yorkshire revêtaient leur fraîche parure, le 21 mai 1831, naquit l’enfant de tant de prières. Il reçut le nom de son père et de sa mère : James Hudson Taylor.

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Les premières années.

1832- 1839

Le petit Hudson était un enfant pensif, d’une nature sensible, tout en étant plein de gaîté, mais ses parents s’aperçurent bientôt qu’il était très délicat. Ce fut pour eux un sujet de vive tristesse. Cela rendit plus difficile la tâche de l’élever et de faire de lui un vaillant et fidèle serviteur du Seigneur Jésus. Heureusement, ils savaient où trouver force et grâce. N’étaient-ils pas collaborateurs de Dieu pour façonner cette jeune vie en vue de Son saint service ? S’ils manquaient de sagesse pour ce noble objectif, comme c’était le cas, ne la leur donnerait-Il pas selon Sa promesse ?
Ainsi l’enfant se développa sous les regards vigilants de ses parents. Ceux-ci grandirent avec leur fils. La jeune mère, aimante, comme elle l’avait toujours été, manifesta une nouvelle profondeur de caractère en s’occupant de son garçon. Dans la vie du père entra une nouvelle mesure de sympathie et d’énergie.
Cet enfant sensible s’intéressa très tôt à la vie des grandes personnes, en attendant que des petits compagnons de jeu vinssent l’occuper. Ce fut le cas. Quand il avait cinq ans, son frère et sa sœur étaient devenus de petits amis pour lui. Il apprit à marcher à sa sœur Amélie.
Un jeu qui les passionnait était de « faire la réunion », le dimanche soir. Un des frères était le prédicateur et les autres représentaient l’auditoire. A n’en pas douter, l’exemple du père, ainsi que les souvenirs de James Taylor, leur grand-père du temps de Wesley, enflammaient leur imagination.
Jamais le cœur ne se donne avec autant d’enthousiasme que dans les jeunes années. Le petit Hudson avait été très impressionné quand il entendit parler des ténèbres qui régnaient dans les pays païens.
« Quand je serai un homme, disait-il souvent, je serai missionnaire et j’irai en Chine ». Paroles d’enfant, sans doute, mais dites de tout son cœur et qui montraient son amour pour le Seigneur et son désir de Lui plaire et de Le servir.
La discipline exercée avec douceur par Mme Taylor fut pour beaucoup dans le bonheur de l’enfance d’Hudson. Ce fut bien rarement qu’il échappa aux consignes de la maison, en partie sans doute, parce qu’il savait l’inutilité de vouloir s’y soustraire, et en partie, par crainte du chagrin qu’il ferait à sa mère. Car, dans l’éducation de ses enfants, elle était juste et ferme. Elle faisait peu de règles et évitait les ordres qui n’étaient pas nécessaires.
Une expérience désastreuse lui enseigna une leçon qu’il n’oublia jamais. Il aimait passionnément la lecture et un hiver, il était absorbé dans une lecture captivante. Il mettait toute son ardeur pour la finir. Hélas ! Le moment du coucher ne pouvait pas être retardé ! Si seulement il avait pu continuer de lire pendant la nuit ! Mais maman venait toujours border son lit et éteindre la lampe. Comme le livre devenait de plus en plus captivant, un plan naquit dans l’esprit d’Hudson. Il savait où on mettait les bouts de chandelles usagées et il pourrait les allumer les unes après les autres et avancer dans sa lecture. Pour commencer, il eut peur d’agir ainsi. Mais cette idée le poursuivit au point que sa conscience fut réduite au silence.
C’est alors qu’un ami des parents d’Hudson vint passer une soirée avec eux.
L’enfant vit là l’occasion favorable et remplit ses poches de bouts de chandelles et pénétra dans le salon plus tôt que d’habitude pour souhaiter une bonne nuit à chacun. Les grandes personnes étaient groupées autour du feu. Le visiteur aimait beaucoup les enfants et prit Hudson sur ses genoux et lui demanda s’il voulait une histoire. Bien sûr qu’il les aimait, surtout à l’heure où il fallait aller au lit ! Cependant, vu la proximité du feu, il était fort désireux de s’échapper. Avec angoisse, il s’aperçut que la poche pleine de bouts de chandelle était justement exposée du côté de la chaleur. Prétextant avec vivacité qu’il était temps pour lui d’aller se coucher, il chercha à sauter à bas de ces genoux, mais sa mère l’obligea de rester et par une faveur spéciale il pouvait écouter l’histoire. Au lieu d’être enchanté, le pauvre petit garçon était agité et malheureux. Les bouts de chandelle allaient fondre. A la première pause du récit, Hudson répéta qu’il était temps qu’il aille. Finalement au bout d’un temps qui lui parut des heures, il put monter dans sa chambre. Sa mère le suivit et le trouva pleurant à chaudes larmes devant sa poche pleine de suif fondu. Inutile d’ajouter que la tristesse de la mère devant cette scène, grava dans l’âme d’Hudson une leçon, dont plus tard il ne put jamais être trop reconnaissant.
L’avantage le plus grand qu’eut Hudson pendant son enfance fut d’être constamment l’objet des soins de sa mère. Elle était la compagne de ses enfants du matin au soir. Elle travaillait avec eux, les enseignait et faisait tout pour eux. Elle était le soleil de leur vie, répandant amour et lumière. Mme Taylor, si active, trouva le temps d’inspirer à ses enfants le goût de la lecture.
Le père de son côté était un homme sérieux, parfois sévère, qui, dans l’éducation faisait passer avant tout la discipline morale. Il insistait notamment sur la ponctualité, apprenait à ses enfants à ne pas gaspiller le temps et à se contenter de peu, bien que son commerce prospérât. Ne souffrons-nous pas aujourd’hui d’un certain relâchement ? Il n’en était pas ainsi avec James Taylor. La vie devait être vécue, le travail accompli. Il avait un sens aigu du devoir. Il était un homme de foi, mais d’une foi marchant de pair avec l’action pratique.
Le développement spirituel des enfants était l’objet des soins du père. Le culte de famille avait lieu deux fois par jour, après le repas de midi et celui du soir. Il mettait ses explications à la portée des plus jeunes. L’Ancien Testament aussi bien que le Nouveau était lu régulièrement. Il avait à cœur aussi d’intercéder pour ses enfants et il les enseignait à prier. Les menus évènements de chaque jour étaient l’occasion de s’approcher de Dieu. Rien n’était trop petit pour le père et la mère, parce que leurs enfants leur étaient chers, et rien n’était trop petit pour Celui qui les aimait plus encore. A un moment donné, il prit l’habitude de réunir les deux aînés dans sa chambre, chaque jour, pour un moment de recueillement et au pied de son lit, en les enlaçant de ses bras, il répandait son âme devant Dieu pour chacun d’eux.
Dès qu’ils furent en âge de comprendre, il leur expliqua la nécessité d’entretenir la vie de l’âme par la prière et la Parole. Omettre ces choses, disait-il, c’est négliger l’essentiel. Il parlait de cela souvent comme étant une chose importante et il fit en sorte que chacun, dans la maison, ait une demi-heure pour être chaque jour avec Dieu. Le résultat fut que les petits commencèrent à connaître le secret d’une journée heureuse. Avant le premier repas, le matin, et le soir encore, ils allaient dans leur chambre pour lire et prier. Ainsi les enfants grandirent, physiquement, moralement et spirituellement.
James Taylor était très hospitalier. Clients et amis venaient à lui pour avoir des conseils ou des prédicateurs des environs qui trouvaient chez lui un accueil chaleureux. Une tasse de thé autour du feu donnait prétexte à bien des conversations instructives, qui ne manquaient pas d’intéresser les enfants.
Tous les trois mois revenait une journée attendue. C’était la réunion d’administration de la chapelle. On parlait ensemble de l’activité des prochains mois, puis l’hospitalité privée s’exerçait dans la maison de James Taylor. Cinquante ans plus tard, Hudson Taylor aimait rappeler ces rencontres, où tout ce qui concernait l’œuvre du Seigneur faisait l’objet d’échanges du plus haut intérêt.
C’était précisément à cette occasion que la question missionnaire revenait et les enfants écoutaient avec délices les histoires des pays lointains. La Chine, comme toujours du reste, avait la première place et le père déplorait souvent que l’église était indifférente devant la détresse de cet immense pays. On ne faisait rien pour l’évangélisation. Dans les nouvelles missions, il n’y avait rien pour la Chine. Morisson, pionner des missions protestantes, était mort cinq ans auparavant et n’avait pas été remplacé. Le Docteur Peter Parker avait fondé le premier hôpital à Canton en terre chinoise, mais au-delà de cet unique poste, il y avait le vaste empire peuplé de quatre cents millions d’habitants (à l’époque !), sans personne qui y prêchât Christ. Cet état de choses pesait sur le cœur de James Taylor.
« Pourquoi n’envoyons-nous pas des missionnaires », s’écriait-il ? C’est un peuple dont il faut s’occuper, un peuple fort, intelligent et instruit.
Amélie fut la plus impressionnée par un petit livre illustré sur la Chine de Parle et elle décida de se joindre à son frère, qui était résolu depuis longtemps, à partir en Chine. Les parents notaient avec soin ses projets enfantins, mais non sans une certaine tristesse, en pensant à la santé délicate d’Hudson, pour lequel leur plus fort désir avait été de le voir appelé à un tel service.
Il était évident que le Saint Esprit travaillait dans son cœur, car rien ne l’intéressait plus que les choses de Dieu. A l’âge de 7 ans, il accompagnait son père qui prêchait dans le voisinage et dont le ministère était puissant et fécond. Après le service, il y avait une deuxième réunion, où l’on invoquait la bénédiction de Dieu sur Sa Parole et où l’on priait pour les pécheurs. Les personnes convaincues de péché pouvaient rester et on dirigeait leurs regards « vers l’Agneau qui ôte le péché du monde ». Lorsqu’une âme travaillée trouvait le repos, tous les auditeurs rendaient gloire à Dieu et Hudson se joignait à leurs chants avec une joie égale à la leur et un visage rayonnant. L’amour pour Christ, la passion dominante de sa vie et un désir constant d’amener les autres à Le connaître et à L’aimer, prirent naissance en lui à ce moment-là.
L’exemple de sa mère en particulier, qui savait fermer sa porte à certaines heures pour se retirer dans le secret, malgré ses journées bien remplies, eut sur son enfance la plus profonde influence. Sa voix suave leur faisait aimer les cantiques et rien ne valait les histoires qu’elle tirait de la Bible. Jamais il n’oublia, parmi tant de jours heureux de son passé, ces après-midi de dimanche, où elle pouvait se donner aux siens sans réserve. Il semblait qu’elle n’avait pas d’autre préoccupation que de vouloir rendre ce jour-là le meilleur et le plus fécond des sept. Enfin, rien que de la voir, si douce et si paisible, prendre part à leurs jeux, aurait suffit à rendre ce jour particulièrement heureux. Plus tard, le souvenir de sa mère suffisait à donner à Hudson Taylor un renouveau d’inspiration et d’amour.
Oui, c’était vraiment « la maison », c’était presque le ciel, parce qu’à ce foyer il y avait une mère dont le cœur était rempli de l’amour de Dieu.

L’œuvre accomplie de Christ.

1843-1849

Les années d’enfance s’écoulaient et Hudson approchait, sans s’en rendre compte, de la crise définitive de son existence.
C’était maintenant un beau jeune homme de dix sept ans, qui paraissait avoir peu de soucis. Pourtant, il traversait une période de luttes intérieures. Il avait vu maintenant autre chose qu’un foyer chrétien. Il avait pris contact avec le monde et il ne parvint à la paix que le jour où il apprit à se confier dans une force supérieure à la sienne.
Sa foi d’enfant s’évanouit et, malgré les prières de sa mère, il fut dans le plus grand désarroi intérieur pendant six longues années. Il essayait de « se faire chrétien », mais tous ses efforts n’aboutissaient qu’à le désespérer. Qu’elles sont difficiles ces étapes de onze à dix sept ans ! Ce sont des années solitaires, où l’on manque de confidents ; des années où Dieu est nécessaire plus que jamais, mais où le premier éveil des tentations, les premières séductions du monde, les premiers murmures du doute, empêchent de Le contempler. Ce qu’il faudrait à un cœur de jeune homme ou de jeune fille, qui traverse une de ces crises, c’est la sympathie d’une personne plus âgée. Hélas ! Elle fait souvent défaut, et le secours ne peut venir que de Dieu.
Un soir, il entendit une voix qui lui disait :

« Mon fils, donne-moi ton cœur »

Mais aucun changement ne se produisit.
Plus tard, il lut un petit traité qui racontait l’histoire d’un pauvre homme « Le pauvre Joseph, répétait-il, est le plus grand des pécheurs. Mais Jésus est venu dans ce monde pour sauver les pécheurs. Pourquoi ne sauverait-t-Il pas le pauvre Joseph ? » Hudson, ce jour-là, saisit plus clairement que jamais la simplicité de la foi. Il revint à Dieu et retrouva la paix pour un temps. Mais cela ne dura pas, quand il se trouva à nouveau plongé dans une atmosphère mondaine et incrédule.
Il entra peu après dans une des meilleures banques de Barnsley, où il apprit la comptabilité et la correspondance commerciale. Mais n’étant pas assez affermi, il fut facilement entraîné par l’impiété de ceux qui travaillaient avec lui. Il raconta plus tard ce qu’était pour lui ce temps-là.
« Je commençai à donner trop d’importance aux choses de ce monde et à négliger la prière personnelle. Les devoirs religieux devinrent ennuyeux. Mais Dieu, dans sa miséricorde infinie, permit que ma vue s’affaiblisse, et j’ai dû quitter la banque ».
Mais l’état d’esprit fâcheux dans lequel il était tombé se maintint longtemps après son départ de la banque. Hudson Taylor raconte ses expériences, montrant les exercices d’âme par lesquels des jeunes apparemment insouciants peuvent passer à l’insu de ceux qui les entourent.
« J’ai souvent essayé de me faire chrétien et naturellement j’ai échoué dans mes efforts. J’arrivais à penser que pour une raison ou pour une autre, je ne pouvais être sauvé et que le mieux était de profiter du monde ».
A la maison, cette crise n’échappa pas à ses parents. Sa mère le comprenait mieux que son père et redoublait de tendresse et de prières. Seule sa sœur Amélie, âgée alors de treize ans, demeurait sa confidente. C’est ainsi qu’Hudson Taylor, désappointé dans toutes ses aspirations, mais soutenu par l’affection de quelques cœurs aimants, approchait de la crise de sa vie.

« Cela semble peut-être étrange, écrivait-il plus tard, mais je puis dire que je suis reconnaissant des expériences faites durant ce temps d’incrédulité. Les inconséquences des chrétiens qui font profession de croire à la Bible, tout en vivant comme si elle n’existait pas, fournissaient à mes camarades incrédules un de leurs plus forts arguments. Et j’ai souvent senti et dit, dans ce temps-là, que si je prétendais croire les Ecritures, j’essayerai à tout prix de vivre d’après elles, de les mettre à l’épreuve. Si elles n’étaient pas trouvées vraies, je les jetterais sans hésiter par-dessus bord. J’ai conservé cette manière de voir quand il a plu au Seigneur de m’amener à la lumière et au salut. Je crois pouvoir dire que j’ai mis la Parole de Dieu à l’épreuve ; elle ne m’a jamais trompé. Je n’ai jamais eu à regretter la confiance que j’ai mise en ses promesses ou à déplorer de m’être laissé guider par ses directives ».
Laissez-moi vous dire comment Dieu répondit aux prières de ma mère et de ma sœur pour ma conversion. Un jour que je n’oublierai jamais, ma mère était absente, à cent kilomètres de la maison, et j’avais congé. L’après-midi, je cherchais un livre dans la bibliothèque de mon père pour m’occuper. Je finis par choisir un petit traité qui paraissait intéressant, en me disant : Il y aura une histoire au commencement, et une morale à la fin. Je lirai la première et je laisserai la seconde. Je me mis à lire avec l’intention de poser le traité dès qu’il deviendrait sérieux…
Je ne savais pas alors ce qui se passait dans le cœur de ma mère. Elle se leva de table à ce moment-là avec un désir intense de voir son fils se convertir et sentant qu’absente de chez elle et ayant plus de temps qu’à l’ordinaire, elle avait là une occasion particulière de plaider avec Dieu pour mon salut. Elle se retira dans sa chambre, ferma la porte à clef, et décida de ne pas sortir avant d’avoir obtenu l’exaucement. Elle intercéda pendant des heures jusqu’au moment où elle put bénir Dieu ; car Il lui révélait par son Esprit que la conversion de son fils était maintenant un fait accompli.
De mon côté, tout en lisant le petit traité dont j’ai parlé, je fus frappé par ces mots : « L’œuvre accomplie de Christ » Pourquoi, me demandai-je, l’auteur emploie-t-il cette expression ? Pourquoi ne dit-il pas : l’œuvre expiatoire ou propitiatoire de Christ ? Aussitôt la parole : « Tout est accompli » se présenta à mon esprit. Qu’est-ce qui est accompli ? Je répondis aussitôt : une complète expiation, une satisfaction parfaite pour nos péchés. Christ est mort pour nos péchés et non seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier. Aussitôt me vint une nouvelle pensée : si toute l’œuvre est accomplie et la dette payée, que me reste-t-il à faire ? A l’instant même resplendit dans mon âme avec la lumière du Saint Esprit la joyeuse conviction que rien ne restait plus à faire, sinon tomber à genoux, accepter ce Sauveur et ce salut, et Le louer à jamais.
Ainsi, tandis que ma mère louait Dieu dans sa chambre, je Le louais de mon côté dans le vieux magasin où je m’étais établi pour lire. Je laissais passer plusieurs jours avant d’oser confier ma joie à ma sœur, et lui fit promettre d’abord de ne révéler à personne le secret de mon âme. Lorsque ma mère revint, une quinzaine de jours plus tard, je courus au-devant d’elle jusqu’au seuil pour lui dire que j’avais de bonnes nouvelles à lui annoncer. Je la sentirai toujours me saisir dans ses bras et me dire :
« Je sais, mon enfant. Depuis quinze jours, je suis heureuse des bonnes nouvelles que tu vas m’apprendre ».
« Comment, dis-je surpris, Amélie a-t-elle manqué à ses promesses ?
Ma mère m’expliqua alors ce que j’ai raconté plus haut, et vous serez d’accord avec moi, que ce fait serait étrange, si je ne croyais pas au pouvoir de la prière.
Mais ce ne fut pas tout. Quelques temps après, un carnet semblable à ceux dont je faisais usage tomba entre mes mains. Je l’ouvris, croyant qu’il m’appartenait. Les lignes qui frappèrent mon regard, étaient une introduction à un petit journal de ma sœur. Elle mentionnait sa résolution de prier régulièrement chaque jour pour la conversion de son frère jusqu’à ce que Dieu accordât l’exaucement. Or, c’était exactement un mois après le jour où elle avait écrit ces paroles que Dieu me fit passer des ténèbres à la lumière.
Élevé comme je l’ai été, et sauvé dans de pareilles circonstances, il est sans doute naturel que, dès le début de ma vie chrétienne, j’aie senti que les promesses de Dieu sont véritables et considéré la prière comme une affaire que l’on traite avec Dieu, pour soi-même ou pour les autres ».

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Me voici, envoie-moi !

      De juin à Noël 1849

Hudson Taylor s’était converti en juin 1849. Il trouva la paix, le jour où il cessa de compter sur son propre mérite et accepta joyeusement la Personne et l’œuvre du Sauveur.

« Non pas moi, mais Christ »

Cette pensée lui apporta la liberté, la joie et le repos de l’âme. Elle devait le transformer et l’emmener en Chine.

Il fit dans les années suivantes des expériences spirituelles d’une grande importance, dont le récit est bien fait pour encourager tous ceux qui soupirent après la sanctification. Tout l’y préparait et l’influence bénie de l’éducation chrétienne reçue au foyer paternel reprenait maintenant toute son action. La Bible lui était familière, il était accoutumé depuis l’enfance à prier, rien enfin n’entravait l’action de l’Esprit dans son cœur.

Premièrement, quand il eut la certitude d’être vraiment un enfant de Dieu, il éprouva une joie profonde. Ce témoignage « que l’Esprit rend à mon esprit » lui apportait la paix. Il se sentait immensément heureux et son bonheur se répandait sur les siens. L’harmonie du foyer était rétablie, Hudson devenait un meilleur fils, une aide plus utile à son père, et une affection encore plus profonde qu’autrefois l’unissait à sa chère sœur, dont les prières avaient été victorieuses.

Un autre changement, qui s’était opéré en lui fut le désir ardent, que tout véritable enfant de Dieu doit connaître, de tout donner en retour de ce qui lui avait été donné. Il s’écria comme le serviteur hébreu :

«J’aime mon Maître, je ne veux pas sortir libre ».

Il soupirait après quelque travail à faire pour Dieu, ou quelque service qui pourrait prouver sa gratitude.

Un après midi de liberté lui donna du temps pour la prière et le cœur tout plein de ce désir, il monta dans sa chambre pour être en tête-à-tête avec Dieu. Là, d’une façon particulière, le Seigneur le rencontra.

« Je me rappelle encore parfaitement comment, dans ma joie, j’ai répandu mon âme devant Dieu en Lui confessant sans cesse mon amour et ma reconnaissance. Je le suppliai de me donner un travail pour Lui ; une œuvre de renoncement, n’importe laquelle, difficile, ordinaire, ou humiliante ; une œuvre qui Lui plaise et que je puisse accomplir par reconnaissance pour tout ce qu’Il avait fait pour moi. Et je me souvins qu’au moment où je me plaçai moi-même sur l’autel du sacrifice, avec ma vie, mes amis et tout ce que j’avais, le sentiment solennel que mon offrande était acceptée remplit mon âme. L’ineffable présence de Dieu devint réelle pour moi et je me prosternai devant Lui, avec un sentiment indicible de crainte et de joie. J’ignorais pour quelle œuvre Il m’acceptait, mais dès lors le sentiment que je ne m’appartenais plus prit possession de moi, et il ne m’a pas quitté depuis».

 Ce fut en effet dans sa vie une heure inoubliable, et quoique ne sachant pas comment le Seigneur l’emploierait, il se sentit prêt depuis ce jour à répondre à Son appel. Le résultat de cette consécration fut aussi qu’il commença à se préoccuper du salut des autres. Maintenant il s’occuperait des affaires de son Maître, c’est-à-dire du salut de ceux qui l’environnaient. S’il ne pouvait pas encore prêcher ou diriger une classe biblique, il pouvait en tout cas distribuer des traités ou inviter des gens à entendre la prédication de l’Evangile.

Mais la joie dans le Seigneur et dans Son service ne fut pas la seule expérience en cette fin d’été. Hudson, qui avait cru avec tant de bonheur à l’œuvre accomplie d’un Sauveur parfaitement suffisant, savait maintenant ce que c’est que d’être lassé et découragé dans la bataille contre le péché. Parfois il lui semblait qu’il y avait un abîme entre la puissance du Seigneur Jésus pour « sauver entièrement» (Hébreux 7, 25) et les nécessités de la vie journalière, à la maison et au travail.

Il se sentait faible en face de la tentation. Il n’y avait rien de plus sincère que sa consécration et rien n’était plus sincère aussi que son désappointement. Son être intérieur adhérait avec joie à la loi de Dieu, mais il y avait en lui une autre loi qui l’asservissait à la loi du péché. Il n’avait pas encore appris avec Paul à dire : « la loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus, m’a affranchi de la loi du péché et de la mort ». (Romains 8, 2).

Dans une pareille situation il y a deux possibilités : abandonner son idéal et retomber dans une vie chrétienne sans joie et sans puissance ; ou bien marcher avec le Seigneur en s’appuyant sur Ses promesses, demander à être délivré complètement, non seulement de ses fautes, mais de la domination du péché ; marcher simplement avec le Seigneur, en comptant sur Sa fidélité et Son pouvoir de pardon, de purification, de sanctification.

Hudson Taylor ne pouvait pas être satisfait à moins. Sa conversion n’avait pas été une adhésion intellectuelle. Elle avait été une transformation profonde. La croix de Christ l’avait à jamais séparé de sa vie passée et de l’appui que le monde peut donner. De plus il reconnaissait qu’il était sauvé pour servir et qu’une œuvre l’attendait pour laquelle une vie de victoire intérieure était indispensable. Si sa vie devait être de quelque utilité pour Dieu et pour les hommes, il devait avoir « cet amour qui procède d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère » (1 Timothée 1. 5). C’était à ses yeux l’unique puissance pour rendre forte et agissante la consécration la plus entière. Car ce n’était rien moins qu’à une pleine délivrance qu’il avait mis son cœur.

La lutte dura tout l’automne, aggravée par l’absence d’Amélie qui était partie en pension et par la présence d’un de ses cousins qui n’était pas chrétien. Quelques encouragements lui vinrent par la lecture d’un article de « Wesleyan magasine » sur « la beauté de la sainteté » et la lecture d’Ezéchiel 36. 25-27.

Les années de préparation

 1850-1852.

 (De dix sept à vingt ans)

Un soir, dans la solitude, il tomba à genoux il se mit entièrement à la disposition de son Maître. C’était comme une alliance avec le Tout Puissant et il crut s’entendre dire : « Ta prière est exaucée » et depuis lors sa conviction d’être appelé à aller en Chine ne le quitta jamais. L’ordre était distinct : « Va en Chine pour moi ».

En attendant une réponse à ses prières, Hudson Taylor trouva une place d’assistant chez un des meilleurs chirurgiens de Hull, le Dr. Hardey qui jouissait d’une grande considération dans la ville à la fois par ses qualités professionnelles et le sérieux de ses convictions chrétiennes. Hudson logeait dans une maison luxueuse. Après beaucoup de prières, il  décida de quitter ce confort pour une chambre plus modeste, dans un quartier de pauvreté et de souffrance pour soulager les pauvres et évangéliser les dimanches soirs.

De foi en foi.

Janvier-mars 1852.

Le Dr Hardey, très occupé, voulait que je le prévienne lorsque mon traitement était échu. Je décidais de ne pas le faire, mais de prier Dieu et de le lui rappeler et de m’encourager ainsi en répondant à ma prière. Comme le trimestre approchait, je priai beaucoup à ce sujet. Le jour vint, mais le Dr Hardey ne me fit aucune allusion. Je continuai à prier. Les jours passèrent et il ne s’en souvenait toujours pas, si bien qu’en faisant mes comptes de la semaine, je m’aperçus qu’il ne me restait plus qu’une demi-couronne. Cependant je ne manquais de rien et je continuais à prier.

Lorsque j’avais accompli mon dernier service d’évangélisation, vers dix heures du soir, un pauvre homme me demanda d’aller prier avec sa femme qui disait-il, se mourait. En l’accompagnant, je reconnus à son accent qu’il était irlandais et je lui demandais pourquoi il n’était pas allé chercher un prêtre. Il me répondit qu’il l’avait fait, mais que le prêtre lui demandait dix-huit pences et il ne les possédait pas.

Je me souvins aussitôt que je ne possédais plus qu’une demi-couronne en une seule pièce ; la soupe de gruau que je mangeais d’ordinaire le soir m’attendait à la maison ; j’avais de quoi faire mon petit déjeuner, mais n’avais plus rien pour le dîner.

Pour cette raison sans doute, la joie qui m’inondait disparut soudain. Je me disais : « Si seulement j’avais deux shillings et six pence au lieu de cette demi-couronne avec quel plaisir je donnerais un shilling à ces gens ! Mais l’idée de me séparer de ma demi-couronne ne me venait pas à l’esprit.

Mon guide me conduisit dans une cour où, lors de ma dernière visite, on m’avait fort mal reçu, on avait déchiré mes traités et on m’avait prié de ne plus y revenir. L’homme me conduisit par de pauvres escaliers jusqu’à une chambre misérable. Quel spectacle ! Quatre ou cinq enfants étaient debout et à leurs joues creuses, on voyait bien qu’ils mouraient de faim. La mère ayant à côté d’elle un bébé d’un jour et demi gisait sur une paillasse. Ah ! Pensais-je si j’avais deux shillings et six pence, je pourrais leur donner un shilling, mais toujours une lamentable incrédulité m’empêchait de céder à l’impulsion de venir en aide à leur misère au prix de tout ce que je possédais.

Je leur parlais d’un bon Père aimant au ciel et en même temps une voix en moi criait : Hypocrite ! Tu leur dis qu’il y a au ciel un Père bon et aimant et tu n’es pas prêt à te confier en Lui, si tu n’as pas une demi-couronne » !

Il m’était impossible de parler, et chose étrange, je pensais que je n’aurais pas de difficulté à prier. « Prions ensemble, dis-je à l’homme et je m’agenouillais. Mais à peine je commençais que ma conscience me reprit : « Oses-tu t’agenouiller et L’appeler Père, avec cette demi-couronne dans ta poche ? » J’eus un moment de lutte, étant dans une grande détresse. L’homme me demandait de l’aider pour l’amour de Dieu. A ce moment-là étincela dans mon esprit cette parole : « Donne à celui qui te demande ». Et cette parole eut une telle puissance, que je plongeai ma main dans ma poche, tirai doucement la demi-couronne et la donnai à l’homme. La joie revint dans mon cœur comme une vague.

Non seulement la vie de la jeune femme fut sauvée, mais ma vie, je l’ai pleinement réalisé, le fut aussi en obéissant aux injonctions de l’Esprit de Dieu. En rentrant chez moi, mon cœur était aussi léger que mon porte-monnaie. Je mangeais ma soupe de gruau avant de me coucher et je ne l’aurais pas échangé contre le festin d’un prince.

Le lendemain on entendit frapper à la porte. C’était le facteur et d’habitude je ne recevais pas de courrier le lundi. Je fus surpris quand mon hôtesse entra et me tendit une lettre et un paquet. C’était une paire de gants en chevreau, d’où s’échappa un demi-souverain (pièce d’or de dix shillings) et roula par terre.

Gloire au Seigneur ! Quatre cents pour cent, en douze heures, c’est un bel intérêt. Je décidais de me confier à cette Banque qui ne pouvait faire faillite et cette résolution, je n’eus jamais à la regretter.

La principale difficulté subsistait : le Dr Hardey n’avait toujours pas pensé à le payer. Hudson Taylor priait sans cesse. C’eût été bien facile de lui rappeler la chose. Mais qu’en serait-il alors de la leçon qu’il voulait apprendre pour sa vie future : «  toucher l’homme par le moyen de Dieu, par la prière seule ». Il raconte ce qui suit :

« Les dix shillings, même en les utilisant avec parcimonie, ne mènent pas très loin. Et toutes mes requêtes semblaient rester sans réponse. Au bout de quinze jours, je me trouvais dans la même situation que Samedi soir dernier. La question qui dominait mon esprit :  » Puis-je aller en Chine, ou bien mon manque de foi et de puissance seront-ils un obstacle assez grave pour m’empêcher de me consacrer à cette œuvre  tant désirée ? »

Comme la semaine se terminait, je n’étais plus le seul en cause. J’avais à payer mon hôtesse, qui était chrétienne, car je savais qu’elle ne pouvait guère se passer de cet argent. A cause d’elle, ne devais-je pas parler de cette question de salaire ? Mais devais-je agir ainsi et ne pas être qualifié pour une œuvre missionnaire ? Je reçus la conviction que le mieux était de persévérer dans l’attente.

Ce même samedi, à cinq heures, le Dr. Hardey avait fini ses ordonnances et comme il en avait l’habitude, il commença à parler des choses de Dieu. J’étais en train de surveiller une décoction et tout à coup le docteur me dit :

A propos, Taylor, est-ce que votre trimestre n’est-il pas échu à nouveau ? »

On peut imaginer mon émotion. Je lui dis aussi clairement que possible qu’il était échu depuis quelques temps. Quelle reconnaissance j’éprouvais alors ! Dieu avait entendu ma prière et au moment où j’étais dans le plus grand besoin, le Dr. Hardey se souvenait de mon traitement sans que je lui eusse suggéré.

« Je regrette de ne pas y avoir pensé plus tôt ; car cet après-midi j’ai envoyé à la banque mon argent disponible. Autrement je vous paierai tout de suite ».

Il est impossible de décrire le choc que causèrent ces paroles inattendues. Je ne savais que faire. Heureusement mon liquide bouillait et j’avais une bonne raison de m’enfuir de la chambre avec la casserole. J’avais hâte de m’en aller et ne voulais pas reparaître avant que le Dr. Hardey fusse rentré chez lui. J’étais reconnaissant qu’il ne se soit pas aperçu de mon émotion.

Dès qu’il fut parti, je gagnais mon petit sanctuaire et répandit mon cœur devant le Seigneur jusqu’à ce que j’eusse retrouvé le calme et avec le calme, la reconnaissance et la joie. Je sentais que Dieu avait Ses voies à Lui et qu’Il ne me ferait pas défaut. J’ai cherché le matin à connaître sa volonté et autant que je pouvais en juger, j’avais reçu l’indication d’attendre patiemment. Maintenant Dieu travaillait pour moi d’une autre manière.

Je passais la soirée, comme d’ordinaire le samedi, à lire la Parole de Dieu et à préparer le sujet sur lequel je pourrais parler dans mes diverses visites du lendemain. Je m’attardai peut-être un peu plus longtemps que d’habitude. Puis vers dix heures, je pris mon par-dessus et me préparais à rentrer chez moi, content qu’à cette heure-là j’ouvrirai la porte tout seul avec ma clef de sûreté, car mon hôtesse se couchait de bonne heure. Peut-être Dieu interviendra-t-Il lundi et je pourrais donner à mon hôtesse, dès le début de la semaine, l’argent que je lui aurais versé plus tôt, si cela avait été possible.

Juste au moment où j’allais éteindre, j’entendis des pas dans le jardin. Mon patron riait tout seul et de bon cœur. En entrant dans la clinique, il demanda le livre des comptes et me dit que, fait étrange, un de ses riches clients était venu à l’instant payer sa note. N’était-ce pas une singulière idée ? Je n’eus pas la moindre idée que cela pût avoir un rapport avec mon cas, sinon j’eus éprouvé de l’embarras. Mais, considérant ce fait en spectateur désintéressé, je m’amusais aussi beaucoup à l’idée qu’un homme très fortuné vint après dix heures du soir payer une note qu’il aurait pu régler n’importe quand, le plus facilement du monde, au moyen d’un chèque. Il semblait qu’il n’eût plus de repos tant que subsistait cette dette et fut obligé de venir à cette heure inaccoutumée pour se libérer.

Le montant fut inscrit dans le livre et le Dr. Hardey allait se retirer, lorsqu’il se retourna tout à coup, et, à ma surprise et à ma reconnaissance, me tendit quelques-uns de billets qu’il venait de recevoir en disant :

« Au fait, Taylor, vous feriez aussi bien de prendre ces billets. Je n’ai pas de monnaie, mais nous finirons de régler la semaine prochaine ».

Il me laissa de nouveau sans avoir découvert mes sentiments et je me retirai pour louer le Seigneur, le cœur tout joyeux de ce qu’après tout, je pouvais aller en Chine.

Pour moi, ce ne fut pas un incident quelconque, et j’ai souvent trouvé beaucoup de réconfort et de force au souvenir de cette expérience dans les moments de grandes difficultés en Chine ou ailleurs.

 Si c’est Toi, commande-moi d’aller à Toi (Matthieu 14, 28)

 Mars à septembre 1852.

 (De dix neuf à vingt ans)

Il n’est guère surprenant, qu’à la lumière de ces expériences, quelque chose en rapport avec le service de Dieu, et plus essentiel que les questions d’argent, commençât d’impressionner Hudson Taylor. Il eût cet hiver-là des heures mémorables, en tête-à-tête avec la Parole de Dieu et ses lettres témoignent d’un état d’esprit qui résulte clairement de ses luttes et de ses victoires. Il écrivait à sa sœur Amélie :

« Je sens que je n’ai plus longtemps à rester dans ce pays maintenant. Il va y avoir un changement et mes pressentiments m’avertissent d’être prêt. Prie pour moi, pour que ma foi ne défaille pas, je suis si indigne, si peu qualifié pour le service du Maître ! Mais ainsi la gloire sera plus complètement pour Lui. Oh ! Être un instrument, par lequel Il amène beaucoup de brebis à la bergerie !

J’entends le Seigneur me dire : Si j’ouvre la porte ou si je t’ordonne d’aller, iras-tu, même si tu ne peux voir la route nettement ? Auras-tu confiance en Moi ? Les cheveux de votre tête sont tous comptés. Vous avez plus de valeur que bien des passereaux ».

Je ne suis pas sûr qu’Il ne désire pas l’abandon de ma situation et que je gagne l’argent de mon passage pour la Chine ; aller par la foi, sans douter. J’attends patiemment qu’Il me guide. Il manifestera Sa volonté en temps utile et, alors, c’est Lui, Lui seul qui m’accordera la grâce de l’accomplir ».

A sa mère il écrivit : « Dois-je partir dès que j’aurais économisé assez d’argent ? Ce n’est plus une question d’argent, mais une bien plus importante, des âmes à sauver ».

« Si je reste ici deux ou trois ans, et que j’économise cinquante ou soixante livres pour payer mes dépenses jusqu’en Chine, je n’arriverai pas plus riche que si j’y vais tout de suite en gagnant mon passage. En deux ans, seront mortes là-bas vingt-quatre millions de personnes ».

Ces lignes montrent sa volonté de travailler pour payer son voyage jusqu’en Chine en partant soit comme assistant d’un médecin de bord, soit comme marin sans penser qu’il ne pourrait pas assumer le lourd travail qu’on exigerait de lui.

« Je suis profondément reconnaissant, écrivait-il à sa mère, de ce que tu ne veux pas reprendre le don que tu as fait de moi au Seigneur. Peut être veut-Il éprouver notre sincérité sur ce point plus tôt que nous ne le pensons l’un et l’autre. Si je ne connais pas l’intensité de l’amour d’une mère, je sens l’immensité de l’amour d’un fils, de l’amour d’un frère, de l’amour des amis et des frères dans le Seigneur, et la pensée de les quitter tous me fait l’effet d’un déchirement de ma propre personne. Mais, béni soit Dieu, je connais aussi l’amour d’un Sauveur, quoique encore bien peu. L’avoir en partage me suffit et je puis dire en vérité :

J’oublie tout de la terre ;

Sa sagesse, sa puissance et sa gloire.

C’est Toi, Jésus, ma seule part,

Mon bouclier et mon rempart.

Je ne peux te dire la joie indicible que j’ai eue dimanche après-midi en chantant ce verset ! Mon âme était remplie d’un bonheur céleste. Je sentais que je ne pouvais rien donner qui comptât en comparaison de ce que j’avais à recevoir. Je ne pouvais retenir des larmes de joie, tandis que je me consacrais moi-même de nouveau au service de Celui qui nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son précieux sang.

Nous nous attachons trop aux choses visibles et temporelles, et trop peu à celles qui sont éternelles. Ayons seulement ces choses devant les yeux et les soucis et les plaisirs de ce monde ne nous affecteront pas beaucoup.

Oh ! Avoir plus de grâce et d’amour, un amour comme le Sien, Lui qui n’a pas regardé Sa vie comme précieuse afin de nous racheter ! La valeur d’une âme comme elle est immense, incalculable ! Craindrons-nous d’entrer à Son service parce que cela diminuerait nos aises ? Estimerons-nous, même que nos vies sont précieuses, si nous pouvons peut-être gagner des âmes pour Jésus ? Non, mille fois non ! Si nous le faisons, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en nous ? ».

Hudson Taylor écouta les conseils de personnes plus expérimentées et ne partit pas comme marin. On trouvait qu’il était trop jeune et qu’une plus grande préparation et une expérience plus profonde des choses de Dieu étaient nécessaires. Il arriva à la conclusion que l’heure du Seigneur n’avait pas encore sonné et il avait appris qu’il peut y avoir de la volonté propre même dans la plus belle consécration.

C’est alors que sa foi subit une épreuve à laquelle il n’était pas préparé. Son père, peu satisfait de ses affaires, voulait partir au Canada ou aux Etats-Unis et sa mère lui écrivit en lui demandant s’il était disposé à venir le remplacer à la maison pendant deux ans. Il lui répondit en lui montrant combien il était difficile pour lui de renoncer à se préparer pour l’œuvre du Seigneur. Il ne tarda pas par ailleurs à se rendre compte de son égoïsme et il écrivit une lettre de repentance à son père qui montrait sa sincérité.

Mais une fois de plus le sacrifice qu’il était prêt à faire ne lui fut pas demandé. Son père abandonna son projet de voyage et resta à Barnsley. Avec la confiance d’un enfant, il demandait : «  Montre-moi ta voie » en s’appuyant sur les promesses du Psaume 37. Alors il pouvait tranquillement quitter son bateau pour s’avancer vers Jésus.

Il suggéra à son cousin John de prendre son poste chez le Dr. Hardey. Quant à lui, il irait à Londres en dépendant de Jésus seul. Son oncle lui offrit une chambre pour quelques temps et la Société pour l’évangélisation en Chine s’engageait à lui payer ses études à l’hôpital.

 

Les années de préparation

Londres et le voyage

1852-1854

De vingt ans à vingt et un ans.

 Rien de certain si ce n’est ….

 Le vapeur qui relie Hull à Londres remontait lentement la Tamise au milieu du bruit des sirènes. Le brouillard était très épais et il fallut attendre jusqu’au lendemain, matin pour débarquer. Hudson Taylor, au moment où se tournaient les pages de sa vie, était spécialement reconnaissant de ces heures de tranquillité. Il avait besoin de la force qui vient de Dieu seul.

Il avait un peu d’argent de poche et quelques livres sterling de côté en vue de payer son équipement pour la Chine. Pour l’avenir immédiat comme pour l’avenir lointain, il avait une confiance pleinement suffisante. Il avait renoncé à tous les secours possibles afin d’avoir la preuve absolue, que dans les circonstances difficiles, Dieu prendrait soin de lui. Il valait mieux faire cette découverte à Londres qu’en Chine.

Son père lui avait offert de supporter tous les frais de son séjour à Londres, mais il savait que c’était un sacrifice considérable. Il avait été récemment en contact avec la Société pour l’évangélisation en Chine et avec son secrétaire, Georges Pearse. Le comité ne sachant pas la proposition de son père, lui offrit de se charger de ses dépenses pendant son séjour à Londres. Il demanda à chacun quelques jours de prière avant qu’il puisse prendre sa décision et il lui devint clair qu’il pouvait, en attendant les ordres de Dieu, se libérer des deux offres. Il était simplement dans les mains de Dieu et dépendait de Lui.

Chose étrange, par la suite, le Comité voulut des renseignements complémentaires sur lui et qu’il ait des lettres de recommandation. Ce fut la première expérience d’Hudson Taylor avec le fonctionnement d’une Société organisée et il lui était tellement doux de dépendre du Seigneur en toutes choses, qu’il était prêt à se passer du bénéfice de cet appui. Il patienta en s’attachant fermement à la seule direction divine. Le lendemain il commençait à travailler à l’hôpital.

 Le Seigneur y pourvoira

Octobre à décembre 1852.

Il partageait une chambre avec son cousin, à sept kilomètres de l’hôpital et se nourrissait d’une manière très économe de pain bis et d’eau.

Puis survint une nouvelle expérience. Le mari de sa maîtresse de pension, à Hull, était capitaine de bateau et en touchant son demi-salaire mensuel et en l’envoyant à sa femme, je lui épargnais le coût de la commission. Un jour, il reçut une lettre lui demandant de toucher la mensualité le plus vite possible, car l’échéance de son loyer approchait. Mais HudsonTaylor travaillait fort un de ses examens et toutes les heures de la journée étaient très remplies. Comme il avait suffisamment d’argent, il décida d’envoyer l’argent et un jour de congé, il se rendit à la Compagnie de navigation pour encaisser la somme habituelle, mais l’employé lui dit qu’il ne pouvait pas le payer, car le capitaine en question avait abandonné le navire pour travailler dans les mines d’or !

Ce fut désagréable pour lui, puisqu’il avait avancé les fonds, mais il se souvint qu’il dépendait du Seigneur pour toutes choses et sa joie et sa paix ne furent pas longtemps interrompues.

Beaucoup plus tard, il lui vint à l’idée de retourner à la Compagnie de navigation et de se renseigner sur le salaire qu’il n’avait pas encaissé.

« Eh bien ! Je suis heureux, lui dit l’employé, que vous soyez venu, car il se trouve que c’est un marin du même nom que le capitaine qui s’est enfui. Votre homme est toujours à bord et avant de me donner l’argent, il me pressa d’entrer chez lui pour partager son repas. » Il se sentit reposé et restauré, en sentant que c’était le Seigneur qui prenait soin de lui.

 Lumière enfin.

Janvier à juin 1853.

La joie trouvée dans ces expériences contribua beaucoup pour Hudson Taylor à une pleine conscience de sa communion avec Dieu. Une sève nouvelle de bénédictions semblait monter dans son âme. Les heures passées dans la famille de Robert Howward et chez Melle Stacey lui étaient très profitables. Cette dernière avait dans son jardin un magnifique cèdre qui donnait une ombre délicieuse et Hudson Taylor y trouvait la tranquillité dont il avait besoin.

Autre changement utile, six mois après son arrivée, il obtint un poste d’assistant chez un médecin de la Cité. Il n‘avait plus que deux kilomètres à parcourir jusqu’à l’hôpital au lieu des six ou sept auparavant. Le Dr. Brown découvrit bientôt qu’il avait un assistant de valeur. Le fardeau des âmes sur le cœur d’Hudson Taylor parmi ses malades l’était au même titre que les païens en Chine. Partout, il était un gagneur d’âmes.

Puis le 4 juin 1853, il reçut la lettre suivante :

« Comme vous êtes tout à fait décidé à aller en Chine et de ne pas obtenir vos diplômes de chirurgien, je voudrais vous suggérer affectueusement de ne pas perdre de temps en vous préparant à partir. A l’heure présente nous avons besoin d’hommes réellement consacrés et je crois que votre cœur est droit devant Dieu…c’est un pas important qui demande beaucoup de prières. Mais la direction vous sera donnée ».

Un samedi après-midi Hudson Taylor frappait à la porte de l’auteur de ce message. Pendant trois ans et demi ce jeune homme avait pensé à la Chine et pourtant il était presque écrasé à l’idée de partir par le premier bateau.

Quelle différence avec son trajet à l’aller. Le même soleil de juin brillait sur les rues de Londres, mais il marchait dans un monde nouveau avec une large perspective ouverte devant lui.

Il écrivit à sa sœur Amélie :

« Prie pour moi, ma chère Amélie, pour que Celui qui a promis de répondre à tous nos besoins puisse être avec moi dans cette heure longtemps désirée.

Lorsque nous regardons à nous-mêmes, à la petitesse de notre amour, à la pauvreté de notre service, au peu de progrès que nous faisons, quel rafraîchissement pour l’âme de lever les yeux et de les fixer sur Lui. Oh ! La plénitude de Christ, la plénitude de Christ ».

 Je ne te laisserai jamais

Septembre 1853-mars 1854.

Hudson allait s’embarquer comme unique passager sur un petit voilier, le Dumfries. Le 19 septembre, peu avant l’heure du départ, il priait avec sa mère dans la cabine à l’arrière du pont. Ils avaient de la peine à se rendre compte que c’était la dernière fois pour bien longtemps. Maintenant l’heure de la séparation était venue. En la voyant pleurer, il dit :
« Oh ! mère, ne t’afflige pas ! je suis si heureux ! Je pense que la différence qu’il y a en ce moment entre nous deux vient de ce que tu arrêtes tes pensées sur mon départ tandis que je songe surtout à la réunion éternelle ».
Il lut à haute voix une partie du chapitre 14 de Jean :
« Que votre cœur ne soit pas troublé ».
Le trône de la grâce lui était d’un accès facile et l’intercession était sa vie. Un pasteur de Liverpool les rejoints dans la cabine pour prier. On proposa un cantique qu’Hudson entonna d’une voix ferme :

Que le nom de Jésus est doux
Pour le cœur du croyant,
Seul il apaise, il guérit tout
Et chasse le tourment.

Mr. Plunkett pria et Hudson le fit à son tour. Un étranger ne se serait pas aperçu que cette voix décidée, cette attitude calme, ces expressions joyeuses étaient celles d’un jeune homme qui, dans quelques minutes, allait quitter ses parents, ses sœurs, ses amis, sa maison et sa patrie. Mais son cœur était assuré dans le Puissant de Jacob, quand il les recommanda.
Il écrivit plus tard :
« Puis vint pour moi le moment le plus pénible, la bénédiction d’adieu et la dernière étreinte. Le bateau s’était rapproché du bord ; une main secourable se tendit et je sautai à terre. Je tremblai de la tête aux pieds. Mais aussitôt je sentis ses bras autour de mon cou et elle me pressa encore une fois avec amour sur sa poitrine.
« Pense, chère maman, au but glorieux pour lequel je te quitte. Ce n’est pas pour la richesse et les honneurs, mais pour essayer d’amener les pauvres Chinois à la connaissance de Jésus ».
Je n’ai jamais compris aussi complètement jusqu’alors, ce que veut dire : Dieu a tant aimé le monde » et je suis sûr que ma précieuse mère apprit davantage de l’amour de Dieu sacrifiant son Fils pour les perdus en cette heure que pendant toute sa vie jusqu’à ce moment-là ».
Comme le bateau s’écartait, il dut retourner à sa cabine Il écrivit à la hâte sur la page blanche d’une Bible :
« L’amour du Christ Dieu surpasse toute intelligence ».
Il revint et lui remit le livre. Puis les eaux de la Mersery nous déparèrent. En brandissant son chapeau, il ressemblait plus à un héros victorieux qu’à un tout jeune homme entrant dans la bataille.
Le 19 septembre, jour mémorable, la Société biblique britannique prit la résolution d’imprimer dans le plus bref délai un million d’exemplaires de Nouveau Testament en chinois.
Le temps du voyage fut un temps de bénédiction pour le passager solitaire au bord du Dumfries et il devait durer cinq mois sans toucher à terre. Jamais bateau n’eut à affronter de pareils dangers et il semblait que « le prince de l’autorité de l’air », comme s’il connaissait les possibilités du jeune missionnaire à bord, faisait tous ses efforts pour couler le Dumfries. La scène de la possibilité d’un naufrage dans la baie de Carnavon fit une impression si profonde sur Hudson Taylor qu’il écrivit :
« Le capitaine et le second n’avaient jamais vu une mer aussi furieuse. Je montais sur le pont et je vis la mer entièrement démontée. « Si Dieu ne nous aide pas, dit le capitaine, il n’y plus d’espoir » Ils étaient à 25 kilomètres de la terre et décidèrent de mettre le plus possible de voile en espérant que les mâts résisteraient ».
Plus tôt dans l’après-midi, Hudson Taylor avait ressenti une grande paix malgré la situation désespérée. Mais une fois le soleil couché, il songeait à la tristesse de ses bien-aimés si le Dumfries venait à être perdu ; aux frais de la Société, à l’état de non-préparation de l’équipage. Quant à lui il n’avait aucun doute quant à son bonheur éternel, et ne craignait pas la mort elle-même.
« Je descendis et lus un ou deux psaumes et les chapitres 13 à 15 de l’évangile de Jean et repris courage, si bien que je m’endormis pour une heure. Après cela le baromètre remonta, mais trop lentement ! A l’instant, ce passage me revint :
« Invoque-moi au jour de la ; détresse ; je te délivrerai, et tu me glorifieras » (Psaume 50 :15).
« Je me fondais sur cette promesse, tout en me soumettant à Sa volonté. Puis, par une manœuvre qui réussit, tout en frôlant les rochers, le bateau fut sauvé ».
Mais les expériences de ce voyage ne furent pas vaines. Hudson Taylor découvrit dans l’équipage un chrétien de plus, le charpentier, qui était Suédois. Assuré de son appui, il demanda au capitaine la permission de commencer un service régulier pour les hommes, ce qui, pendant les chaudes et calmes journées de l’Equateur, se poursuivit avec ferveur. Le jeune missionnaire se consacra de tout son cœur à ce travail et s’y prépara avec beaucoup de prières. Malheureusement il sema sans qu’aucun fruit apparemment ne se manifesta au travers de l’équipage. Mais ils étaient quatre chrétiens à bord et lors d’un danger à la proximité de la côte nord de la Nouvelle Guinée, Hudson Taylor leur dit : « Retirons-nous dans notre cabine, et d’un commun accord, demandons au Seigneur de nous donner du vent. Ils eurent un moment de prière très court, mais nous avions l’assurance d’être exaucés. Quelques instants plus tard, la brise arriva. C’est ainsi qu’avant son arrivée en Chine, Dieu l’encourageait à Lui présenter, par, la prière, les besoins les plus variés et à croire qu’Il donnerait chaque fois le secours que demanderaient les circonstances.
Il y eut des moments dans son voyage solitaire où la maison paternelle lui semblait bien éloignée.
« La dernière fois que j’ai entendu le cantique que ma mère jouait, j’en fus très affecté en arrivant à ces paroles :

Je t’ai donné à ton Dieu
Le Dieu qui te donna à moi

Ne pouvant plus se contenir, elle m’étreignit dans ses bras en pensant à la séparation. Que le Seigneur la bénisse et la réconforte jour après jour. Mais plus mon cœur désire les revoir, plus l’amour de Christ est fort et pressant ».
Ils jetèrent l’ancre à Woosung, à l’embouchure de la rivière de Shanghai, le 1er mars 1854.

 Shanghai et les premiers voyages ;

1854-1855

 de vingt deux à vingt trois ans

Arrivée et premières expériences.

 mars 1854

 Le Dumfries jeta l’ancre le dimanche 26 février 1854 par la pluie et le brouillard, attendant le pilote qui devait le conduire à Shanghai. L’eau jaunâtre qui l’entourait montrait qu’il était dans l’estuaire d’un grand fleuve.

Étrange dimanche, le dernier en mer. Depuis plusieurs jours, Hudson Taylor avait emballé ses effets et était prêt à quitter le bateau.

« Quels sentiments particuliers, écrivait-il, s’élèvent en moi à la pensée d’aborder bientôt dans un pays inconnu, qui sera ma patrie et ma sphère d’activité.

« Voici, je suis toujours avec vous » et « Je ne te laisserai point et je ne t’abandonnerai point ». Douces promesses ! Je n’ai rien à craindre avec Jésus à mon côté. Où irai-je et comment vais-je vivre d’abord ? Mais la question la plus importante de toutes est celles-ci : « Est-ce que je vis maintenant aussi près de Dieu que possible ? » Oh ! puis-je me réjouir plus abondamment dans le Seigneur Jésus, et que ma conduite soit toujours conforme à l’évangile de Christ ».

L’après-midi, des barques chinoises s’approchèrent du navire. Elles portaient douze ou quatorze indigènes, vêtus de bleu, avec des yeux noirs et criant dans une langue inconnue : les premiers Chinois vus par Hudson Taylor. Il voyait le trésor qu’il était venu chercher de si loin : les âmes pour lesquelles Christ était mort.

Peu après le pilote anglais monta à bord et reçut un accueil chaleureux. Il n’était pas question d’aborder à Shanghai, à 25 kilomètres de là, sur la rivière exposée à la marée. Mais en attendant que le brouillard se levât, il eut quantité de choses à raconter.

C’est ainsi que les passagers du Dumfries apprirent la tension survenue entre l’Angleterre et la Turquie qui devait amener quelques semaines plus tard la guerre de Crimée. En Chine, non seulement la révolte des Taï-ping dévastait province après province dans sa course vers Pékin, mais tout près, Shanghai connaissait les horreurs de la guerre.

Le pilote leur dit encore qu’ils devaient s’attendre à trouver le coût de vie exorbitant, car le dollar était monté à six ou sept shillings.

Le lendemain soir le brouillard se leva et le jeune missionnaire, aux aguets sur le pont, put contempler enfin le rivage de la Chine. Ses prières étaient exaucées.

« Je ne puis essayer de décrire les sentiments que j’éprouvai en posant le pied sur la côte. Il me semblait que mon cœur n’eût pas assez de place et dût éclater, pendant que des larmes de reconnaissance coulaient de mes yeux ».

Puis un sentiment de solitude s’empara de lui ; pas un ami dans cette ville, pas une main tendue, personne même qui ne connût son nom. Il avait trois lettres d’introduction. Il comptait spécialement sur une personne, mais il apprit qu’elle était morte de fièvre un mois ou deux auparavant, pendant qu’il était en mer. Pour la seconde lettre, nouveau désappointement : il était parti pour l’Amérique. Il restait la troisième lettre sur laquelle il comptait fort peu et ce fut cependant par elle que Dieu lui donna le secours.

Il se rendit donc aux bâtiments de la Mission de Londres. De chaque côté de la route, des spectacles, des odeurs et des bruits insolites le frappaient, surtout au niveau des magasins et des maisons indigènes. Enfin une chapelle apparut et il franchit la porte toujours ouverte de « l’enclos de la famille Medhurst ». Ceux-ci n’habitaient plus dans l’enceinte de la Mission en raison des hostilités, mais près du Consulat britannique. Un jeune missionnaire le reçut avec bonté.

Dans ce temps-là, c’était un événement qu’un Anglais, et surtout un missionnaire apparût à Shanghai sans être annoncé ! Mais Hudson Taylor eut tôt fait de raconter son histoire. Ces nouveaux amis comprirent rapidement la situation et mirent à sa disposition une petite chambre. Tout cela était une réponse à beaucoup de prières et la solution de bien des préoccupations. Le lendemain, il s’occupa du déchargement de ses bagages, de l’achat de livres et d’engager un maître sans retard pour l’étude de la langue. Le Dr. Medhurst lui conseilla de commencer par l’étude du dialecte des mandarins, le plus usité en Chine.

Les combats ne cessaient jamais et cela était extrêmement douloureux pour une âme sensible comme celle d’Hudson Taylor. Par-dessus tout cela il y avait le voile épais du paganisme qui l’oppressait lourdement.

« Cette extrême misère et l’impossibilité où je suis d’aider les Chinois ou même de leur montrer Jésus m’affligeaient profondément. Satan m’assaillait comme une vague ; mais il y avait Quelqu’un qui dressait l’étendard contre lui. Jésus est ici et quoique inconnu de la majorité et négligé par beaucoup de ceux qui pourraient Le connaître, Il est avec moi et Sa présence est précieuse ».

 Une source dans le désert

 Avril à août 1854.

 Hudson Taylor ne répondait pas à l’idée que l’on se faisait autour de lui d’un missionnaire. Il avait reçu une bonne éducation, mais sans passer par l’université ou le collège ; il n’avait pas de diplôme de médecin et il refusait le titre de Révérend. Il était visible qu’il était bon et sérieux, mais n’était envoyé par aucune église particulière. Il avait évidemment l’habitude de la prédication et de la cure d’âmes, mais n’était pas officiellement consacré et de plus, chose étrange, appartenant à une Société disposant de ressources satisfaisantes, son traitement était insuffisant et son train de vie misérable.

Ce qu’Hudson Taylor désirait, c’était d’aller dans l’intérieur et de vivre avec le peuple, tout en continuant sa vie simple, sa vie de sacrifice comme il l’avait menée en Angleterre. Il désirait la liberté et l’indépendance, mais le Seigneur jugeait bon de le maintenir dans une situation contraire et il y a des leçons qui ne peuvent être apprises qu’à Son école.

Tout au travers de cette saison harassante, Hudson Taylor continua d’étudier sans jamais faire moins de cinq heures de chinois en moyenne par jour. Enfin, au même moment, il apprit que la Société pour l’évangélisation de la Chine envoyait à Shanghai un médecin écossais, le Dr. Parker, marié et père de trois enfants.

« J’espère que je serai en mesure de trouver un logement quelconque pour Mr et Mme Parker, bien que je ne sache ni où ni comment.

Plus il réfléchissait à cela, plus il voyait que la seule solution consistait à chercher une maison indigène dans la partie chinoise de la concession. En dépit de la chaleur accablante, il commença ses recherches. « J’ai fait de tout cela un sujet de prières » telle était la simple conclusion de la foi.

« Bienheureux l’homme dont la force est en toi »- et non partiellement en Toi et partiellement en moi ! Pour la plupart d’entre nous, c’est une leçon longue à apprendre. Mais il est impossible d’aller de l‘avant, si elle n’est pas apprise à fond. Ah ! si toute cette longue, douloureuse expérience, infiniment précieuse aux yeux de l’Eternel, produisait toujours, dans le peuple qu’Il éduque, des caractères spirituels et moraux, quelles transformations ne verrions-nous pas !

Un croyant âgé parlait à des jeunes sur le Psaume 84 et leur demanda :

« Quelle est la vallée la plus longue, la plus large et la plus peuplée du monde ?  et tous commencèrent à faire appel à toutes leurs connaissances géographiques :

Ce n’était pas la vallée du Yangtze, ni celle du Congo ou du Mississippi. Non ! C’est la vallée des larmes, la vallée de Baca, qui les dépasse toutes. Depuis six mille ans, elle a été foulée par des multitudes innombrables. Quelle est notre attitude en la traversant ? Désirons-nous surtout le plus court chemin pour en sortir, ou cherchons-nous à la transformer, selon Sa promesse, en un lieu plein de sources pour la bénédiction des autres et la gloire de notre Dieu ?

L’homme, dont la force est en Dieu, a appris la valeur de la vallée des larmes et sait que ces endroits arides et désolés donnent les sources après lesquelles, dans le monde entier, soupirent les cœurs. Telle fut la vie de l’apôtre Paul. Quel long voyage eut-il à faire dans la vallée des larmes ! Mais quelles sources de bénédictions ! Quelle pluie remplissant les fontaines ! Nous nous y abreuvons aujourd’hui encore !

Cher lecteur, n’est-ce pas là la signification de tant de choses que nous avons de la peine à comprendre ? Le Seigneur nous aime trop pour ne pas nous donner le meilleur et nous apprendre à nous abandonner, comme Hudson Taylor entièrement entre Ses mains.

 Bâtissant en des temps de trouble

 Août-novembre 1854.

 Hudson Taylor entendit parler d’une maison vacante et avant que le mois soit écoulé, il se trouva en possession d’un bâtiment assez spacieux pour accueillir le collègue attendu, avec sept chambres au rez-de-chaussée et cinq à l’étage. Mais cela ne se fit pas aisément, mais au prix de nombreuses négociations et même après la signature du contrat il eut bien des choses à faire encore : nettoyer la maison et s’installer. Il ignorait ce que c’était que d’employer des ouvriers chinois sans surveillance et qui ne songeaient guère à travailler eux-mêmes.

Il y avait cependant une chose plus sérieuse. Hudson Taylor quittait le territoire de la Concession pour habiter très près d’un camp de troupes impériales et de leurs canons. Cette situation était pleine de périls, mais aucune autre demeure n’était libre. Son professeur de chinois ne voulut pas le suivre dans ce quartier et il se mit à apprendre le dialecte de Shanghai. Il prit congé de ses hôtes où il avait demeuré six mois et dans sa solitude, son âme se mit à revivre et à progresser. Il vivait maintenant comme il l’entendait, d’une vie de renoncements. De plus il avait la joie de faire quelque chose pour le peuple qui l’entourait. Son nouveau maître chinois, Si, était capable de présider des cultes, où tous étaient les bienvenus. De plus il y avait des malades à voir et le ménage à diriger. Pour tout cela, Si était indispensable. Ils sortaient ensemble le dimanche pour distribuer des traités. Hudson Taylor apprit d’ailleurs rapidement les termes usuels et quelques phrases choisies pour parler de l’évangile. Au milieu de tout cela, le cœur rempli des richesses du Seigneur, il commença à goûter quelques-unes des joies réelles de la vie missionnaire.

Certes rien n’est plus significatif dans la vie d’Hudson Taylor que ce désir d’être utile et de ressembler au Seigneur qu’il aimait. Ses prières devaient en vérité être exaucées au delà de tout ce qu’il demandait ou pensait.

Les combats redoublaient à Shanghai, mais le Seigneur n’avait pas oublié son serviteur. Alors que le bateau, ayant à bord, la famille Parker, approchait de la ville une demeure allait être prête pour eux. Par la suite du décès de Mme Burdon, une petite maison qui appartenait à la Mission de Londres, était vide Ainsi, après le départ de Mr Burdon, la maison de Ma-ka-k’iien restait fermée.

 Un chemin de salut

 Novembre-décembre 1854

Nous avons une preuve évidente de la fidélité de Dieu en ce que, pour ceux qui se confient en Lui, Il a toujours « un chemin de salut » et qu’aucune épreuve ne dépasse le poids qu’ils peuvent supporter. Quelle ferme consolation pour l’âme troublée ! Comment Hudson Taylor pouvait-il se charger de la dépense de la maison de M. Burdon ? Et pourtant elle était exactement ce qu’il fallait. Il n’avait pas de fonds. Mais, à la fin d’octobre, regardant au Seigneur pour avoir secours et direction, il obtint que la maison lui fût réservée par préférence. Puis un message lui fut envoyé pour lui dire que s’il voulait l’acquérir, il fallait le faire tout de suite et alors on lui demanda d’en sous-louer la moitié. Un autre missionnaire avec sa femme et ses enfants était heureux de cet arrangement et ce fut un soulagement d’avoir une charge financière moins lourde et le réconfort d’aider quelqu’un.

Le jeune missionnaire quitta avec regret la demeure indigène et s’installa dans l’enceinte de la Mission de Londres. Il fut invité chez le Dr. Lockhardt et se trouva à table avec un étranger d’un abord agréable qui n’était autre que le Dr. Parker, le collègue longtemps attendu. Il était là, alors que les préparatifs venaient d’être terminés !

Tout le mobilier de ce logement exigu se réduisait à un lit chinois, deux ou trois tables et une demi-douzaine de chaises. Les Parker qui étaient des Ecossais robustes et pleins de bon sens étaient prêts à supporter tous les ennuis et à s’adapter à la situation de leur mieux. Cependant en parcourant son courrier, le Dr. Parker ne trouva aucune lettre de crédit qui devait être arrivée bien avant eux. Ils furent aidés par une avance de fonds, mais vécurent dans la pauvreté et les privations tout l’hiver. Mais lui et Mme Parker tinrent fermes avec une abnégation inébranlable.

Dès le premier dimanche, il alla régulièrement avec Hudson Taylor évangéliser dans la ville ou les villages environnants, distribuant des traités et soignant des cas simples. Ils distribuèrent ainsi plusieurs centaines de Nouveaux Testaments et des évangiles et un nombre encore plus considérable de brochures expliquant le chemin de la vie.

Mais avant la fin de l’année, M. Edkins allait faire une tournée à Kashing et invita son jeune ami à l’accompagner. Celui-ci accepta et ils décidèrent de partir à tout prix, malgré l’état des choses à Shanghai, pour voir ce qui pouvait être entrepris.

 Premier voyage missionnaire

 Décembre 1854

 On peut imaginer avec quelle ardeur Hudson Taylor fit ses préparatifs de ce premier voyage dans l’intérieur. Il fallait emballer une bonne provision de médicaments et garnir des paniers de vivres, des ustensiles de cuisine et du combustible. Enfin et surtout se munir d’un assortiment suffisant de traités.

Le bateau indigène loué par M. Edkins était grand et propre et la cabine abritait suffisamment du vent et de la pluie. Après avoir imploré le secours et la bénédiction de Dieu, ils partirent de grand matin, le samedi 16 décembre.

Ils furent absents toute la semaine suivante et eurent, de ville en ville, de merveilleuses occasions de prêcher l’Évangile et chaque étape resta gravée dans la mémoire d’Hudson Taylor à la vue de ces innombrables habitations pour les vivants et ces tombeaux pour les morts.

La première nuit sur la rivière fut particulièrement intéressante. Leur bateau était ancré au milieu d’une foule de barques en vue d’une protection mutuelle. Ils étaient enfin tout près du peuple, ce qu’ils avaient désiré depuis longtemps. Chaque bateau portait une famille et un équipage. Les missionnaires firent alors un petit service entourés d’auditeurs attentifs.

Le lendemain de leur départ, ils se trouvèrent à Sungkiang, préfecture située à 60 kilomètres de Shanghai. Dans cette ville ils furent poursuivis par la populace et poussés jusqu’au bord de la rivière et ne purent échapper qu’en sautant audacieusement dans un bateau qui passait.

Puis ils se trouvèrent ce même soir au pied de la Pagode carrée, qui faisait la gloire de Sungkiang depuis 9 siècles. Le prêtre leur permit d’entrer et pour la première fois, ils contemplèrent en silence des milliers de maisons serrées sous leurs yeux et l’ancienne muraille qui entourait des myriades d’âmes. A partir de ce jour, l’immense population de la Chine prit pour Hudson Taylor une nouvelle signification.

Un peu plus loin, à Kashan, M. Edkins put annoncer l’Évangile dans la cour d’un temple à une foule considérable, parlant du péché, de la justification et du jugement à venir et pendant ce temps Hudson Taylor priait avec ferveur. Ils en furent chassés par le plus important magistrat de la ville.

A Kashing, les missionnaires se montrèrent prudents et distribuèrent seulement des traités le premier soir et de même le lendemain matin, le long du Grand Canal et évitèrent de faire de grands attroupements, mais dans les îles vers le sud de la ville, ils ne purent empêcher la foule de les entourer. Ils furent l’objet de la curiosité générale. Bientôt ceux qui savaient lire furent pourvus de traités. Bientôt il y eût tant d’auditeurs qu’il fallut monter sur notre bateau, d’où M. Edkins parla à la foule. La distribution de livres dura jusqu’au soir et ils purent s’entretenir avec des gens cultivés et des mandarins qui voulaient en savoir davantage sur le contenu des livres.

Dans l’après-midi, ils passèrent une heure ou deux dans un temple célèbre qui contenait plusieurs idoles de six à neuf mètres de haut. Après un moment consacré à la prière, ils retournèrent rafraîchis et travaillèrent jusqu’à la nuit. En les quittant l’une des personnes leur dit : « Vos paroles sont vraies et vos livres sont vrais. C’est une bonne doctrine ».

Comment être utiles ?

Décembre 1854 à mars 1855.

 Être utiles ? C’était ce qu’ils désiraient le plus, et comme la fin de l’année approchait, ils élaboraient avec soin leurs plans. Le Dr Parker pensait qu’Hudson Taylor, tout jeune qu’il fut, devenait un bon missionnaire. Mais la lettre de crédit n’était toujours pas arrivée et leur embarras était extrême. De plus ils apprenaient que de nouveaux agents devaient être envoyés par la Mission de Londres et ils devaient songer à chercher un autre logement.

 « Nous qui sommes sur le champ d’activité, écrivait Hudson Taylor à la fin de décembre, nous désirons être aussi utiles que possible. En cela je sais que vous êtes de cœur avec nous et j’ai confiance que par nos prières et nos efforts communs, et par-dessus par l’action du Saint Esprit, nous ne serons pas déçus ».

On était en plein hiver, et le froid était exceptionnellement vif. Hudson Taylor continuait l’étude du chinois, deux dialectes à la fois, celui de Shanghai et la langue des mandarins. Il s’occupait aussi d’une école et était encouragé de se savoir bien compris par les enfants. Pourtant, si préoccupé qu’il fût d’étudier, il continuait d’être angoissé par les besoins des régions non évangélisées qui l’entouraient. Ce ne fut certainement pas la saison qui l’engagea à entreprendre un nouveau voyage, ni la présence d’un compagnon, car il lui fallait partir seul. La situation politique aurait pu à elle seule suffire à le retenir, le siège de la ville chinoise approchait de son dénouement. Mais il ne pouvait rester sourd à la voix qui l’appelait. Le premier pas était fait ; déjà il avait pris part à une tournée missionnaire et s’était rendu compte de la marche à suivre. C’était cela peut-être qui le stimulait ; ou peut-être était-ce quelque chose de plus profond, de plus significatif ?

 Janvier 1855

Il partit le 25 janvier dans un bateau qu’il avait acheté récemment pour la moitié de sa valeur. Quelques kilomètres au sud de Shanghai, il prit un affluent qui le conduisit dans un district où les étrangers ne s’aventuraient guère ; cette région était infestée de contrebandiers et de malfaiteurs. La saison était bien défavorable au jeune missionnaire ; il fallait casser la glace pour avancer, si bien qu’à la fin, seul avec un serviteur qui portait les livres, Hudson Taylor débarqua et s’en alla à pied de village en village. Son costume, son langage et le travail qu’il faisait attiraient partout l’attention et l’on s’arrachait les livres si bien imprimés et si joliment reliés. Il n’avait pas de compagnon sur qui s’appuyer, mais s’il ne prêchait pas lui-même, les foules n’entendraient pas le message. Aussi comptant sur le secours du Seigneur, il employa au mieux les phrases qu’il connaissait, soignant aussi les malades pendant des heures et ayant des conversations au bord de son bateau, le soir.

A Nanhwei, à la nouvelle qu’un étranger approchait, l’ordre fut donné de fermer la porte principale de la ville. Ne sachant rien de cela, Hudson Taylor, qui était arrivé par une porte secondaire, entra dans la ville le dimanche matin sans être remarqué. Le mandarin le sut, mais son inquiétude s’apaisa lorsqu’il apprit que l’étranger tant redouté était seul et sans armes et qu’il ne songeait pas à rester longtemps, mais l’agitation du peuple ne fut pas aussi facile à calmer. Après avoir courageusement prêché, Hudson Taylor dut se retirer dans son petit bateau et il y reçut des centaines de visites, distribuant des livres à ceux qui savaient lire, donnant des remèdes aux malades, disant et redisant les grands faits de l’évangile tout en répondant aux questions personnelles.

Il était sûr de la protection de Dieu et le lendemain il n’hésita pas à aller visiter une mourante, seul avec des Chinois qui étaient venus le chercher. Il écrivit le lendemain à ses parents :

« Je sentais que j’étais où mon devoir m’avait placé ; malgré mon indignité et quoique solitaire, je savais que je n’étais pas seul ». Ce fut d’ailleurs une visite intéressante, après une marche longue et pénible à travers la campagne glacée. Il conseilla au mari d’amener sa femme à Shanghai et il s’efforça de l’encourager. Puis il leur expliqua simplement et complètement le message qu’il était venu leur apporter de si loin. Naturellement tous les gens des environs voulurent le voir et l’entendre, de sorte qu’il eut un auditoire nombreux qui n’avait jamais entendu parler de l’amour rédempteur.

Au moment du départ, le mari de la malade arriva, tenant en main une poule qu’il voulait offrir « au docteur étranger ». Grande fut sa surprise quand Hudson Taylor, lui expliquant que ses remèdes comme son message ne pouvaient être achetés à aucun prix, il la remit en liberté en le remerciant beaucoup.

Le premier février, il rentrait à Shanghai, fatigué de son voyage, mais avec la joie de pouvoir se dire que, dans une famille de plus et dans toute une région, le nom de Jésus avait été répandu comme un parfum agréable à Dieu.

Mais la lettre de crédit ne venait toujours pas. Cette longue attente et cette incertitude étaient vraiment une souffrance pour eux. C’est alors que le Seigneur, connaissant leur angoisse, leur envoya des dons qui furent pour eux de précieux encouragements.

L’un, de cinquante dollars, fut fait au Dr. Parker par un Européen de Shanghai qui permit l’achat d’un terrain pour un futur hôpital. L’autre, fait directement à Hudson Taylor, fut le premier qu’il reçut en dehors de la Société. Il venait de M. Berger de Saint Hill près de Londres. Ce fait montre la sollicitude de Dieu. M. Berger avait rencontré une ou deux fois le jeune missionnaire avant son départ pour la Chine. Il avait de ses nouvelles par les Howard et les lettres d’Hudson Taylor, qui le stimulaient. Il en résulta un don de dix livres sterling qui fut utilisé pour couvrir les frais d’un enfant dont les missionnaires voulaient se charger : c’était le premier pas vers la création d’un internat.

Mais le plan de Dieu ne s’arrêtait pas là. Si Hudson Taylor avait pu prévoir combien de centaines et de milliers de livres sterling lui parviendraient de la même manière et tout ce qu’il devait recevoir de M. Berger en fait de conseils, de sympathie et d’amour fraternel, quelle n’eût pas été sa surprise ! Et pourtant tout cela, et bien davantage encore, devait arriver, grâce à Celui qui réalisait Sa volonté dans la vie de Son serviteur, comme Il la réalise dans nos vies aujourd’hui.

 Là où Christ n’est pas connu

 Avril 1855.

  Le printemps en Chine est la meilleure saison pour évangéliser. Dans l’estuaire du Yangtze, à quarante-cinq kilomètres environ de Shanghai, se trouve la grande île de Tsung-ming peuplée d’un million d’habitants, qui n’avait jamais été visitée par des missionnaires.

Dans la capitale qui porte le même nom, ils passèrent plusieurs jours et y furent très encouragés. Ils firent même une visite au mandarin, jeune homme, sérieux qui les reçut avec courtoisie. Il accepta des exemplaires du Nouveau Testament et d’autres livres et écouta attentivement les explications des missionnaires tout en consentant volontiers à leur laisser visiter l’île.

Dans une salle d’un temple d’un dieu de la ville, Hudson Taylor soignait les malades et dans la cour, M. Burdon distribuait des livres et prêchait. Lorsqu’il ne put plus parler, Hudson Taylor le remplaça. N’étant pas aussi grand que son compagnon, il ne trouva rien de mieux qu’un grand vase à encens en bronze sur lequel il grimpa, sans choquer personne, semble-t-il !

« Je leur parlai de ma voix la plus forte ; on ne peut souhaiter un auditoire plus attentif. Il était réjouissant d’entendre les uns et les autres s’écrier : «  puh-ts’o, puh-ts’o », ce qui veut dire « pas mal, pas mal », comme ils le font souvent en signe d’approbation ».

 Une vision de l’œuvre de sa vie

 Mai 1855.

 La joie de prêcher Christ là où Il ne l’avait pas encore été, s’était maintenant emparée d’Hudson Taylor. Il avait trouvé des auditeurs attentifs dans des endroits où l’Évangile n’avait encore jamais été proclamé. C’était une grande expérience pour le jeune missionnaire et elle détournait son cœur d’autres préoccupations. Les projets de l’installation de la Mission à Shanghai passaient au second plan. Il avait éprouvé combien il était doux d’annoncer l’amour du Sauveur à ceux qui n’en ont jamais entendu parler et cette œuvre le réclamait toujours plus.

La Société Biblique britannique lui avait offert, non seulement de lui fournir autant de livres qu’il pourrait en distribuer, mais encore de se charger de la plus grande partie de ses frais de voyage.

« J’ai confiance que vous prierez beaucoup pour nous. Nous avons bien des épreuves, et Satan ne lâche pas facilement ceux qui attaquent ses forteresses. Demandez à Dieu que nous soyons gardés du mal, spirituellement aussi bien que physiquement, et que le seul désir intense de nos cœurs nous soit accordé : que nous soyons utiles ».

« De retour au bateau à six heures du soir, j’ai vu différents malades, puis nous sommes partis à la marée. Toute la journée, en me rendant de lieu en lieu, fatigué et mouillé de sueur, j’étais rafraîchi par la pensée que le Seigneur Jésus s’était certainement trouvé souvent dans le même cas, parcourant un pays chaud ».

Il a connu la solitude d’une vie qui fut privée de toute compréhension à l’égard de ses besoins. Oui, Il a vécu Lui aussi parmi les foules de gens malades et souffrants et n’a pu échapper à la fatigue et aux privations. Pas une de vos larmes, pas une de vos angoisses ne Lui est inconnue. Elles sont la communion de Ses souffrances. Est-ce que cela ne transfigure pas les heures les plus sombres, et n’ôte pas leur aiguillon aux humiliations les plus amères ? Dans toute l’éternité, cette sympathie profonde subsistera entre votre cœur et le Sien.

« J’ai beaucoup de joie à lire et à prier dans ma cabine et j’ai senti une confiance renouvelée en Celui qui nous a amenés jusqu’ici ».

Hudson Taylor revint à Shanghai le premier juin. Il avait distribué sans dommage plus de deux mille sept cents portions de l’Ecriture et traités.

Puis, chaque jour pendant les mois d’été, où il est impossible de voyager, il fit un service pour les enseignants, les domestiques et tous ceux qui voulaient s’y joindre. Cette occasion d’instruire les mêmes personnes fut une grande joie pour lui, surtout lorsque des fruits se manifestèrent.

Quelques jours après leur avoir parlé de la nécessité d’être sauvé du péché et de ses conséquences éternelles, il demanda si l’un de ses auditeurs avait reçu le pardon de ses péchés par la foi en Jésus Christ. Il s’arrêta un instant et peut-être n’attendait-il pas de réponse, lorsqu’à sa grande reconnaissance Kui-hua, leur jeune cuisinier, répondit : « Moi ». C’était le frère du jeune homme que le don de M. Berger leur avait permis d’adopter. Ce jeune cuisinier donna de plus en plus de satisfaction et fut le premier converti baptisé par Hudson Taylor en Chine.

Du 11 au 25 juin 1855, ils tentèrent cependant un voyage qui joua un grand rôle pour l’avenir tant d’Hudson Taylor que du Dr. Parker. Leur tournée devait comprendre une visite à Ningpo. C’était un centre important de missionnaires se rattachant à plusieurs sociétés qui y étaient à l’œuvre et la bénédiction de Dieu reposait visiblement sur leurs travaux. Mais une chose manquait au développement harmonieux de l’œuvre à Ningpo : il n’y avait pas d’hôpital. Quand ils apprirent à connaître le Dr. Parker, un espoir nouveau naquit en eux. Le résultat fut une invitation unanime adressée au médecin écossais de se joindre à eux.

Il répondit d’abord qu’il ne se sentait pas libre de le faire, à moins que cela lui ouvrît un champ d’activité plus vaste. Il ne voulait pas sacrifier sa vie missionnaire pour un foyer et une clientèle assurée. Mais s’il pouvait envisager de s’occuper d’un hôpital pour les Chinois, entreprise qui coûterait au moins huit cents dollars par an, le problème serait différent. Familiarisé avec la langue et le peuple, après huit mois passés en Chine, le chemin qui devait décider de sa vie s’ouvrait devant lui.

Il écrivit au Comité le 22 août :

« Vous serez heureux d’apprendre, je suis sûr, que les amis de Ningpo prennent la responsabilité des fonds nécessaires et se réjouissent à la perspective d’avoir un hôpital là-bas, le seul port ouvert par le Traité qui n’en ai pas.

Cela, naturellement, m’engage à prendre cette décision et comme je crois que c’est la volonté de Dieu, j’ai résolu d’y aller sans retard ».

Cette décision laissait Hudson Taylor plus dépendant de Dieu. Mais sentant que son travail à Shanghai n’était pas achevé, il se mit à chercher un logement, mais comme précédemment ses recherches furent vaines. Il ne pouvait rien obtenir à un prix abordable. Que de pensées se pressèrent dans son esprit à ce moment-là ! Un costume chinois était une pensée qui lui devenait familière. Mais c’était quelque chose d’inouï. Il pouvait arriver qu’un missionnaire revête le costume chinois par mesure de précaution au cours d’une tournée, mais au retour il était déposé et il fallait se soucier bien peu de l’opinion publique pour le porter constamment jusque dans la ville européenne.

C’est à cela que songeait le jeune missionnaire poussé par le désir de s’identifier avec ce peuple. Pourquoi entraver l’œuvre en mettant en évidence sa qualité d’étranger ? Il devait porter sans cesse le costume chinois, s’adapter à la vie chinoise en mangeant de leur nourriture avec des bâtonnets ! Comme cela simplifierait les voyages à l’intérieur !

Le jeudi soir arriva où le Dr. Parker devait partir le lendemain matin. Hudson Taylor sortit pour louer la jonque qui devait les conduire jusqu’à la baie d’Hangchow.

C’était jusque-là qu’il devait être amené. Il avait suivi le Seigneur fidèlement. C’était assez Maintenant pouvait être donné l’exaucement des prières de tant de semaines et de mois. Un homme l’accosta et lui offrit de lui louer une maison dans la ville chinoise, près de la Porte Sud. Le prix et les conditions étaient raisonnables : deux pièces en haut et deux pièces en bas parfaitement propres et une cinquième de l’autre côté de la cour pour les domestiques ; juste ce qui lui fallait ! Le Seigneur avait travaillé pour lui, ses prières étaient entendues et Dieu le guidait.

Le même soir, il prit la décision au sujet de laquelle il avait si longtemps prié : il revêtit au mieux ces vêtements flottants auxquels il n’était pas accoutumé et parut pour la première fois vêtu de vêtements et de souliers de satin que porte la classe enseignante.

Quelque chose de meilleur

 Août à octobre 1855.

 Une fois cet acte accompli, combien tout fut facile ! N’étant plus suspect jusqu’au moment où son langage le trahissait, il fut à même de juger des choses qui l’environnaient d’une manière plus juste, plus naturelle, et il put entrer d’une façon toute nouvelle avec le peuple. Maintenant, comme jamais auparavant, il pouvait pénétrer les préoccupations des indigènes et, instinctivement, il commença à s’identifier à ceux pour lesquels, jusqu’alors, il n’avait été qu’un étranger.

En août, en retournant à Shanghai par des lieux qu’il n’avait pas encore connus, il fit son huitième voyage et il put observer de façon plus exacte les caractères et les besoins. Mais de retour là, son costume élevait une barrière infranchissable entre les Européens et lui, et le rejetait tout entier vers son peuple. Il s’en réjouit, à cause de son œuvre, mais sentit le mépris des Européens et la désapprobation des missionnaires. Mais plus il se donnait aux Chinois, plus une joie nouvelle inondait son âme.

« Le Dr. Parker est à Ningpo, écrivait-il à sa sœur au début d’octobre, mais je ne me sens pas délaissé. J’ai une présence sensible de Dieu avec moi comme je n’en avais jamais fait l’expérience auparavant, avec des élans dans la prière et dans la vigilance, qui sont vraiment bénis ».

Un cœur si plein de l’amour de Dieu doit éveiller chez les autres la soif de ce qu’ils ne connaissent pas encore. Les enfants de l’école le sentaient, les curieux qui venaient aux réunions le sentaient aussi ; de même les malades qui remplissaient le dispensaire, et par-dessus tout Kuei-hua, son fidèle serviteur et ami.

Ce dernier, bien instruit des vérités de l’Évangile, était depuis quelque temps un croyant sincère ; mais maintenant il ne pouvait plus faire autrement que de confesser le Dieu de son maître. Un matin, avec le plus grand sérieux, il demanda au jeune missionnaire de le baptiser. La joie d’Hudson Taylor s’exprima dans une lettre à sa mère datée du jour même.

« Je ne peux te dire la joie que cela m’a causé. Mon âme, bénis l’Eternel et que mon esprit se réjouisse en Dieu, mon Sauveur ! Si une âme vaut des mondes, maman, ne suis-je pas abondamment récompensé ? Et toi, ne l’es-tu pas aussi ? »

Mais ce n’était pas le seul encouragement qu’il eût à raconter. Il reçut une lettre de Mr. Berger, qui satisfait de l’emploi fait de son premier don de dix livres sterling, le répétait maintenant et s’engageait à le renouveler tous les six mois, se chargeant ainsi complètement de l’éducation de Hanpan. De plus, il exhortait très affectueusement le jeune missionnaire à attendre de grandes choses de Dieu. Le message de Mr. Berger lui allait droit au cœur : « Ouvre ta bouche toute grande et je la remplirai ». Oui, Dieu ne connaît pas d’obstacles. Si nous attendons beaucoup de Lui, nous ne serons certainement pas déçus ».

 

SEPT MOIS AVEC WILLIAM BURNS

 1855-1856

 (De vingt-trois à vingt-quatre ans)

 

Un million de paroissiens.

 Dès qu’Hudson Taylor put laisser la maison de la Porte du Sud à la responsabilité de Si, il se mit en route pour une nouvelle tournée d’évangélisation qui devait comprendre une deuxième visite à Tsungming. Mais il n’alla pas bien loin, car à peine arrivé  dans l’île, il se trouva en possession d’une petite maison.

Vêtu comme eux, vivre comme eux, il leur était familier. Ils avaient d’abord eu l’idée de le loger dans le temple, mais le jeune missionnaire n’avait accepté qu’à la condition que l’on ôta toutes les idoles. Mais les prêtres n’y consentirent pas. Il y a bien, disaient-ils, de vieilles idoles sans importance ; mais d’autres ne pouvaient être traitées à la légère. Le « docteur étranger » ne permettrait-il pas de les laisser ? Mais, lorsque Hudson Taylor leur eut expliqué que son Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, ne pouvait pas habiter avec des idoles faites de mains d’hommes, tous, peuple et prêtres, comprirent combien sa manière de faire était juste. Ils n’osèrent pas déloger certains de leurs dieux, mais trouvèrent dans la ville un autre logement pour le missionnaire à un prix très modéré.

Après avoir respecté le repos du dimanche, non sans faire une grande impression sur le peuple, il s’installa sommairement dans une nouvelle demeure et reçut d’innombrables visites de tout le voisinage. Les visiteurs emportaient des impressions favorables et surtout la conviction que cet étranger n’était pas venu à Tsungming pour son plaisir, mais pour faire du bien, guérir les malades et leur annoncer la bonne nouvelle. Son serviteur Kuei-hua et un habitué des réunions de la Porte du Sud, nommé Ts’ien, furent extrêmement utiles en l’aidant à prêcher l’évangile le matin, à midi et le soir. Cette grande île était peuplée d’un million d’habitants qu’Hudson brûlait d’envie de les atteindre tous.

Il revint à Shanghai pour chercher des remèdes et prendre des vêtements chauds pour l’hiver. Mais, en son absence, une plainte fut adressée au mandarin de Tsungming par les docteurs et les pharmaciens de l’endroit, qui avaient agité la population et il apprit que Ts’ien était menacé des peines les plus sévères. Malgré le danger il y retourna à la hâte et continua à soigner les malades.

« Le lundi matin, pendant que nous déjeunions, le mandarin vint à passer. Les gens de son escorte disaient qu’il avait un double but : s’emparer de quelques pirates dans une autre ville et examiner notre cas. Nous avons fait notre culte du matin, demandant spécialement la protection de Dieu, et prêché, soigné les malades comme à l’ordinaire. Le lendemain après-midi, comme j’opérais une femme à l’œil, qui vint à passer ? le mandarin et toute sa suite. Heureusement que l’opération se terminait et deux heures plus tard, on nous dit que le magistrat s’était rendu dans sa capitale sans s’arrêter. Ainsi nos prières se changeaient en louanges ! Depuis ce moment-là et jusqu’à ce jour, nous n’avons pas eu d’ennuis ».

Maintenant que l’orage s’était éloigné, le jeune missionnaire tirait le plus grand parti possible des occasions qui s’offraient à lui. Il éprouvait une joie inexprimable de voir des chercheurs de la vérité croître dans la grâce et la connaissance du Seigneur. Le forgeron Chang fermait maintenant son atelier le dimanche ; Sung et lui se déclaraient ouvertement chrétiens. Aussi le coup qui atteignit Hudson Taylor à ce moment-là fut-il d’autant plus sensible qu’il était imprévu.

Le premier décembre, il était retourné à Shanghai pour chercher de l’argent et expédier des lettres. A sa grande surprise un message du Consul l’attendait chez lui au sujet de son établissement à l’intérieur et l’invitait à se rendre au consulat le plus vite possible. Dans cette entrevue, il ne lui fut plus permis d’occuper son domicile à Sink’aiho et il se vit menacé d’une amende de cinq cents dollars s’il essayait de nouveau de se fixer dans l’intérieur.

Heureusement le jour suivant était un dimanche et il eut le temps de présenter cela au Seigneur. Abandonner cette œuvre si encourageante lui semblait impossible. Il ne pouvait en supporter la pensée. Qu’allaient devenir ses auditeurs si attentifs ? Plusieurs n’étaient-ils pas des enfants dans la foi ? Comment les laisser sans secours et encore si sommairement instruits dans les choses de Dieu ? Pourtant le Seigneur l’avait permis ; c’était Son œuvre Il ne les abandonnerait pas. Toutefois son chagrin était immense. Il écrivit à sa mère :

« Mon cœur est triste. Le consul me défend de résider à Tsungming. Je ne sais que penser. Je n’ai plus qu’à renoncer à cette maison et à prier pour l’avenir. Je pars cette nuit à une heure pour l’île. Prie pour moi. Je ne veux pas être comme le mercenaire qui s’enfuit lorsque le loup s’approche et je ne veux pas davantage me jeter dans le danger. J’ai besoin de connaître la volonté du Seigneur et de recevoir la grâce de l’accomplir. Prie pour moi pour que je puisse suivre Christ, non seulement en paroles, mais en actions et en vérité ».

Ses dernières journées à Tsungming ne furent pourtant pas complètement sombres. Malgré la tristesse des préparatifs, ce départ comportait de grands encouragements. Comment oublier, par exemple, la dernière soirée passée avec ses auditeurs habituels.

«  Mon cœur sera bien triste, disait le forgeron, quand je ne pourrais plus me joindre à vos réunions ».

« Mais, répliqua le missionnaire, vous ferez le culte en famille, car Dieu est là que j’y sois ou non. Trouvez quelqu’un pour lire et réunissez vos voisins pour entendre ».

« Je sais si peu de chose, ajoutait Sung, et quand je lis, je ne puis tout comprendre. J’éprouve un grand chagrin de vous voir partir, mais combien je bénis Dieu de vous avoir envoyé ici. Mes péchés qui étaient si lourds, m’ont tous été pardonnés par Jésus et Il me donne chaque jour Sa joie et Sa paix ».

« Il m’est vraiment dur de les quitter, car j’avais espéré qu’il se ferait ici une belle œuvre. Il y a beaucoup de semence répandue et un grand nombre de livres sont entre les mains de ces gens. Au Seigneur de donner la croissance ! Puisse-t-Il veiller sur eux, pour l’amour de Jésus ».

 Une source dans une terre aride

 Décembre 1855

 Une source d’eau dans une terre aride : une amitié bénie dans laquelle Dieu se manifeste à l’heure du besoin ; telle fut la réponse pour Hudson Taylor l’amitié de William Burns.

Le nom de William Burns était très aimé en Ecosse et béni dans de nombreuses familles ; car on se souvenait partout du réveil de 1839. Le jeune évangéliste était allé de lieu en lieu avec une grande puissance spirituelle et avait parcouru le pays au milieu des marques merveilleuses de la présence de Dieu. Il était maintenant un missionnaire usé par le travail, les cheveux grisonnants déjà, plein de douceur d’esprit, mais de ferveur aussi, avec un pouvoir de sympathie accru par l’expérience et la communion des souffrances de Christ.

A l’époque où nous le rencontrons, il venait de faire une tentative pour évangéliser la vallée du Yangtze pour atteindre Nanking, la capitale des rebelles ; mais il avait échoué dans ses efforts et revenait à Shanghai par les canaux et avait évangélisé ces contrées très accessibles.

Nous ne savons pas au juste où et dans quelles circonstances les deux missionnaires se rencontrèrent. Il est bien permis de penser que, dès l’abord, une puissante sympathie les attira l’un vers l’autre. Le regard perçant du grave Ecossais eut vite fait de découvrir dans le jeune Anglais un esprit de la même trempe que le sien et de deviner qu’il avait besoin de secours. Ils manquaient l’un et l’autre de compagnon et décidèrent bientôt d’unir leurs forces pour l’œuvre à laquelle ils se sentaient appelés tous les deux. Aussi, plein de reconnaissance Hudson Taylor commença à se rendre compte que « tout était bien », dans l’épreuve qui lui avait été dispensée à Tsungming, au sujet de laquelle il s’était peut-être découragé trop vite. Car Dieu conduisait tout avec sagesse et amour. Il ne laisserait pas entraver Son œuvre. N’avait-Il pas préparé pour Son serviteur une bénédiction inattendue en lui donnant l’ami le plus secourable qu’il eût jamais connu ?

Au milieu de décembre, Hudson Taylor quitta Shanghai pour un dixième voyage, le premier en compagnie de M. Burns. Ils s’installèrent dans deux bateaux ayant chacun ses auxiliaires chinois et une bonne provision de livres.

Ils choisirent un centre important, la ville de Nanzin, au sud du Grand Lac, dans le Chekiang et y restèrent dix-huit jours, y compris Noël et le Jour de l’An. M. Burns était d’avis de commencer tranquillement par les alentours de la ville où l’on n’avait que rarement ou jamais vu d’étrangers et d’avancer progressivement vers des quartiers plus populeux. Ils visitèrent les temples, les écoles, les maisons de Thé et ils eurent la joie de voir les mêmes auditeurs revenir souvent et purent convoquer dans leurs bateaux les plus attentifs pour des entretiens particuliers. Ces journées très remplies étaient toujours commencées et terminées par la prière avec leurs aides chinois.

Les lettres d’Hudson Taylor contiennent des détails très intéressants :

« Nous n’eûmes pas besoin de chercher à éveiller leur intérêt pour l’Évangile, car eux-mêmes nous questionnèrent. L’un demanda : Toutes les idoles sont-elles fausses ? Un autre : Quel profit y a-t-il de croire en Jésus ? Et encore : Si Jésus est dans le ciel, comment pouvons-nous l’adorer ici ? Puis, un homme qui nous avait suivis de lieu en lieu, voulut absolument payer notre thé. Nous causâmes librement de différents sujets avec le sentiment très net de la présence de Dieu. Le Seigneur est fidèle et Il a promis d’être « comme des ruisseaux d’eau dans un lieu sec, comme l’ombre d’un grand rocher dans un pays aride  » (Esaïe 32. 2).

Il comptait sur Ses promesses et ne les avait jamais trouvées en défaut. La présence du Seigneur était pour lui aussi réelle en Chine qu’elle l’avait été dans sa patrie. Sans la présence de Dieu, il n’aurait pas pu parler, même à une poignée d’enfants dans une école du dimanche ; avec elle, il pouvait se tenir sans être confus devant les plus puissants et les plus sages du pays. La prière lui était aussi naturelle que la respiration et la Parole de Dieu aussi nécessaire que la nourriture quotidienne. Il était toujours joyeux, toujours heureux, montrant la vérité de ses propres paroles :

« Je crois pouvoir dire, par grâce, que les lieux ne diffèrent pour moi que par l’absence ou la présence de Dieu ».

La vie simple était son grand bonheur. Il pensait que, pour un chrétien, l’état le plus heureux sur la terre était d’avoir peu de besoins.

« Être uni à Celui qui est le Berger d’Israël, marcher tout près de Celui qui est à la fois le soleil et le bouclier, c’est tout ce qu’il faut à un pauvre pécheur pour le rendre heureux entre cette vie et le ciel ».

Instruit et plein d’esprit, William Burns était un délicieux compagnon et ceux qui l’ont connu remarquaient le contraste entre son esprit et ses pensées habitués aux choses élevées, et son cœur, qui se contentait des choses si humbles. Il vivait de préférence et habituellement à la façon chinoise et en avait aussi adopté le costume.

Par ailleurs sa fidélité et ses convictions étaient inébranlables et il n’hésitait pas à rendre son témoignage en face du mal. Mais c’était vis-à-vis de lui-même qu’il était le plus sévère, dans le véritable esprit de l’apôtre : « Nous supportons tout, afin de ne mettre aucun obstacle à l’évangile du Christ » (1 Corinthiens 9. 12). Et pourtant il se sentait complètement indigne de représenter le Seigneur qu’il aimait.

Une semblable amitié est l’une des plus riches bénédictions de la vie. Elle ne se commande pas. Elle naît spontanément entre deux cœurs poussés l’un vers l’autre par leurs affinités. L’exemple de M. Burns valait mieux pour lui que tous les cours qu’il aurait pu suivre, parce que sa vie, là en Chine, devant lui, l’enseignait pour tout ce qu’il avait besoin de connaître.

 A l’ombre du Tout Puissant.

 Janvier 1855

 Les deux missionnaires passèrent dix-huit jours à Nanzin et la ville de Wutien, située à mi-chemin de deux grandes cités, était la dernière à être visitée, si nos missionnaires avaient considéré leurs aises et leur sécurité.

Elle servait de refuge à toute une population turbulente, parmi laquelle il y avait beaucoup de contrebandiers, mais jamais l’Evangile n’y avait été prêché. Nos voyageurs y apprirent pour eux-mêmes d’importantes leçons.

Ils commencèrent le 7 janvier par distribuer des centaines de traités dans les rues écartées. Cela excita beaucoup de curiosité et Hudson Taylor put écrire au sujet des foules qui ne tardèrent pas à les entourer :

« Je n’ai jamais parlé à des auditoires plus attentifs et n’ai pas encore vu autant de sérieux chez des Chinois ».

Mais des obstacles imprévus vinrent interrompre leur activité qui s’annonçait si belle ! Les premiers ennuis vinrent d’un groupe d’individus, qui faisaient partie de la contrebande du sel, qui attaquèrent violemment leurs bateaux pour se faire donner des livres alors qu’ils ne savaient pas lire.

Le soir et le lendemain les missionnaires purent néanmoins annoncer la Parole de Dieu avec puissance. Il raconta plus tard :

« Le soleil se couchait justement et me fournit une image frappante de la vie. Tandis que je parlais de l’incertitude de sa durée et de l’approche du retour du Seigneur, il régnait un profond sérieux. Un prêtre bouddhiste, qui se trouvait là, fut contraint d’avouer que le bouddhisme était une religion qui ne pouvait pas donner la paix dans la mort. Lorsque je me mis à prier, tous étaient silencieux et impressionnés et mon âme était profondément émue par la solennité de la scène ».

Mais le samedi 12, cinquante contrebandiers se réunirent et envoyèrent l’un d’entre eux pour nous demander dix dollars et une livre d’opium. Si on répondait à leurs exigences, ils laisseraient les bateaux en paix, sinon ils seraient détruits le lendemain.

Sung, le maître de chinois, était seul avec les bateliers et fut, comme eux, assez effrayé de voir la tournure que prenaient les évènements. N’ayant pas d’argent et naturellement pas d’opium, il partit à la recherche des missionnaires en suggérant aux bateliers de saisir une occasion de lever l’ancre et de s’éloigner, s’ils le pouvaient. Il fit quatre kilomètres, pour le lieu qu’ils avaient indiqué, mais il ne put les rejoindre. Ayant la conviction qu’ils devaient ne plus faire route vers l’Est, les missionnaires retournèrent à la maison de thé, située près du fleuve. Pendant ce temps, les bateliers avaient pu s’éloigner tranquillement de la rive. La nuit qui avait été claire et belle jusqu’à ce moment-là, était devenue très sombre et le capitaine, profitant des ténèbres, avait fait partir les deux bateaux dans des directions opposées. Puis, il débarqua et en se dissimulant dans l’ombre, il attendit avec anxiété l’arrivée des passagers.

Chose étrange, ce ne fut pas long. Il n’était venu personne à la maison de thé ; et les missionnaires rentrèrent plus tôt que d’ordinaire. La nuit était noire et pour la première fois à Wutien, personne ne les suivait. Quand la lanterne de M. Burns apparut, Sung constata que les missionnaires étaient seuls et les amena du côté de la rive. Il leur raconta leur aventure et leur dit que les bateaux avaient été éloignés pour les mettre à l’abri. Bientôt Ts’ien et Kuuei-hun furent amenés à bord également et Sung enfin les rejoignit de sorte qu’ils furent en mesure de partir et de se mettre en sécurité. Ils ne tardèrent pas à comprendre que le Seigneur avait veillé sur eux dans cette heure de danger, car Sung, en revenant à l’endroit où les bateaux avaient stationné, trouva une vingtaine d’individus qui cherchaient les missionnaires dans l’obscurité. Heureusement il rencontra un peu plus loin l’un des bateliers qui lui montra le chemin vers les missionnaires dans le plus grand silence. Tout le monde se réunit alors pour la lecture du Psaume 91.

La journée suivante, il plut si fort toute la journée que personne ne put sortir des bateaux, ce qui les mit à l’abri des contrebandiers et ils eurent une délicieuse journée de détente comme ils n’en avaient pas eu depuis quelque temps. Ils étaient pleins de reconnaissance et d’admiration pour la bonté de Dieu qui les avait conduits dans un endroit désert pour leur donner du repos.

Ferme, inébranlable

 Février-avril 1856

 Fréquemment séparé de M. Burns dans l’intérêt de l’œuvre, Hudson Taylor demeurait seul. Les voisins le regardaient aller et venir et observaient les moindres détails de sa conduite. Il vivait au grand jour, sous les yeux de ce peuple, et cette vie d’amour et de pureté parlait plus qu’il ne pouvait le croire à leurs cœurs ténébreux.

Un jour il écrivit à un ami qui lui demandait conseil :

« La lumière vous sera certainement donnée. Mais n’oubliez pas, alors que vous en désirez davantage, l’importance de vivre selon la lumière que vous avez reçue. Si vous vous sentez appelé à l’œuvre de Dieu, ne vous inquiétez pas de l’heure et du chemin. Il vous conduira. Je désire toujours plus remettre toutes mes affaires entre les mains de Dieu qui, seul, peut et veut certainement nous conduire dans le chemin, si nous cherchons Son secours humblement et avec foi.

Je suis sûr que vous me pardonnerez si j’insiste auprès de vous sur l’importance de chercher la direction divine pour vous-mêmes, personnellement et indépendamment des autres. Chacun a individuellement son devoir et sa responsabilité vis-à-vis de Lui. La conduite des autres ne peut pas me faire un devoir de ce qui n’en est pas un pour moi ; pas plus que les exigences de mon devoir ne peuvent pas être diminuées par la conduite, bonne ou mauvaise, des autres. Essayons de voir clairement notre chemin à la lumière de Sa volonté et alors, dans l’épreuve ou l’indécision, nous serons  « fermes, inébranlables », ne nous étant pas appuyés sur un bras charnel. Que le Seigneur vous guide et vous bénisse et qu’Il vous donne de toujours vous appuyer fortement sur Sa fidélité ».

 Par un chemin qu’ils ne connaissaient pas

 Octobre 1856 à mai 1857

 A Ningpo, Hudson Taylor s’établit dans une petite maison à la rue du Pont. A ce moment-là, le Dr. Parker avait installé dans cette petite maison une école de garçons et un dispensaire et il fut heureux de mettre à la disposition de son ancien collègue la partie supérieure du bâtiment qui était assez spacieuse.

Dans ce quartier les seuls étrangers étaient Mlle Aldersey et ses deux aides, ainsi que M. Jones et sa femme qui appartenaient à la même mission qu’Hudson Taylor. Ils apprenaient le chinois et se mettaient au courant des usages du pays. Hudson Taylor l’aida beaucoup et M. Jones put bientôt commencer des réunions régulières et ils prêchèrent souvent ensemble dans la ville et les environs.

Mme Jones, de son côté, avait trois petits enfants et trouvait une aide précieuse dans la personne de la plus jeune des demoiselles Dyer. Elles faisaient souvent des visites ensemble. Maria Dyer n’avait pas vingt ans et était très occupée par l’école, mais elle était heureuse quand elle pouvait gagner une âme. Elle était déjà une vraie missionnaire.

Ces deux sœurs étaient orphelines. Leur père missionnaire en Chine leur avait montré jusqu’à sa mort un bel exemple de foi. Elles vivaient depuis quelques années chez Mlle Aldersey.

Hudson rencontrait Maria de temps en temps et ne pouvait qu’être attiré vers elle. Elle partageait ses vues sur tant de sujets importants et elle prit dans son cœur une place qui n’avait jamais été occupée jusqu’alors.

Mais de quel droit pouvait-il songer au mariage, alors qu’il n’avait ni foyer ni traitement fixe ? Que dirait-elle et que diraient ses tuteurs de vivre ainsi par la foi en Chine, et cela même pour le pain quotidien ? Il s’en ouvrit cependant à ses amis M. et Mme Jones et loin de le décourager, ils se montrèrent, à sa grande surprise, pleins de reconnaissance envers Dieu, sachant que les deux étaient des jeunes gens dont la vie était consacrée à Dieu.

Nous résumerons la suite des évènements : Hudson fit sa demande par écrit et quelques jours après, il reçut un mot bref et froid lui disant que ce qu’il désirait était complètement impossible. Mlle Aldersey s’opposa avec indignation à ce parti et obligea Maria de lui écrire ce refus. Après bien des luttes et avoir apporté tout cela au Seigneur dans la prière, Hudson Taylor écrivit à M. Tarn, un oncle de Maria, qui était son tuteur en Angleterre. Celui-ci, renseignement pris, donna son accord à la condition qu’elle attende son majorat dans quelques mois. Le mariage eut lieu le 20 janvier 1858.

 Un lieu plein de ressources

 Août-décembre 1859

 Épargné comme il l’avait été par la grave maladie de Mme Taylor survenue en 1858, et ceci par la pure miséricorde de Dieu, Hudson Taylor fut d’autant plus ému par le départ presque soudain de Mme Parker. L’un de ses quatre enfants était malade et lui-même éprouvé par cinq années en Chine, ne tarda pas à prendre la décision de retourner en Ecosse, où sa famille pourrait s’occuper de ses enfants.

« Après avoir regardé au Seigneur pour être dirigé, je me sentis poussé, écrivit Hudson Taylor, à me charger non seulement du dispensaire, mais de l’hôpital en comptant uniquement sur la fidélité de Dieu pour subvenir aux besoins de Son œuvre »

Remplis de confiance dans le Seigneur et certains d’avoir été appelés à cette tâche plus étendue, ils se préparèrent à s’installer dans la maison du Dr. Parker. Mme Taylor avait une grande influence sur les malades. Ils sentaient bien qu’une religion capable d’amener une dame anglaise à accomplir des travaux si particuliers et si répugnants était digne d’attention. Elle considérait quiconque, même parmi les employés, comme des âmes qu’elle avait comme mission d’amener à Christ. Elle les encourageait à apprendre à lire et beaucoup en vinrent à connaître et à aimer le Maître qu’elle servait si fidèlement. Elle avait l’habitude de chercher en tout l’approbation de Dieu et n’écrivait pas une ligne, ne payait pas une facture, ne faisait pas un achat sans élever son cœur vers Lui. Dans l’hôpital tout respirait la confiance et la joie.

Un jour, le cuisiner Kuei-hun annonça qu’il venait d’ouvrir le dernier sac de riz dont on verrait bientôt le fond.

« Alors », répondit Hudson Taylor, « le moment où le Seigneur nous aidera doit être tout proche ».

Avant que le sac fût fini, le jeune missionnaire recevait une lettre de M. Berger contenant un chèque de cinquante livres sterling. Mais de plus, il annonçait qu’un lourd fardeau s’était abattu sur lui, le fardeau d’une fortune qu’il désirait employer pour la cause de Dieu.

Cinquante livres sterling sur la table ! Et cet ami, si loin, qui ne savait rien du dernier sac de riz et des nombreux besoins de l’hôpital, demandait s’il pouvait encore envoyer des fonds. Glorieuse manifestation de la puissance et de l’amour de Dieu qui remplit Hudson Taylor de reconnaissance et de crainte. Dire qu’il aurait pu refuser de se charger de l’hôpital par manque de ressources ou plutôt par manque de foi dans les promesses de Dieu !

La réunion de prière qui suivit fut courte, puisqu’il fallait s’occuper des malades, mais comme ils écoutaient tous, ces hommes et ces femmes qui n’avaient eu jusque -là que le vide du paganisme.

« Quelle est l’idole qui aurait pu faire cela ? Nos dieux ne nous ont jamais délivrés de nos angoisses, ont-ils déjà répondu de la sorte à nos prières ? »

 Au-delà de toute espérance

 Janvier-juillet 1860.

 Dans ce temps-là, il y eut des âmes amenées à la vie en Jésus Christ, des esclaves du péché rendus à la liberté. Le vieux Dzing avait plus de soixante ans et ce fut seulement dans la dernière année de sa vie qu’il trouva le Sauveur. Allant de lieu en lieu avec son petit bagage de colporteur, il fut le messager de la Bonne Nouvelle pour bien des personnes qui, sans lui, ne l’auraient jamais entendue.

Hudson Taylor était de plus en plus conscient de deux faits : d’une part les circonstances étaient de plus en plus favorables à l’évangélisation et d’autre part, sa santé s’affaiblissait rapidement en raison des six années passées en Chine et du travail intensif. Il eût fallu cent missionnaires et il était de moins en moins capable de faire l’œuvre d’un seul. En Angleterre, on lui témoignait de la sympathie, mais rien qui pût lui faire espérer des collaborateurs. Il y avait cependant un réveil à Londres et des convertis se comptaient par centaines. Il y eût une semaine de prières sur l’invitation des chrétiens des Indes pour demander une puissante action du Saint Esprit. « Demandez et vous recevrez », voilà Sa manière ; croyez et vous serez béni.

Il sentait qu’il fallait retourner dans sa patrie sous peu. Ils partirent fin juin et avant de s’embarquer dans le Jubilé, il eût la joie d’apprendre qu’une de ses sœurs, pour laquelle il avait longtemps prié, venait enfin de se convertir. Le lendemain matin, au point du jour, ils laissaient derrière eux les eaux sombres du Yangtze. Avec quelle reconnaissance, ils revivaient ces années de grâce et avec quelle confiance ils s’appuyaient pour l’avenir sur cette miséricorde divine ! Mais l’avenir était recouvert d’une voile à leurs yeux. Tout ce que voyait Hudson Taylor, c’était la grande détresse de la Chine et le privilège inestimable de se donner soi-même tout entier en communion avec Christ.

Et comme ils marchaient avec foi, réellement consacrés, vivant dans l’esprit de leurs prières, Dieu, dans Sa fidélité sans bornes, fit le reste.

 Fin du premier tome.

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Tome 2.

 

La préparation de l’ouvrier et de l’œuvre.

 Si tu manques de délivrer.

 Septembre 1865

 Une grande convention avait lieu à Perth en Ecosse. Hudson Taylor avait obtenu, non sans peine quelques minutes pour parler de la Chine peuplée à l’époque de quatre cents millions d’âme, le quart de la race humaine !

Pénétré de l’importance du moment, il avait passé la matinée en prière, seul avec Dieu. Dans ces jours-là, les missions en terre païenne, n’occupaient pas une place bien importante et sa crainte de parler en public était encore dépassée par les scrupules qu’il avait de se mettre en évidence.

« Mon espérance est en Lui. Je ne désire pas me plaire à moi-même, mais bien plutôt m’exposer pour l’amour de la Chine. J’ai grand besoin d’ajouter à la foi le courage ; que Dieu me le donne ».

Il trouva la force de dire : « Prions Dieu » et il pria comme il savait prier avec simplicité et la liberté d’un enfant qui s’entretient avec son Père. Cette manière de faire inaccoutumée produisit un silence solennel sur l’assemblée.

Sans autre préambule, il raconta qu’en allant de Shanghai à Ningpo dans une jonque chinoise, il remarqua un jeune Chinois prénommé Pierre. Puis brusquement il tressaillit en entendant un clapotement et un cri poussé par un homme tombé à l’eau. C’était Pierre.

–          Oui, crièrent les bateliers sans s’émouvoir, c’est là-bas qu’il est tombé.

Hudson Taylor aperçut alors des pêcheurs avec un filet.

–          Venez et jetez votre filet à cet endroit. Un homme se noie !

–          Veh bin ! fut la réponse étrange : « cela nous dérange » !

–          Venez vite ou cela sera trop tard.

–          Nous sommes très occupés à notre pêche.

–          Qu’importe ! Venez tout de suite et je vous paierai bien.

–          Combien nous donneras-tu ?

–          Cinq dollars ! mais ne vous attardez pas et sauvez cette vie sans délai !

–          C’est trop peu, crièrent-ils. Nous ne viendrons pas à moins de trente dollars.

–          Je n’ai pas tant que cela. Je vous donnerai tout ce que j’ai.

–          Combien peux-tu avoir ?

–          Je ne sais pas. Environ quatorze dollars.

Ils vinrent et au premier coup de filet, ils ramenèrent le corps de l’homme perdu, mais les efforts furent vains pour le ramener à la vie.

Un sentiment d’indignation se répandit dans l’auditoire, mais la voix grave de l’orateur continua : Le corps d’un homme a-t-il donc une valeur tellement supérieure à celle de son âme. Nous condamnons ces pêcheurs païens. Nous disons qu’ils sont coupables de la mort de cet homme. Mais que dites-vous des millions que nous laissons périr, et cela pour l’éternité ? Que pensez-vous de ce commandement du Seigneur ?« Allez dans tout le monde et prêchez l’évangile à toute la création » (Marc 16. 15).

« Délivre ceux qui sont menés à la mort, et ne te retire pas de ceux qui chancellent vers une mort violente. Si tu dis : Voici, nous n’en savions rien ; celui qui pèse les cœurs, lui ne le considérera-t-il pas ? Et celui qui garde ton âme, lui le sait ; et il rend à l’homme selon son œuvre. » (Proverbes 24. 11).

On peut faire taire sa conscience en alléguant que la Chine est bien loin et qu’une grande partie de sa population est inaccessible. Il n’en est pas moins vrai que chacun de ces hommes a une âme pour le salut de laquelle un prix infini a été payé.

Rappelant une expérience dont le douloureux souvenir lui restait, Hudson Taylor raconta l’histoire d’un converti de Ningpo qui, dans la joie de sa foi récemment éclose, lui demanda :

– Depuis combien de temps connaît-on cette Bonne Nouvelle dans votre pays ?

– Depuis longtemps fut la réponse évasive ; depuis des centaines d’années.

– Des centaines d’années ! s’écria l’ancien chef bouddhiste, et vous n’êtes jamais venus nous le dire. Mon père cherchait la vérité, ajouta-t-il tristement et il est mort sans l’avoir trouvée. Oh ! Pourquoi n’êtes-vous pas venu plus tôt ?

Hudson Taylor résolut de compléter ses études médicales et il loua une maison dans une petite rue voisine de l’hôpital, rue Beaumont N°1. Quatre années devaient s’écouler avant qu’il revienne en Chine, au cours desquelles il travailla pour la Société Biblique à une version exacte du Nouveau Testament représentant phonétiquement le dialecte de Ningpo.

Un jour, il n’y avait presque plus rien dans la maison. Sept heures et demie furent consacrées à la révision comme d’habitude. Son journal montre combien il a été exercé :

« Chercher à réaliser que c’est dans la faiblesse et le besoin que la force de Jésus est accomplie ».

Tard dans la soirée, un ami qui venait de quitter Hudson Taylor, revint sur ses pas et lui remit sept livres. Le lundi, la Poste lui apporta cinq livres et dans le courant de la semaine, trente cinq livres. Ainsi fut confirmée pour eux la certitude que le droit chemin consistait à donner leur temps et leurs forces à l’œuvre du Seigneur et d’attendre tranquillement de Lui toute l’assistance nécessaire.

Une autre fois, le moment de payer le loyer était venu à échéance et Hudson Taylor s’aperçut qu’il lui manquait une livre. Il y eut, cette nuit-là plus de prières que de sommeil dans la maison et on s’apprêtait à recevoir le créancier, qui était un homme dur à la langue acérée. Le surlendemain matin seulement, le propriétaire se présenta. Il avait été retenu la veille chez lui au moment de partir, ce qui lui arrivait rarement et il ne comprenait pas lui-même son retard.

Moi, je le comprends, interrompit son locataire, c’est seulement ce matin que j’ai reçu la livre qui me manquait pour parfaire le montant de la location.

Hudson Taylor ne pouvait détacher ses pensées de l’intérieur de la Chine et de ces millions d’êtres humains sans Christ. Une grande carte de l‘Empire chinois était suspendue au mur de son cabinet et sa Bible était toujours ouverte sur la table. Le regard de cet homme de Dieu allait de la carte à la Bible et de la Bible à la carte. Oh ! ses multitudes auxquelles personne ne pense !

Un homme lutta avec lui

1865

A cette époque un changement de domicile fut imposé par l’extension du travail. Les réunions hebdomadaires étaient mieux fréquentées et des candidats nouveaux allaient et venaient.

« Nous avons grand besoin de vos prières, écrivait-il à sa mère, car la responsabilité qui pèse sur nous s’est beaucoup accrue. Puisse Celui qui donne « plus de grâce » m’accorder de vivre toujours plus dans Sa lumière ».

Il espérait emmener avec lui six ou sept nouveaux missionnaires. Un beau steamer neuf était sur le point de partir pour la Chine et son propriétaire offrit le passage gratuit pour deux missionnaires. Deux furent prêts à temps et s’embarquèrent à Glasgow. Mais dans la mer d’Irlande, une furieuse tempête bouleversa tellement l’un d’eux qu’il revint à Plymouth, craignant de s’être trompé dans sa vocation. Très noblement un jeune fermier du comté d’Aberdeen, qui était sur le point de se marier, ajourna son projet pour prendre la place du défaillant. Il fut entendu que sa fiancée, qui avait aussi été acceptée comme missionnaire, le suivrait le plus tôt possible. Les fonds ayant été trouvés en réponse aux prières, elle s’embarqua deux semaines plus tard.

Ici le journal d’Hudson Taylor s’arrête et il n’écrivit rien pendant deux mois. Ce silence laissa supposer les luttes de cet homme de Dieu pendant ce temps. « Un homme lutta avec lui jusqu’au lever du jour ».

C’était le dimanche 23 juin, par une belle matinée d’été. Hudson Taylor était en visite chez des amis à Brighton. Autour de lui tout était paix, mais son esprit était dans une vraie agonie. L’heure de la décision était arrivée et il le sentait.

Le sentiment de la présence de Dieu commençait à triompher de l’incrédulité. Une pensée nouvelle le saisit alors et ce fut comme l’aurore dissipant la nuit.

« Oui, si nous obéissons au Seigneur, la responsabilité repose sur Lui et non sur nous !

Cette pensée, fixée et enracinée dans son cœur par le Saint Esprit, le transforma une fois pour toutes.

« Toi, Seigneur, tu auras tout ! A ton ordre, moi, Ton serviteur, j’irai de l’avant en t’abandonnant les résultats ».

Depuis longtemps il avait la conviction qu’il devait demander deux hommes pour chacune des onze provinces inoccupées de la Chine et deux pour la Tartarie chinoise et le Tibet. Il prit un crayon et ouvrit sa Bible, en face de l’océan sans limite et il y inscrivit ces simples et mémorables paroles :

« Prié pour vingt-quatre ouvriers résolus et qualifiés, à Brighton le 25 juin 1865. »

Avec quelle paix je rentrais à la maison ! Le combat était fini. Tout était paix et joie. Ma femme estimait que Brighton m’avait fait un bien merveilleux. Elle ne se trompait pas.

 La mission naissante

1865

 Le jour suivant s’accomplissait l’acte pratique qu’on était en droit d’attendre. Le 27 juin Hudson Taylor ouvrait un compte au nom de la Mission à l’Intérieur de la Chine (China Inland Mission). Versé sur ce compte : dix livres sterling. C’était la première fois qu’apparaissait le nouveau nom et il avait une joie débordante semblable à celle d’une jeune mère auprès du berceau de son premier-né !

Dans une réunion de prières à Bayswater, où habitait sa sœur, Mme Broohmall, Hudson Taylor, bien qu’étranger à l’assemblée, pria avec ferveur pour un malade recommandé à l’attention des fidèles. Lady Radstok (son mari a été l’instrument d’un réveil en Russie à Leningrad) était dans l’auditoire et fut frappée de la simplicité et de l’à-propos des paroles prononcées par Hudson Taylor. Apprenant qu’il était missionnaire en Chine, elle l’invita pour le lendemain et ce fut le commencement d’une amitié durable et utile pour la Chine.

Bien qu’Hudson Taylor n’eût pas parlé d’argent ni de collecte, ses hôtes éprouvèrent le besoin de l’aider financièrement. Le moment approchait de renouveler l’assurance des vastes serres de leur parc. Il se dit que le Seigneur commande aux vents et aux vagues et pensa que Lui-même se chargerait de ses serres. Ils signèrent donc en faveur de la Mission un chèque égal au montant de la prime d’assurance. Le Seigneur s’en souvint. Peu de mois après, une tempête d’une violence exceptionnelle ravagea les campagnes environnantes. Beaucoup de vitres volèrent en éclats, mais les serres de Lord Radstock n’éprouvèrent aucun dommage.

A mesure que les branches de l’arbre grandissaient et se multipliaient, les racines gagnaient aussi en profondeur par la méditation et la prière. C’était en M. Berger qu’Hudson Taylor trouvait l’aide dont il avait besoin. Il était plus expérimenté vu son âge et était pour lui un bon conseiller. Leur maison était ouverte et Mme Taylor trouva en Mme Berger une sympathie quasi-maternelle. M. Berger entreprit de représenter l’œuvre en Europe.

« Nous avons à faire à un Dieu tout puissant, dont le bras n’est pas trop court pour sauver ni l’oreille trop pesante pour entendre…D’un côté, nous avons une solennelle responsabilité et de l’autre, les divines promesses pour nous encourager à demander sans hésiter au Maître de pousser dans Sa moisson vingt-quatre européens et vingt-quatre indigènes pour planter l’étendard de la croix dans les vingt-quatre provinces de la Chine non évangélisées et dans la Tartarie chinoise. Ils n’auront là que Dieu comme appui.

Hudson donnait de nombreux exemples des délivrances merveilleuses dont il fut l’objet et le témoin. Dieu est à la tête de l’œuvre qu’Il a suscitée. Quant aux fonds, la Mission, ne possédant rien, ne pouvait pas promettre un salaire fixe. Étant appelé par Dieu, on ne devait compter que sur Lui pour les forces, la grâce, la protection, les capacités nécessaires, aussi bien que pour le pain quotidien.

« Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus » (Matthieu 6. 33).

Une telle foi, si pratique, et si dépourvue de calcul humain, devait remuer fortement les cœurs.

Lord Radstock lui écrivit à ce moment-là :

« Cher frère, élargissez votre ambition. Demandez cent ouvriers et le Seigneur vous les donnera ».

Et un chèque de cent livres accompagnait cette lettre qui le réjouit grandement en ce temps de petits commencements.

Ce fut à ce moment qu’une sérieuse maladie mit en danger Mme Taylor qui dut subir une grave opération. Mais trois semaines plus tard sa compagne bien-aimée lui fut rendue.

Il pouvait rendre gloire à Dieu pour les progrès réalisés depuis le dimanche mémorable de Brighton. Outre les huit collaborateurs déjà au travail en Chine, vingt ou trente autres étaient désireux de se joindre à la Mission.

Au cercle grandissant des amis qui priaient, Hudson Taylor écrivait :

« Oh ! Combien nous avons besoin d’être guidés par le Seigneur ! Nous avons entrepris cette œuvre en regardant à Lui pour toutes choses. Il nous faut pour cela Sa force. Pour bien Le servir, nous devons vivre tout près de Lui ».

Le 31 décembre fut mis à part pour le jeûne et la prière dans la maison et cette journée termina dignement l’année qui avait vu naître une Mission si complètement dépendante de Dieu.

Par Sa vertu souveraine

 1866

 Il faut dire qu’Hudson Taylor, avec beaucoup d’autres, recueillait les fruits du grand réveil en 1859, qui avait ravivé le zèle des chrétiens et en particulier des laïques. Les jeunes convertis brûlaient de la flamme du premier amour. Des jeunes gens dans leur bureau ou leur atelier entendirent la voix du Seigneur et dans cette Mission il y avait de la place pour la foi et l’amour, même si on manquait d’une grande culture.

Le jeune Rudland dans la forge de son village reçut le compte rendu du discours d’Hudson Taylor à Perth comme un appel de Dieu. Une dame au retour de son voyage à Londres lui remit une invitation pour la convention de Midmay, mais son patron désirait y assister et ils ne pouvaient pas s’absenter les deux ensemble. Le jeune Rudland sacrifia l’espoir qu’il caressait et remit la carte à son maître. Celui-ci essaya de décourager son bon ouvrier.

– Voyez, lui dit-il un jour, en lui montrant un livre chinois, la langue qu’ils parlent là-bas. Pensez-vous pourvoir l’apprendre ?

– Quelqu’un l’a-t-il apprise ? répondit tranquillement Rudland.

– Quelques-uns seulement.

-Alors, pourquoi pas moi ?

Et les pages jaunies du livre couvertes d’étranges hiéroglyphes, le poussèrent d’autant plus à prier le Seigneur de lui ouvrir le chemin de la Chine. Peu de temps après on l’invita à assister à la réunion de prières à la rue Coborn. Son maître lui donna congé, mais il lui dit : « Aussi sûr que vous passez le seuil de cette porte, vous êtes en route pour la Chine ! » Tout ce que Rudland vit et entendit dans ce cercle de piété intense, fut décisif pour lui et il procura à la Mission, ce jour-là, un de ses meilleurs ouvriers. Il fonda quatre grandes stations en Chine et traduisit dans le dialecte local tout le Nouveau Testament et une partie de l’Ancien.

« Un arbre, disait M. Berger, illustrant la situation par une heureuse image, a besoin de temps pour croître. D’abord une mince tige, quelques feuilles et quelques boutons, puis des branches de plus en plus vigoureuses. S’il y a vie, cette vie se développera selon ses lois ».

Le moment du départ d’Hudson Taylor et de ses compagnons pour la Chine approchait. Une réunion de prière eût lieu rue Coborn pour obtenir les fonds nécessaires. Dans une soirée familiale, il fut appelé à parler à des étudiants qui ne se doutaient guère que certains allaient être appelés par le Seigneur pour aller en Chine : John McCarthy, Charles Fishe et son frère. Tom Bernardo, à l’âge de 25 ans, plein d’entrain, se dirigea vers l’œuvre que le Seigneur lui réservait parmi les enfants miséreux et les vagabonds de l’Est de Londres.

Il rencontra à Bristol Georges Muller qui depuis longtemps pratiquait le même principe de foi que lui dans ses orphelinats et était appuyé sur Dieu seul. Georges Muller lui parla de la communion avec Dieu qui passe avant le travail et il promit de prier pour le groupe qui partait. Mais le vaisseau qui devait les emporter n’était pas encore trouvé !

Un homme, après une réunion, n’avait pas pu dormir et vint lui ramener un chèque de cinq cents livres. « Si hier soir, vous aviez fait une collecte, dit-il, je vous aurais peut-être donné cinq livres ! Dans une lettre, le 3 mai, on vint lui offrir la disposition du Lammermuir, appareillant pour la Chine et Hudson put remettre le chèque de cinq cents livres comme acompte. Voir Dieu à l’œuvre et Son bras se déployer était un si merveilleux réconfort !

 En avant dans les grandes eaux.

 1866-1868

 Ma face ira devant toi.

 L’homme s’effaçait entièrement devant Dieu, et Dieu était pleinement suffisant pour toutes choses, voilà ce que les visiteurs de la rue de Colborn ne pouvaient s’empêcher de constater dans les dernières journées de préparatifs. Au milieu des caisses, la réunion de prières du samedi se tenait comme à l’ordinaire. La grande carte de Chine était suspendue au mur et la Bible ouverte sur la table.

Il n’est pas étonnant qu’une foi si calme et si simple attirât la sympathie d’un grand nombre de cœurs. Jamais voyageurs ne furent entourés de plus de prières. Partis de Londres le 26 mai, ils n’arrivèrent à Shanghaï qu’à la fin de septembre.

« Je voudrais que vous puissiez nous apercevoir quand nous sommes tous réunis, écrivit Hudson Taylor, vous verriez combien nous sommes tous heureux ».

La présence de tant de missionnaires avait d’abord rendu mécontent les matelots pour la plupart impies, bien que le capitaine soit chrétien. Les réunions d’Hudson Taylor ne les attiraient pas. Mais quand l’équipage eût besoin d’un coup de main, ceux qui étaient parmi les missionnaires, menuisiers ou forgerons, leur rendirent plus d’un service. En un mot, les hommes de Dieu se montrèrent si serviables, si cordiaux, si joyeux, car ils chantaient toute la journée, qu’ils se dirent : après tout, ces missionnaires sont d’aimables compagnons.

Longtemps avant de savoir quel vaisseau les porterait en Chine, les missionnaires avaient demandé au Seigneur de leur donner un équipage auquel ils puissent être en bénédiction. La conversion de l’officier en second, survenue vingt-cinq jours après le départ de Plymouth, fut une réponse encourageante suivie de deux autres personnes. Ce fut le commencement d’un réveil. L’intérêt pour les choses de Dieu semblait contagieux et l’un après l’autre ces hommes vinrent à la lumière. La conversion du pilote, M. Brunton, qui avait été jusqu’alors une brute inabordable, fut particulièrement remarquable. Il fut plongé dans un tel désespoir qu’une réunion spéciale eut lieu pour demander à Dieu sa délivrance. Il lut une explication de C.H.M. sur le chapitre 12 de l’Exode (la Pâque) et la lumière jaillit enfin dans cette âme dans les ténèbres. A deux heures et demi du matin, Hudson Taylor réveilla sa femme et plusieurs de ses compagnons pour qu’ils rendent grâces à Dieu !

La cabine du maître d’hôtel, où avaient lieu les réunions, devint trop petite et on se transporta sur le gaillard avant. Les missionnaires se réunissaient aussi entre eux pour s’entretenir de leur carrière future et pour exposer ce sujet si vaste à leur Dieu.

Il y eut aussi une discorde qui s’établit entre eux avec de petites critiques et une légère froideur, qui paralysèrent la vie de prières. Mais ils apportèrent tout cela au Seigneur et eurent la victoire sur l’Ennemi qui momentanément voulait les séparer. Mais le chef de l’autorité de l’air changea de tactique et décida de détruire d’une façon ou d’une autre la mission nouvelle. Pendant quinze jours et quinze nuits consécutifs, la tempête fit rage. Un typhon en appela un autre sur la Mer de Chine, mais ils savaient que le bras de l’Eternel les entourait et que tous les éléments lui étaient soumis. On devine plus qu’on ne peut le décrire la tendre sollicitude de Mme Taylor pour ses petits enfants. Le cantique d’Habakuk devenait pour elle une réalité : « Mais moi, je me réjouirai en l’Eternel, je m’égayerai dans le Dieu de mon salut. » (Habakuk 3. 18)

 A la recherche d’un lieu de repos.

1866

Cinq jours après la fin de la tempête, par un beau dimanche de septembre, le Lammermuir entrait dans le port de Shanghaï. Ils passèrent le dimanche dans le bateau et échappèrent ainsi à beaucoup de visites curieuses. Tous les passagers étaient sains et saufs et à peine arrivés, de nouvelles et terrifiantes tempêtes éclatèrent. Le pauvre navire, tout démantelé, ne l’eût certainement pas supporté.

Mais où loger tant de monde ? Où faire sécher les presses à imprimer et à lithographier, ainsi que les provisions et les médicaments ? Un ami de Ningpo, M. William Gamble était venu s’installer à Shanghaï et avait acheté à côté de sa maison un bâtiment abandonné qu’il pouvait leur mettre à disposition.

Puis Hudson Taylor fut l’objet de sarcasmes et de critiques de la colonie étrangère, mais comme il avait la certitude que Dieu était avec eux, il acceptait cette épreuve.

L’étape suivante fut de parvenir à Hanghow par le Grand Canal à cent soixante kilomètres à l’intérieur. Mais quand vint le moment de se séparer, et que les jonques étaient prêtes pour remonter la rivière, M. Gamble avait de la peine à se résoudre de quitter ses amis. Sur la jetée, il était seul avec Hudson Taylor et Rudland. Il déposa dans une des jonques un rouleau contenant les dollars qu’il avait reçus à contre-cœur pour la location de sa bâtisse et disparut dans la nuit.

Avant de s’éloigner les missionnaires firent une dernière visite au Lammermuir et eurent avec leurs amis une réunion d’intercession et d’actions de grâces sur le gaillard avant. M. Brunton voulut les accompagner et à quelque distance de là, le dimanche soir, il fut baptisé dans la rivière par Hudson Taylor. Quatre semaines plus tard, la petite troupe arrivait aux portes de Hanghow. Mais les nuits d’automne étaient devenues très froides. Hudson Taylor avec un évangéliste étaient partis en ville chercher un pied-à terre et pendant ce temps Mme Taylor, touchée d’une manière très spéciale à la veille de la naissance de leur deuxième enfant, se réconfortait avec la parole du psalmiste :

« Qui me conduira dans la ville forte ? Qui me mènera jusqu’en Edom ? Ne sera- ce pas toi, ô Dieu ? » (Psaume 60. 9-10).

Mais le visage radieux d’Hudson Taylor à son retour, montra, avant même qu’il pût parler, qu’il était porteur d’une bonne nouvelle. Un jeune missionnaire américain venait de quitter Hangchow pour Ningpo pour chercher sa femme et ses enfants, et il serait absent une semaine au moins. Il avait recommandé qu’on mette son logement à la disposition d’Hudson Taylor.

 Oh ! si Tu voulais me bénir !

 A la faveur de la nuit toute la compagnie fit son entrée à Hangchow. Tout ne fut pas facile et nous résumons les évènements comme suit :

Hudson Taylor avait trouvé un vaste bâtiment bien situé, mais les négociations furent très longues ; elles aboutirent enfin. Il fallut faire un grand nettoyage et la maison prit une allure chinoise. Ils avaient laissé à Shanghaï les couteaux et les fourchettes, et les bols et les bâtonnets étaient les mêmes que ceux des indigènes. Peu à peu les voisins furent attirés et assistaient aux prières faites en chinois. Ils posaient des questions : « Où faut-il aller pour adorer Dieu ? » L’un fit la remarque suivante : « Quelle différence entre Judas et Paul ! Le premier, un disciple qui trahit son Maître ; le second, un persécuteur qui devint le plus zélé de ses serviteurs ! ».

Un prêtre bouddhiste venait chaque jour poser des questions à l’évangéliste Tsiu pleines de bon sens. Un dispensaire fut ouvert, ce qui ouvrit une grande porte à l’évangile. Mais voilà que quelques-uns des compagnons d’Hudson Taylor furent pour lui une source d’ennuis jusqu’en Angleterre où il fut calomnié. Il ne se défendit pas, tout en se sentant criblé comme on crible de blé. Et il voyait dans les causes de ces tristesses une raison permise de Dieu pour qu’il ne se glorifie pas de l’œuvre. Eben-Ezer, Dieu les avait secourus jusqu’ici.

 Si tu étendais mes limites.

 Nous n’avons pas beaucoup parlé jusqu’ici de la vie de famille d’Hudson Taylor. C’était le plus tendre des pères. Ses enfants tenaient dans sa vie beaucoup plus de place que ce n’est en général le cas chez les hommes très occupés. Dans ces voyages il emportait une feuille de papier rose dont un des angles était orné d’une fleur, c’était son aînée Grâce qui lui écrivait :

« Cher papa, j’espère que Dieu t’a aidé à faire ce que tu désirais et que tu reviendras bientôt.. J’ai pour toi quand tu reviendras une petite natte garnie de perles … cher, cher papa ».

Grâce, âgée de 8 ans, avait pour les parents un charme tout particulier. Sur le Lammermuir, elle avait été si impressionnée par le merveilleux changement survenu chez les matelots qu’elle donna elle-même son cœur à Jésus et sa nature spirituelle s’est développée comme une fleur au soleil.

En escaladant un jour un étroit sentier de pierres, Grâce vit un homme en train de fabriquer une idole :

« Oh ! Papa, dit-elle avec tristesse, cet homme ne connaît pas Jésus ; ne veux-tu pas lui parler ? ». L’enfant suivit avec ardeur la conversation qui suivit. Un peu plus tard, au pied d’un arbre, elle fut soulagée quand son père lui proposa d’intercéder pour cet homme et elle lui demanda de prier la première.

Mais huit jours après, le pauvre père écrivait à M. Berger :

« Notre chair et notre cœur défaillent, mais « Dieu est le rocher de notre cœur et notre partage pour toujours. Notre chère petite Grâce, comme sa douce voix nous manque. Se peut-il que je n’entende plus son doux babil et que je ne voie plus l’éclat de son regard brillant ? Mais elle n’est pas perdue. Je ne voudrais pas la rappeler, bien qu’elle fût notre rayon de soleil.

« Qui a arraché cette fleur ? » demanda le jardinier.

« Le Maître », lui répondit son camarade de travail.

Et le jardinier se tut.

« Dieu ne se trompe pas », aimaient-ils se répéter et c’est avec reconnaissance qu’ils virent les effets salutaires de cette épreuve sur les personnes de leur entourage. Après avoir rendu à Dieu le trésor qu’Il leur avait prêté et qu’ils avaient si tendrement aimé, ils s’appliquèrent avec une ardeur nouvelle à la grande tâche de l’évangélisation de la Chine.

Duncan, le forgeron, n’était ni spécialement doué, ni cultivé, mais entreprenant et persévérant. Il avait un grand amour pour les âmes. Pour apprendre la langue, il s’était lié à un domestique chinois avec lequel il passait des heures, apprenant des mots, répétant des versets de l’évangile et par son zèle à faire connaître Jésus, il l’amena enfin au Sauveur.

Hudson Taylor disait : « Aujourd’hui nous avons dans un certain sens de meilleurs ouvriers, mieux éduqués, mais ce n’est pas souvent qu’on trouve cet amour ardent pour les âmes ». Duncan se lança dans une entreprise difficile. Dès le commencement de l’automne, le pionnier solitaire se dirigea vers le Nord et il écrivit :

« Dimanche il a beaucoup plu et je n’ai pu entrer dans la ville de Nanking, mais j’ai eu une bonne journée de lecture et de méditation. Oh ! Que Dieu me donne toujours un esprit d’humilité, de consécration, qu’il me donne de puiser à la source inépuisable de la grâce et d’être rempli de la plénitude de Christ qui accomplit tout en tous. Rien ne peut remplacer la présence de Christ. Quoi que ce soit que tu nous refuses, Seigneur accorde-nous ta présence ».

Inutile de dire que personne ne souhaitait l’arrivée de cet étranger, mais le prêtre chargé de la garde de la Tour du Tambour leur offrit l’hospitalité quand les voyageurs (Dunkan et son compagnon chinois) accablés de fatigue, vinrent solliciter son aide. Bientôt un charpentier eût le courage de lui offrir un abri un peu plus confortable. Ils partageaient la maison avec sa famille et sur le bas-côté ils installèrent une chapelle. Ce fut le premier culte à Nanking. Comme Judson, Duncan s’installait dans son Zayat et recevait tous ceux qui voulaient bien s’arrêter, le serviteur chinois lui servant d’interprète. Une âme fut convertie et baptisée juste avant sa mort.

Un jour, la dernière pièce d’argent avait été changée et la monnaie disparaissait peu à peu.

«  Que ferons-nous, quand nous n’aurons plus d’argent ? »

« Que ferons-nous ? » répondit Duncan avec calme : « Confie-toi en l’Eternel et pratique le bien ; habite le pays, et repais-toi de fidélité, et fais tes délices de l’Eternel : et il te donnera les demandes de ton cœur. » (Psaume 37. 3-4). Or Rudland, qui s’était offert pour faire le voyage, arriva à l’improviste et leur porta des secours. Le cuisinier entre-temps avait donné une partie de ses gages. Duncan lui dit :

« Vous savez bien que je n’emprunte pas »

« Oui, je sais », insista l’homme, « mais ceci est un don pour le Seigneur ».

Le petit rassemblement composé de 19 membres s’accroissait rapidement. Mlle Faulding, dont le nom signifie « Mlle Bonheur » y contribuait par ses visites aux femmes chinoises. Elle leur disait que le riz était un don du ciel et leur vie aussi, et elle leur parlait du vrai bonheur que le Seigneur du ciel voulait leur donner. Elle disait aussi qu’elle était venue pour être une femme d’Hangchow, mangeant leur riz, portant leur vêtement et parlant leur langue. Alors une femme lui dit :

« Je puis vous appeler ma grande sœur ? »

«  Mais vous êtes plus âgée que moi ? »

« Oui, mais vous êtes venue nous enseigner, alors vous êtes ma grande sœur. »

Notre premier but, disait Hudson Taylor, est de gagner la confiance et l’affection. Le dernier jour de l’année fut consacré tout entier à la prière et au jeûne. A minuit, ils avaient recherché leur force auprès de Dieu et ils n’avaient jamais vécu une heure plus sainte et plus solennelle. C’est alors que M. Berger conseilla à Hudson Taylor de voir s’il n’y avait pas d’endroits propices près du fleuve Yangtze pour s’établir et atteindre de nouvelles provinces. Il n’était pas facile pour eux de quitter Hangchow, mais ils étaient prêts à aller ici ou là, selon l’ordre de Dieu.

Hudson Taylor était conscient de sa faiblesse, mais c’était à UN AUTRE qu’il regardait et il écrivait à sa mère :

« Demande pour moi plus de foi, plus d’amour, plus de sagesse. Que ferais-je si je n’avais pas la promesse : « Je suis avec vous tous les jours. »

 Trésors de ténèbres

 1868-1871

 Une porte ouverte… un peu de force

 

C’est le 10 avril que la famille Taylor quitta Hangchow. Le voyage leur apporta la fraîcheur du printemps et le dimanche le bateau ayant été ancré près du rivage, le service divin fut célébré et entre autres la femme d’un mandarin y assista semblant boire toutes les paroles.

Pour eux, la porte s’ouvrit à Chinkiang, centre populaire et commercial. Aussi Hudson Taylor entra de suite en pourparlers pour louer une maison, mais il y eût beaucoup d’adversaires, car les choses tournèrent plus sérieusement qu’ils ne l’avaient espéré. Le mandarin ne s’opposait pas à leur installation, mais il y eut un manque de droiture. De plus, tous les enfants eurent la rougeole, ce qui les fatigua beaucoup. Enfin la proclamation favorable du mandarin, toujours différée, fut publiée vers le milieu du mois de juillet. La maison souhaitée fut mise à leur disposition et la petite troupe eut enfin un foyer.

Une assemblée d’intellectuels décida d’organiser une émeute contre « ces étrangers ». La foule s’assembla devant leur maison et frappait violemment à la porte. Le nom de Jésus était odieusement outragé, mais subitement un orage éclata, et dispersa les assiégeants. Par la suite l’opposition grandit et ils durent fuir la ville en voyant que beaucoup de choses avaient été saccagées, excepté dans une chambre où se trouvaient les papiers importants et une somme de trois cents dollars qu’ils venaient de recevoir.

 L’heure la plus sombre

 Loin de se plaindre d’avoir été estimés dignes de souffrir pour le nom de Christ, les missionnaires étaient pleins de reconnaissance de ce que Dieu les avait fait tous échapper à la tourmente. Mais une heure bien sombre se préparait en effet pour le chef de la mission. Les journaux de Shanghaï firent état de l’émeute de Hangchow et cela leur procura beaucoup d’ennuis. Les mandarins devinrent hautains et réfractaires et le consul s’en mêla. Pourtant le désir des missionnaires était de retourner dans cette ville. Il y eût même une répercussion en Angleterre et une diminution sensible des dons. Mais Dieu envoya des secours supplémentaires par le moyen de Georges Muller, qui demanda à M. Berger les noms d’agents bénis dans leur ministère et leur envoya des chèques.

Hudson Taylor sentait le besoin d’une communion comme celle de Georges Muller, car ce n’était ni la baisse des fonds, ni l’anxiété pour les siens, mais les perpétuelles luttes intérieures pour se maintenir en Christ, qui lui coûtaient le plus. Il écrivait :

« Mais comme je suis loin du but. Dieu veuille m’aider à L’aimer davantage et à Le servir mieux ! Oh ! Priez pour moi et demandez à Dieu qu’Il me garde du péché, qu’Il me sanctifie entièrement et m’emploie davantage à Son service ».

 Une vie transformée

 Dans la vieille demeure de Hangchow, M. Mc Carthy était en train d’écrire. Un soleil radieux s’était levé pour lui, dont l’éclat fait toutes choses nouvelles. Il connaissait par expérience les luttes intérieures d’Hudson Taylor et il lui écrivit :

« J’ai eu à déplorer bien des tentatives infructueuses pour obtenir une communion permanente avec Dieu, cette communion parfois si réelle et plus souvent si vague et si lointaine. Eh bien ! Cher frère, je crois maintenant que ces luttes, ces efforts, ces aspirations, cette attente de jours meilleurs, ne sont pas le vrai moyen pour parvenir au bonheur, à la sainteté, à une vie utile. J’étais frappé d’un passage du livre : « Christ est tout » que je vous résume ici :

« Recevoir le Seigneur Jésus, c’est la sainteté commencée. Chérir le Seigneur Jésus, c’est le progrès dans la sainteté. Comptez sur le Seigneur Jésus toujours présent, ce serait la sainteté complète. Cette grâce de la foi est la chaîne qui lie l’âme à Christ. Un canal est ouvert par lequel la plénitude de Christ est répandue abondamment en nous. Le sarment stérile devient une portion du cep fécond. Une seule et même vie circule dans la plante entière.

Vous vous lamentez sur vos chutes, mais il y a pour vous en Christ une source efficace. Ceux qui sentent le plus profondément qu’ils sont morts avec Christ atteignent les plus hauts sommets de la vie divine. Celui-là est le plus saint qui possède le mieux Christ au-dedans de lui et qui se réjouit le plus complètement en Son œuvre accomplie.

Voilà ma conviction profonde aujourd’hui. Il faut, non pas faire de grands efforts et soutenir de grandes luttes nous-mêmes, mais demeurer en Christ, regarder à Lui, se confier en Lui et se reposer dans l’amour d’un Sauveur tout puissant, dans la joie consciente d’un salut complet. Ce n’est pas nouveau, mais c’est nouveau pour moi. Je salue avec tremblement cette première lueur du jour, et je n’ai vu que les bords de cet océan sans limites. Que Christ soit notre tout, voilà le seul secret de la puissance, le seul fondement d’une joie immuable.

Comment notre foi peut-elle être augmentée ? Simplement en réfléchissant à tout ce que Jésus est et en faisant de Sa vie, de Sa mort, de Son œuvre, de Lui-même le sujet constant de nos pensées. C’est regarder à Celui qui est fidèle, de nous reposer entièrement dans le Bien-aimé pour le temps et l’éternité ».

 La vie d’Hudson Taylor était à cette époque singulièrement remplie. Le moment ne semblait pas favorable pour une crise spirituelle profonde et pourtant elle eût lieu ! Revenant de voyage, en ouvrant son courrier, il trouva la lettre de M. M Carthy. « En le lisant, dit-il, la lumière se fit dans mon cœur. Je regardais à Jésus et quand je Le vis, oh quelle joie m’inonda ».

C’était le samedi 4 septembre. La maison était pleine et de nouveaux hôtes étaient attendus. Mais qu’importe ! Il fallait tous les retenir pour le dimanche. Hudson Taylor brûlait du désir de dire ce que le Seigneur avait fait pour lui. Il réunit sa maison et fit un récit que sa vie entière allait confirmer jusqu’à son glorieux terme. Il écrivit à sa sœur le 6 septembre :

« Nous avons passé hier une très belle journée. La lecture de la lettre de M. Mc Carthy a été bénie pour plusieurs d’entre nous. Là est le secret : non pas se demander comment tirer du cep la sève pour la faire circuler en moi, mais se souvenir que Jésus est le cep, la racine, le tronc, les branches, les feuilles, les fleurs, le fruit, tout en vérité, oui, plus encore. Il est le sol, le rayon de soleil, l’air et la pluie. Ne cherchons rien en dehors de Lui. Mais nous sommes nous-mêmes en Lui. Sa sainteté est la nôtre. Nous constatons la réalité de ce fait ».

Hudson Taylor écrivit à sa sœur Amélie les lignes suivantes :

« Pour ce qui est du travail, le mien n’a jamais été si abondant, si plein de responsabilités, de difficultés. Mais le fardeau et la tension ont complètement disparu. Le dernier mois a été le plus heureux de ma vie. Tout est nouveau et en quelque sorte, tandis qu’autrefois j’étais aveugle, maintenant je vois.

Pendant six à huit mois, je priais, je luttais, je gémissais, je prenais des résolutions, je lisais la Parole plus diligemment… Mais tout cela sans résultat et je me demandais :

« N’y a-t-il pas de remède ? » J’étais entièrement impuissant pour m’élever à la hauteur de mes privilèges. Je savais bien qu’en Christ se trouvait tout ce dont j’avais besoin, mais comment me l’approprier ? Il était riche et moi pauvre ; Lui fort et moi faible. Dans le cep se trouvait une sève riche et féconde, mais comment la faire passer dans le sarment maigre et chétif ? Je voyais bien que c’était par la foi que je pouvais participer à la plénitude de Christ, mais je n’avais pas cette foi.

Le Seigneur se servit d’une lettre de McCarthy pour faire tomber les écailles de mes yeux. Le Saint Esprit me révéla que nous ne sommes qu’un avec Jésus et il suffit de se reposer sur Celui qui est fidèle. N’a-t-il pas promis de demeurer avec moi et ne jamais m’abandonner ?

Mais ce n’est que la moitié de ce que Christ me montra. En méditant la parabole du cep et des sarments, je vis que j’étais un membre de Son corps. Peut-Il être riche et moi pauvre ? Ta main droite peut-elle être riche et ta gauche pauvre ? Un employé de banque peut-il dire à son client : « C’est seulement votre main qui a écrit ce chèque, ce n’est pas vous » ou bien « Je ne peux pas payer cette somme à votre main, mais seulement à vous-mêmes ? » Donc une prière présentée au nom de Jésus ne saurait être repoussée aussi longtemps que nous nous tenons dans les limites du crédit que Jésus nous a ouvert dans sa Parole. Le crédit est assez étendu, n’est-il pas vrai ?

Ce qui est précieux dans cette vérité, c’est le repos que procure notre complète identification avec Christ. Je n’ai plus d’anxiété, car Il a, Lui la puissance d’accomplir Sa volonté et Sa volonté, c’est la mienne. Qu’importe à mon serviteur de faire des achats pour quelques sous ou pour une forte somme ? Il compte sur moi pour payer. Les ressources de Dieu sont égales aux besoins et elles sont toutes à moi, parce qu’Il est à moi, avec moi et en moi. Tout cela résulte de l’union du croyant avec Christ.

Je ne suis pas meilleur qu’auparavant, (en un sens je ne veux pas m’efforcer de l’être), mais je suis mort et enseveli avec Christ, oui, et aussi ressuscité et assis dans les lieux célestes. « Je suis crucifié avec Christ ; et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi ; et ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi » (Galates 2. 20).

La foi n’est pas moins que la vue, mais plus. La vue s’arrête à la forme extérieure des choses, mais la foi me donne la substance. Ne continuons pas à dire : Qui montera au ciel, c’est-à-dire pour en faire descendre Christ ? Ne Le considérons pas comme Quelqu’un de distant. Nous sommes une même plante avec Lui, membres de Son propre corps. Ne croyons pas que ces expériences sont réservées à une minorité. Elles sont pour chaque enfant de Dieu et personne ne peut s’en priver sans déshonorer le Seigneur. La seule puissance pour la délivrance du péché ou pour le vrai service, c’est CHRIST ».

Par la suite, il y eut une émeute à Anking, mais les missionnaires là et leurs enfants ne subirent aucun dommage et cette ville devint, comme à Hangchow, le point de départ d’une nouvelle avancée vers l’intérieur. Noël approchait et ce fut une grande joie. Le repas ne se déroula pas autour d’un roast-beef et d’un succulent plum-pudding, mais la simple cuisine chinoise. Georges Muller leur écrivit : « Comptez sur Lui, regardez à Lui, appuyez-vous sur Lui. Il ne vous fera jamais défaut ».

Jésus, pleinement, suffit.

 1869-1870

 Pour Mme Taylor, la vie nouvelle dans laquelle était entré son mari avec plusieurs de ses compagnons était un sujet de joie, mais aussi d’étonnement. Leurs récentes expériences étaient le secret de ses victoires à elle et de sa paix.

« Se reposer en Jésus et Le laisser agir », phrase bien courte, mais dont elle connaissait la réalité  et qui faisait la force de la mission. Ils étaient un et la foi de l’un fortifiait la foi de l’autre. La beauté de leur vie commune se voyait surtout à Yangchow, leur résidence la plus fréquente avec leurs enfants, laissés en leur absence aux soins de Mlle Blatchley.

Hudson Taylor se pressait de visiter les malades et rendait service à quiconque de manière qu’on ne se sente jamais obligé. Mme Taylor agissait de même : « Toujours préoccupée des autres, elle s’oubliait elle-même ». Jamais on ne la voyait agitée ou tourmentée par les mille tracas de la vie. Son visage était toujours rayonnant de cette sérénité que procure l’onction du Saint Esprit.

« Comment un chrétien portera-t-il du fruit ? Par des efforts pour obtenir ce qui est librement donné ? Non ! il doit y avoir une concentration totale des pensées et des affections sur Christ, un abandon complet de tout son être entre Ses mains ; un regard constant sur Lui pour avoir sa grâce. Confiance et espérance reposent entièrement sur ce qu’Il peut et veut faire pour eux ».

La question se posa du départ de Mme Taylor avec les enfants, quand Mlle Blatchley s’offrit à les accompagner en raison de leur santé et du climat surchauffé du prochain été.

Puis, arriva le temps sombre du départ de Mme Taylor qui fut atteinte, quelques temps après, d’un état de grande faiblesse, sans qu’elle puisse réaliser que c’était le moment de la séparation. Elle avait beaucoup joui quelques temps auparavant d’une lettre de Mme Berger qui se terminait par cette phrase :

« Et maintenant, adieu, précieuse amie. Que le Seigneur vous entoure de Ses bras éternels ! »

Je n’ai jamais vue une scène semblable, écrivait Mme Duncan. Mr Taylor s’agenouilla, le cœur bien gros et la remit au Seigneur au moment où elle s’en allait vers Jésus. Il Le remercia de la lui avoir donnée pendant douze années de bonheur.

« N’aura jamais soif »

1870-1871    

Mais est-ce vrai maintenant que celle qui faisait la joie de sa vie, du point de vue terrestre, lui fut enlevée ? A la réception de la nouvelle, Mr et Mme Judd accoururent auprès de lui et il leur dit :

« Dieu a trouvé bon de la reprendre ; bon pour elle assurément et Il l’a fait tout doucement, sans souffrance. Quant à moi, je suis appelé à travailler et à combattre seul, non pas seul toutefois, car Dieu est près de moi plus que jamais. Comme elle ne peut plus se joindre à moi pour l’intercession, j’ai à me reposer dans la certitude de l’intercession de Jésus. Il me faut marcher un peu moins par les sentiments, un peu moins par la vue, un peu plus par la foi ».

Il écrivait à M. Berger :

« Que dirai-je des voies de Dieu à mon égard ? Mon cœur déborde de gratitude et de louanges. Les larmes de la tristesse se mêlent aux larmes de la reconnaissance. Quand je pense à la perte que j’ai faite, mon cœur est sur le point de se rompre, mais je rends grâce à Dieu qui a épargné ma chère femme de beaucoup de tristesses. Je me réjouis en Dieu et en Son œuvre. La volonté de Dieu est bonne et agréable et parfaite et bientôt en vertu de cette volonté, nous serons réunis pour ne plus nous séparer ».

Et il ajoutait :

« Savoir que : n’aura signifie : n’aura, et que : jamais signifie : jamais, et que : soif signifie : un besoin non satisfait, est une des plus belles révélations que Dieu peut faire à une âme. Le désert pour un temps est plus aride, mais le ciel plus familier. Seul un homme altéré connaît la valeur de l’eau et seule une âme altérée connaît la valeur de l’eau vive. Si le vide était moins grand, je connaîtrais moins Sa puissance et le réconfort de Son amour. Nous ne sommes pas venus en Chine parce que la vie missionnaire était sans danger ou facile, mais parce qu’Il nous y a appelés. Nous n’avons qu’à vivre un jour à la fois, nous portons le fardeau d’aujourd’hui, demain nous serons peut-être avec Lui, là où il n’y a plus de fardeaux à porter ».

 Le Dieu de l’impossible.

 1872-1877.

 Tu restes.

 Hudson Taylor est retourné en Angleterre et a été accueilli par la chaude affection de M. et Mme Berger. Il put s’entretenir de l’œuvre qui lui tenait tant à cœur. Il y avait maintenant 30 missionnaires européens et plus de 50 ouvriers indigènes, disséminés dans 13 stations éloignées les unes des autres d’environ 160 kilomètres.

M. et Mme Berger virent le moment de remettre la charge à d’autres, mais qui pourrait prendre la suite ? Ce fut pour Hudson Taylor une vive douleur de ne plus pouvoir collaborer avec des amis si chers. Le contraste était grand entre leur luxueuse demeure de Saint Hill et la modeste installation de la mission, 6 rue Pyrland.

Laissons un témoin enthousiaste nous en parler. C’était un jeune homme de vingt ans à peine, F.W. Baller, plein de vie et d’entrain, qui avait donné à Dieu sans réserve sa vie et son cœur.

« Après beaucoup de réflexion et de prières, je me décidai à demander un entretien à M. Taylor ; je pénétrai dans ces deux chambres séparées par une paroi mobile. Un grand harmonium et divers articles chinois disposés dans la pièce en constituaient à peu près toute la décoration. Un grand texte fixé au mur me fit une grande impression : « Mon Dieu pourvoira à tous vos besoins ».

M. Taylor se mit à l’harmonium et indiqua un cantique. Je m’attendais à trouver un homme fort à la voix puissante. Il était de nature très délicate et avait la voix douce. Mais quand je l’ai entendu prier, avec cette simplicité, cette tendresse et cette hardiesse, j’en fus subjugué. Il parlait avec Dieu face à face comme un ami parle à son ami. Deux hommes dans ce domaine priaient ainsi : M. Taylor et M. Spurgeon. Ce dernier prenait par la main, pour ainsi dire, sa congrégation de six mille personnes et les conduisait jusque dans le Lieu Saint.

La réunion de prières dura deux heures, puis M. Taylor m’introduisit dans son cabinet. Il m’encouragea et me fit espérer qu’un jour Dieu m’ouvrirait le chemin pour aller en Chine. La bonté qu’il m’avait témoignée fortifia ma foi et mon espérance en Lui ».

 Hudson Taylor, suivant le désir de sa femme mourante, s’était décidé à contracter un second mariage en la personne de Mlle Faukling, qui s’occupait à l’œuvre parmi les femmes à Hangchow. Le temps de son congé arrivait pour elle et elle était rentrée en Angleterre.

Elle apprit à son contact bien des leçons salutaires comme elle l’écrivit plus tard.

« Je me souviens de l’exhortation de ce cher M. Taylor de ne pas parler à ceux qui nous entourent de nos besoins, mais de les faire connaître au Seigneur. Un jour, nous avions un déjeuner fort léger et il n’y avait presque plus rien pour le dîner. Je fus émue de l’entendre entonner un cantique exaltant l’amour de Jésus envers nous et il nous invita tous à Le louer pour Son immuable fidélité en Ses promesses. A la fin de la journée, nous avions sujet de nous réjouir pour Sa grande réponse ».

Loin d’être abattu par la baisse des fonds liée à la retraite de M. Berger, Hudson Taylor se mit à prier davantage pour l’extension de l’œuvre. Quelques amis regardaient la carte de Chine suspendue au mur et cette pensée les fit tressaillir : « Comment atteindre ces millions de Chinois qui vivent sans Dieu ? » Hudson Taylor leur demanda: « Avez-vous la foi pour vous joindre à moi et demander à Dieu 18 personnes qui iraient deux à deux dans les provinces inoccupées ? » Chacun comprit ce que cela voulait dire et ils s’engagèrent à prier chaque jour et avec foi jusqu’à ce que Dieu répondit. Alors Hudson Taylor prononça une inoubliable prière.

Par la suite, Richard Hill se proposa comme remplaçant de M. Berger et deux mois plus tard, Hudson Taylor s’embarquait à nouveau pour la Chine.

La lumière après les ténèbres.

 1872-1873

 La présence du directeur de la Mission était plus nécessaire qu’Hudson Taylor ne l’avait supposée. Dès leur arrivée, M. et Mme Taylor s’embarquèrent avec leurs bagages dans une jonque indigène pour Hangchow. Un chaud accueil les attendait chez les M. Mc Carthy. Ce dernier était voué à une mission plus importante et ce fut avec joie qu’il accompagna M. et Mme Taylor pour un travail difficile sur le Yangtze dans la province de l’Anhwei. Certaines provinces avaient souffert de l’insuffisance ou de la maladie de leurs conducteurs. Des ouvriers indigènes s’étaient lassés et d’autres étaient retombés dans le péché. Hudson Taylor écrivit à sa mère :

« Les difficultés sont l’occasion d’éprouver la fidélité de Dieu, que sans elles nous ne connaîtrions pas. C’est pour moi d’un grand réconfort de savoir que cette œuvre est la Sienne et que le Seigneur est plus intéressé que nous à son succès. « Sa Parole ne reviendra pas à Lui sans effet ». Nous la prêchons et donc nous Lui laissons le soin des résultats ».

Ce travail n’était pas sans beaucoup de fatigue et à cela s’ajoutait une vaste correspondance et aussi de longues séparations d’avec Mme Taylor qui ne pouvait pas toujours l’accompagner. On demandait à son mari des conseils médicaux pour un enfant d’indigène, mais sa joie était de voir l’œuvre s’étendre et le nombre des aides indigènes augmenter.

Il écrivait à un jeune missionnaire récemment engagé :

« Un joaillier se donne plus de peine pour polir une perle que pour un simple morceau de verre. Il la soumet à une discipline plus longue et plus sévère, mais le résultat, une fois acquis, est un résultat permanent. Pour nous, ce n’est pas seulement en vue de notre service terrestre, c’est pour l’éternité ! »

 Les efforts du missionnaire M. Stevenson dans une région montagneuse furent récompensés par la conversion d’un homme nommé Nying, un des chefs du Confucianisme. Il ne voulait pas condescendre à traiter avec l’étranger venu de temps à autre pour prêcher dans sa ville, mais il s’intéressait à la science occidentale et possédait un livre scientifique qu’il ne comprenait pas entièrement. Un soir, il se glissa vers la maison où parlait le missionnaire pour l’entretenir de son sujet. Le jeune missionnaire l’écouta avec complaisance, puis, se tournant vers le Nouveau Testament placé sur la table, il lui demanda simplement :

–          Avez-vous aussi dans votre bibliothèque des livres de la religion chrétienne ?

–          Oui, répondit le lettré, mais pour être franc, je vous dirai que je ne les trouve pas aussi intéressant que vos livres de science.

Cela amena une conversation prouvant que M. Nying était septique et ne croyait ni à l’existence de Dieu ni à celle de l’âme ; la prière à ses yeux était une absurdité. Patiemment, mais sans succès, M. Stevenson essaya de rectifier ses conceptions. Voyant qu’il était inutile d’argumenter, il prit une simple image :

L’eau et le feu sont des éléments opposés et demeurant inconciliables. L’eau éteint le feu et le feu fait évaporer l’eau. Le raisonnement est juste, mais voici le chaudron est sur le feu et l’eau est en ébullition, permettez-moi de vous offrir une tasse de thé.

« Croyez-moi, si ce soir, en rentrant chez vous, vous prenez le Nouveau Testament et si avant de l’ouvrir, vous demandez humblement et ardemment au Dieu du ciel de vous aider à le comprendre, ce livre sera bientôt pour vous un livre nouveau plus riche qu’aucun livre du monde. Je prierai pour vous ».

Plus impressionné qu’il ne voulait le montrer, le lettré rentra chez lui. C’est étrange, cet homme étranger a l’air convaincu et si plein de sollicitude pour l’âme d’un inconnu. Il fit donc cette expérience :

« O Dieu, s’il y a un Dieu, s’écria-t-il, sauve mon âme, s’il y a une âme. Aide-moi à comprendre le livre ».

La soirée s’écoula et Mme Nying trouva son mari absorbé dans son étude et lui fit remarquer qu’il était fort tard.

« Ne m’attends pas », dit-il, « je suis occupé à des choses très importantes » et il continua sa lecture.

Le livre était vraiment un nouveau livre. Peu à peu, un renouvellement s’opérait en lui et il crut. Pendant bien des jours il n’osa pas parler de son changement à quiconque. Sa femme faisait partie d’une famille aristocratique, dont il allait encourir le mépris en devenant chrétien.

« Quand les enfants seront au lit, je t’annoncerai quelque chose », dit-il un jour à sa femme.

Il lui confia tout sans bien savoir comment. Sa femme l’écoutait : « le Dieu vivant et vrai et non les idoles ! Un moyen d’obtenir le pardon des péchés et un Sauveur qui remplit le cœur ». A la grande surprise de son mari, elle l’écoutait avec un intérêt passionné.

« L’as-tu vraiment trouvé », s’écria-t-elle ? « Oh ! Comme je désirerais Le connaître. Qui d’autre aurait entendu mon appel au secours, il y a longtemps, bien longtemps ». C’était au moment de la révolte des rebelles Tsi-ping. Sa maison avait été encerclée et frappée de terreur, elle s’était cachée derrière une garde-robe et avait crié : « Sauve-moi ! ». Ils avaient passé sans la voir. Dès lors, elle avait toujours souhaité que quelqu’un lui parlât de Lui, le Dieu admirable qui l’avait délivrée.

Jamais l’histoire de l’amour rédempteur ne parut plus précieuse ; jamais un cœur d’homme ne fut plus heureux de la raconter, lui l’ancien et orgueilleux disciple de Confucius. Il prêchait dans la rue et la bénédiction se répandit dans un cercle toujours plus grand. Sa conversion l’amena à bannir de chez lui les tables de jeu et à offrir sa maison comme lieu de culte.

 « J’aurai pleuré de joie, écrivait Hudson Taylor, en écoutant ce que la grâce de Dieu avait fait pour eux tous. La plupart d’entre eux pouvaient parler de quelques parents ou amis dont ils espéraient la conversion prochaine. Je n’ai jamais vu cela en Chine ».

De faibles ils sont devenus forts

1872-1873

Ce fut un jour mémorable quand Hudson Taylor avec son cher ami M. Judd remonta le cours du Yangtze jusqu’à la métropole de la Chine centrale, le poste le plus avancé de la mission.

« Mon âme brûle, oh ! Avec quelle intensité du besoin d’évangéliser les cent quatre-vingt millions d’âmes de cette province déshéritée. Que n’ai-je cent vies à dépenser pour leur bien ! »

Emilie Blatchley tomba gravement malade en Angleterre. Hudson Taylor en fut très affecté, car elle était une vraie bénédiction et un exemple de ce noble renoncement si conforme à l’esprit de Jésus pour le bien des autres. Elle portait le fardeau de l’œuvre et travaillait de longues heures et quelquefois tard dans la nuit. Elle connut les privations et l’inconfort de la vie missionnaire en Chine au cours de voyages nombreux d’une ville à l’autre.

Hudson Taylor revint en Angleterre pour trouver la place vide et ses enfants dispersés. Mais il connut une autre épreuve. Au cours d’un voyage avec M. Judd en Chine, il était tombé lourdement sur les talons et sentit longtemps une douleur vive et voici qu’une paralysie graduelle des membres inférieurs se déclara et qu’il dut rester couché dans son lit constamment. Il est certain que c’est de cette petite chambre de maladie et de souffrance que sortit le développement nouveau et considérable de la Mission à l’intérieur de la Chine.

Quelqu’un lui disait : « Vous devez être conscient que Dieu a fait prospérer d’une manière merveilleuse votre œuvre missionnaire ».

Il répondit : « Je ne considère pas les choses de cette manière. Voyez-vous, je pense quelquefois que Dieu doit avoir cherché quelqu’un d’assez faible, d’assez petit pour qu’Il puisse s’en servir, afin que toute gloire lui appartienne à Lui seul et Il m’a trouvé ».

C’est à cette époque que parut dans la presse chrétienne un petit article :

« Appel à la prière en faveur des cinquante millions de Chinois ».

La correspondance s’accrut et la joie d’Hudson Taylor fut vive en voyant comment Dieu manifestait sa force dans la faiblesse même de son serviteur. Les 18 hommes demandés après tant de prières se présentèrent enfin. Hudson Taylor guérit après trois mois et demi. Le Seigneur lui avait donné de vraies joies et la visite des candidats dans sa chambre. Il disait que ces nuits d’insomnie se passaient en prière. S’il avait passé ce temps en tournée, il n’aurait pas vu l’intervention directe sans lui pour obtenir ces 18 candidats !

Suite à l’appel à la prière pour la Chine, 60 personnes se présentèrent dans le cours de l’année et malgré tout Hudson Taylor redoutait toujours de leur part une décision inconsidérée.

Un autre évènement est à signaler. Au mois de juin, il fut accosté par un noble Russe, le comte Bobrinsky et il lui proposa de monter dans le même compartiment.

–          Mais je voyage en troisième classe, lui dit le missionnaire.

–          Mon billet me permet d’en faire autant, répondit-il courtoisement.

Dans le compartiment, il tira son portefeuille et dit à son compagnon :

« Permettez-moi de vous offrir une bagatelle pour votre œuvre » Un coup d’œil sur le billet lui fit penser qu’il y avait une erreur. La bagatelle était un billet de cinquante livres.

« C’était bien cinq livres que je voulais vous donner, mais je ne puis reprendre ce billet. Le Seigneur a voulu que vous en receviez cinquante. Hudson Taylor devait envoyer de l’argent en Chine et il manquait au total, jugé indispensable : quarante neuf livres et onze shillings ! Cette insuffisance avait été l’objet d’une réunion de prières spéciales.

Ne pouvant entretenir une correspondance avec chacun, il écrivit une lettre circulaire où il disait que chaque jour il les portait sur son cœur et devant Dieu.

 « Ne désobéissant pas à la vision céleste »

 1873-1874

 De telles bénédictions ne pouvaient que rendre plus intense chez Hudson Taylor la soif d’aborder de nouvelles provinces encore inoccupées.

« Je vous demande de prier chaque jour pour que Dieu nous montre quelles provinces nous devons aborder et comment le faire. Nous avons avec nous le Dieu Tout Puissant ; le Conseiller souverainement sage pour nous guider, le Saint Esprit pour rendre efficace la parole que nous prêchons. Demandez pour moi une confiance plus entière et plus de hardiesse pour entreprendre de grandes choses. Attendez de grandes choses de Dieu et priez en ayant confiance ».

Un matin de novembre, il reçut des nouveaux venus dans une auberge indigène et se tournant vers eux il leur dit : « Voudriez-vous m’accompagner à mon hôtel ? ». M. Taylor les invita poliment à s’asseoir et posa quelques questions relativement à leur voyage, puis dans une prière fervente il les recommanda au Seigneur qui les avait amenés en Chine. Puis, ils dînèrent. Le garçon apporta quatre jattes de riz qu’il plaça devant nous et un grand plat de morceaux de porc très gras !

Ils s’habituèrent aussi au costume chinois et aussi au mode d’existence chinois. Depuis ils rencontrèrent des auberges bien plus sales et des menus plus grossiers que ceux de « l’hôtel » de M. Taylor.

Un jour de marché il rencontra quatre âmes travaillées sans les avoir cherchées. Il invita un vieillard à lui donner son nom.

Je m’appelle Dzing, mais la question qui m’oppresse est celle-ci : que dois-je faire de mes péchés ? Nos lettrés nous disent qu’il n’y a pas de vie à venir, mais j’ai de la peine à le croire.

Ne croyez pas cela. Nous devons ou être à jamais dans le feu de l’enfer ou jouir pour toujours de la félicité céleste.

Alors que dois-je faire de mes péchés ?

Chez nous, il aurait été facile de répondre : « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé », mais pour Dzing, cette réponse n’avait aucun sens, car il n’avait jamais entendu parler de Jésus.

– Oh ! Monsieur, couché sur mon lit, je pense à mes péchés, j’y pense, j’y pense toujours, mais je ne sais ce qu’il faut faire de mes péchés ?

Mais c’est précisément pour répondre à cette question que je suis venu de si loin et avec joie je lui parlais du Dieu vivant, du Dieu d’amour, de notre Père céleste.

Je lui parlais aussi du péché et de ses conséquences, de la compassion de Dieu, de l’incarnation et de la mort de Christ comme notre remplaçant.

– Ah ! S’écria-t-il, que pouvons-nous faire pour une telle grâce ?

– Rien, absolument rien, sinon la recevoir gratuitement comme un don de Dieu, ainsi que nous recevons la lumière du soleil, le vent et la pluie. Il partit réconforté, mais désorienté, après avoir cru pendant soixante dix ans aux faux dieux ! Il fut tout heureux d’apprendre que des colporteurs chrétiens allaient s’installer dans sa ville.

On comprend qu’une telle rencontre faisait brûler l’âme d’Hudson Taylor d’autant plus que deux femmes et un jeune homme s’étaient enquis dans cette ville-là avec le même intérêt passionné du chemin de la Vie.

Le travail surhumain auquel il s’était livré explique la sérieuse maladie qui l’arrêta. A peine les malades pour lesquels il s’était imposé tant de fatigues furent en voie de guérison, que ses forces l’abandonnèrent. Il resta couché, sans force, incapable de faire autre chose que de s’attendre à Dieu. Il ne se doutait pas qu’en ayant demandé à Dieu cinquante ou cent nouveaux évangélistes, Il trouverait le moyen de réaliser Ses desseins, bien qu’il n’eût jamais paru plus difficile d’étendre le champ missionnaire qu’en ce moment.

Quelqu’un d’Angleterre lui envoya huit cents livres avec la mention « pour l’extension de l’œuvre à l’intérieur ». Qui donc pouvait avoir écrit cela sans connaître le combat intérieur qui s’était déroulé dans son âme ? Cette lettre était porteuse d’un merveilleux exaucement.

Mme Taylor venait de recevoir en héritage d’un de ses parents une propriété rapportant quatre cent livres par an. Cette propriété fut joyeusement consacrée au service du Seigneur.

Hudson Taylor écrivait :

« Mes besoins sont grands et pressants, mais Dieu est plus grand et plus près de moi encore. Quelle joie de connaître le Dieu vivant, de se reposer sur le Dieu vivant, de voir le Dieu vivant dans nos circonstances les plus exceptionnelles ».

La fidélité de Dieu

1875-1876 

 « Il y a trois phases dans l’œuvre de Dieu, disait Hudson Taylor : d’abord impossible, puis difficile, enfin accomplie ». Le projet d’atteindre les provinces chinoises encore fermées à l’évangile n’avait pas encore franchi la première phase. Les passeports étaient presque toujours refusés et l’Européen qui se hasardait à sortir des chemins battus devait avoir fait le sacrifice de sa vie.

« Il y a neuf ans, le 26 Mai, le Lammermuir faisait voile vers la Chine. Au cours de ce temps-là nous avons fait de précieuses expériences : un corps d’indigène a été recruté ; nous occupons environ cinquante stations dans cinq provinces. Mais nous croyons que le temps est venu d’obéir à l’ordre du Maître et, avec sa grâce, nous sommes décidés à le faire. Je n’ai pas dit « d’essayer » à le faire, car le mot n’est pas dans la Bible. Le Seigneur dit : « Faites ce que je vous commande ».

Hudson Taylor avait trouvé dans son Nouveau testament grec un passage qui fut un trait de lumière et qui allait demeurer un vrai trésor pour son âme toute sa vie :

« Ekete pistin Theou » « Ayez foi en Dieu », mais pour Hudson Taylor, il ne s’agissait pas de foi en Dieu, mais de fidélité de Dieu (cf. Romains 3:3). Cette signification était pour lui pleine de douceur, compter sur la fidélité de Dieu. Ce n’est donc pas notre foi qui rend possible la fidélité de Dieu, mais c’est Sa fidélité qui sert d’appui à notre foi. Quel repos pour l’âme !

Dans un nouveau périodique qui avait pour titre : « La Chine pour Christ », il écrivait :

« C’est le manque de confiance qui est la racine de presque tous nos péchés et de toutes nos faiblesses. Comment y échapperons-nous sinon en regardant à Lui et en considérant Sa fidélité ? L’homme qui compte sur la fidélité de Dieu sera prêt pour toutes les circonstances. Il osera obéir, quand même cette obéissance paraîtra tout à fait hors de saison. Abraham compta sur la fidélité de Dieu et offrit Isaac. Moïse compta sur la fidélité de Dieu et conduisit les millions d’Israélites à travers le désert aride. Josué connaissait bien Israël et connaissait les fortifications des Cananéens et leur ardeur guerrière, mais il comptait sur la fidélité de Dieu et traversa le Jourdain. Les apôtres, en firent de même.

« Et que dirai-je davantage ? Car le temps me manquera si je discours de Gédéon, de Barac et de Samson et de Jephté, de David et de Samuel et des prophètes, qui par la foi subjuguèrent des royaumes…de faibles qu’ils étaient furent rendus vigoureux, devinrent forts dans la bataille » (Hébreux 11: 32-34)

Satan a aussi son credo : « Doutez de la fidélité de Dieu »… « Dieu aurait-il dit ? »  Vous exagérez, vous prenez ces paroles dans un sens trop littéral ! »

Tous les géants de Dieu ont été des hommes faibles, qui ont fait de grandes choses pour Lui, parce qu’ils ont compté sur Sa présence auprès d’eux.

Oh ! bien–aimés, s’il y a un Dieu vivant, fidèle et véritable, tenons ferme à Sa fidélité et nous pourrons aller dans toutes les provinces de Chine. Nous pourrons regarder avec une paisible confiance toutes les difficultés, tous les dangers, certains de la victoire et du succès. Ne donnons pas à Dieu une confiance partielle, mais servons Dieu en comptant de jour en jour, d’heure en heure, sur Sa fidélité ».

Jamais les ressources matérielles n’avaient manqué, bien que jamais n’eût manqué ce qui est « plus précieux que l’or », l’épreuve de la foi. Sans aucun appel, sans aucune collecte, cinquante deux mille livres avaient été reçues et la Mission n’avait jamais contracté de dette. HudsonTaylor écrivait :

« Nous n’avons jamais eu à laisser une porte ouverte sans y entrer à cause du manque de fonds, quoique bien souvent le dernier penny ait été dépensé, personne n’a jamais manqué « du pain quotidien ». Les temps d’épreuve ont toujours été des temps de bénédiction et les secours ne sont jamais arrivés trop tard ».

Mais le rapport ne révélait pas combien de prières et de renoncements se cachaient derrière ces faits. Les candidats de la rue Pyrland, qui se préparaient eux-mêmes à affronter les dangers et les sacrifices inséparables de leur vocation, étaient soutenus par l’exemple de leur chef. Ils découvraient en lui une attitude constante, fruit d’une expérience mûrie par une pratique toujours plus grande et ils voyaient comment il saisissait par la foi les promesses divines et à quel prix il avait obtenu sa puissance spirituelle dans l’œuvre du Maître.

L’un d’eux écrivait :

« M. Taylor était profondément persuadé que, pour évangéliser efficacement les millions de Chinois, l’esprit de renoncement et de sacrifice chez les chrétiens d’Europe devait être considérablement accru. Mais comment attendre des autres ce qu’il n’aurait pas lui-même pratiqué ? Il résolut, en conséquence, de retrancher de sa manière de vivre tout ce qui pourrait ressembler à la recherche de soi-même et à l’amour de ses aises. M. Taylor avait enduré ces souffrances avant eux, et cela expliquait l’attachement profondément affectueux dont il était l’objet de la part de tous les membres de la Mission ».

Juste avant son départ William Soltau se chargea d’une grande partie du travail. Aussi Hudson Taylor partit avec huit personnes au début de septembre 1876 pour la Chine malgré les menaces de guerre à l’horizon.

La situation était critique. Après des années de prières et de préparation, les évangélistes demandés pour les nouvelles provinces avaient été donnés par Dieu et ils étaient déjà en Chine prêts à s’élancer en avant. Les perspectives d’une guerre étaient aussi menaçantes que possible.

Mais la prière n’avait pas échoué. Dans une cabine de troisième classe d’un vaisseau français, comme dans les réunions de prières de la rue Pyrland, d’ardentes supplications étaient montées vers Dieu. Pour Lui il n’était jamais trop tard. Un revirement inattendu se produisit au dernier moment. Plus sage et plus clairvoyant que ses collègues, le vice-roi Li-Hung-Chang accourut à la côte pour devancer l’ambassadeur anglais et juste à temps il ouvrit à nouveau les négociations. Là, à Chefoo fut signé le mémorable traité qui ouvrait toutes grandes les portes de la Chine jusque dans les provinces les plus lointaines. Ce traité avait été signé huit jours avant le départ d’Hudson Taylor pour la Chine et déjà les dix-huit, répartis en trois petites colonnes, avançaient dans l’intérieur.

Hudson Taylor écrivit : « Au moment précis où mes frères étaient prêts, pas un moment trop tôt, pas un moment trop tard, la porte si longtemps verrouillée s’ouvrit d’elle-même devant eux ».

Quelles étaient les clauses de ce traité ? Les étrangers obtenaient le droit de circuler dans tous les états de l’empereur, sous sa haute protection, et on ne devait pas les gêner dans leur voyage. Ces arrangements devaient être publiés dans toutes les villes, et des agents officiels britanniques avaient le droit de circuler pour s’assurer de l’exécution de cette clause. Les représentants de la Mission à l’intérieur de la Chine furent les seuls étrangers à profiter de cette grande liberté. Ils pénétrèrent dans le Tibet oriental et parcoururent en tous sens les provinces de l’intérieur, couvrant cinquante milles kilomètres.

 Les portes de l’occident.

1876-1877

 Tout cependant n’était pas aisé pour les pionniers. Les préjugés des lettrés demeuraient les mêmes. Nombreux furent les périls, mais admirables leur patience, leur amour des âmes, leur foi en Dieu. Ce qui les impressionna le plus, ce fut l’empressement du peuple à écouter et l’écho éveillé dans les âmes par les questions spirituelles, une soif intense de lumière chez ceux qui cherchaient la vérité.

Ce premier voyage dans le Hunan fut fait soit à pied, soit en chariot, soit en brouettes, durant cinquante deux jours. Les missionnaires partaient au point du jour et marchaient souvent jusqu’à la nuit, en prêchant le long des chemins ou dans les rues encombrées des villes, racontant la joyeuse nouvelle de l’amour rédempteur.

A ces faits encourageants, on pouvait enregistrer des délivrances vraiment providentielles. Hudson Taylor, certain qu’il devait abréger sa visite à Kaigeng, capitale de la province, partit un jour ou deux plus tôt et longtemps après, il apprit que des étudiants étaient venus à son auberge et ne le trouvant pas, avaient détruit l’enseigne et auraient mis le feu à la maison, si les autorités n’étaient pas intervenues.

Dans une autre occasion, Hudson Taylor, à court d’argent, envoya son aide en chercher à Hankom et attendit son retour dans une auberge. A sa grande surprise une proclamation parut, défendant sous peine de châtiment, de vendre quoi que ce soit à l’étranger. Le propriétaire n’osait plus lui procurer aucune nourriture. Ne sachant que faire, le missionnaire priait dans sa chambre, quand il entendit derrière les volets un léger bruit. Non sans quelque crainte, car les voleurs dans le Hunan, sont armés, il s’approcha de la fenêtre et l’homme lui fit signe de se taire. Fouillant dans sa ceinture, il en tira un petit pain semblable à un pudding cuit à la vapeur, puis un second et un troisième, ainsi jusqu’à six. Il les lui tendit par la fenêtre et sans un mot, disparut dans l’obscurité. Le lendemain soir, il fit de même. Le missionnaire voulut lui donner les quelques monnaies qui lui restaient. « Inutile » dit-il avec décision. Il renouvela ses visites jusqu’à l’arrivée des secours, permettant à Hudson Taylor de rejoindre la côte.

Malgré l’absence de sa famille et les entraves douloureuses de sa mauvaise santé, Hudson Taylor continuait à se décharger sur le Seigneur de tous ses fardeaux, au point qu’il pouvait écrire à M. Hill en février 1877 :

« Je puis me réjouir sept jours par semaine ».

C’était là le secret qu’il vivait jour et nuit, et souvent, dans la petite maison de Chinkiang, ceux qui étaient éveillés à deux ou trois heures du matin, pouvaient entendre le doux refrain du cantique favori d’Hudson Taylor. Il avait appris que, pour lui, la seule vie possible était la vie bénie de celui qui en toutes circonstances peut se reposer et se réjouir dans le Seigneur, en Lui laissant le soin de résoudre toutes les difficultés intérieures ou extérieures, grandes ou petites.

M. McCarthy se préparait à entreprendre un des plus remarquables voyages accomplis en Chine. Hudson Taylor se réjouit de ce projet presque autant que s’il l’exécutait lui-même. De nombreuses heures furent consacrées en entretiens et en prières par les deux amis pour cette entreprise hardie. Il s’agissait de traverser toute la Chine depuis le Yangtze jusqu’à l’Irrawaddy. Disons tout de suite que M. Mac Carthy réussit dans son entreprise et fonda la première station missionnaire dans le Szechwan peuplée d’environ soixante dix millions d’âmes.

Les portes longtemps fermées s’ouvraient en effet de toutes parts. Vers le Nord et jusqu’au lointain Nord-Ouest, les pionniers s’avançaient. M. McCarthy approchait déjà de la province occidentale de Szechwan, plus grande à elle seule que la France et beaucoup plus peuplée. A son ami intime M. Berger, dont les prières s’étaient depuis si longtemps unies aux siennes pour obtenir les développements dont il était témoin, il écrivait :

« Ce sera pour vous une joie peu ordinaire d’apprendre que nos prières sont exaucées, car l’œuvre est commencée dans six des neuf provinces visées. Quel repos de savoir que Dieu sait comment poursuivre Son œuvre ! Risquons-nous de nous tromper en nous confiant en Lui pour obtenir ce qui Lui est si facile : fournir des hommes et les moyens nécessaires à la poursuite de l’extension de cette œuvre ? Mon cœur répond avec joie : « Non », bien que je Le connaisse encore trop peu et de plus la Parole déclare : Celui même qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi, librement, de toutes choses avec lui ? » (Romains 8 :32).

Une convention eût lieu à cette époque et admirable fut la réponse à ces prières dans les jours qui suivirent. Dans la serre de M. Judd, située au flanc de la colline et dans la chapelle de l’autre côté du fleuve, la présence de Dieu se fit sentir d’une manière évidente.

« Prenez le temps d’être saint » tel fut en résumé le message du Dr. Griffith John, suivi d’allocutions d’Hudson Taylor sur les problèmes essentiels intérieurs et spirituels de la vie missionnaire. Les récits des jeunes évangélistes, faits avec une grande simplicité provoquèrent la plus profonde sympathie. Ils étaient sans doute inexpérimentés, mais d’un joyeux optimisme et d’une confiance entière en Dieu qui se plaît à réaliser l’impossible. Tout cela était contagieux et bienfaisant.

Après deux semaines de communion fraternelle, on se sépara comme les membres d’une même famille. Aucune note discordante ne se fit entendre. Même le vêtement chinois d’Hudson Taylor et de ses collègues ne choquait plus et le mouvement en avant qu’ils représentaient avait conquis la confiance, la sympathie et les prières de la plupart des assistants, sinon de tous.

 

Mourir pour porter du fruit

1871-1881

 Pour l’amour de Jésus.

1877- 1879

 Très fatigué après la conférence et souffrant de névralgies, Hudson Taylor fit une tournée de visites dans les stations du Chekiang. Mlle Elisabeth Wilson était en Chine depuis un an environ et était dans la force de l’âge quand elle devint missionnaire. Ses cheveux blanchis prématurément lui donnaient une physionomie vénérable, qui lui assurait la sympathie et le respect du peuple.

Toute jeune fille, elle avait rencontré Hudson Taylor au cours d’une visite à Londres et elle lui avait manifesté son ardent désir de consacrer sa vie à l’œuvre missionnaire. Mais on ne pouvait pas se passer d’elle dans sa famille. Sa sœur venait de se marier et ses parents invalides réclamaient ses soins. Elle dut donc enfouir dans le secret de son cœur l’espérance qu’elle avait conçue.

« Les années passèrent » raconta plus tard Hudson Taylor, et cette jeune fille au cœur aimant ne laissa jamais soupçonner à ses parents le sacrifice qu’elle faisait pour eux. Mais jamais non plus elle revint sur le don de sa vie au Seigneur pour le service de la Mission. Au bout de cinq années elle commença à se dire : «  Si je dois attendre beaucoup plus longtemps, j’aurai de la peine à apprendre la langue ». Mais c’était à Dieu de choisir le moment.

Dix ans, vingt ans, trente ans s’écoulèrent avant que le Seigneur lui rendît sa liberté. Trois semaines après la mort de son dernier parent, elle écrivait au quartier général de la Mission à l’Intérieur de la Chine sa résolution de consacrer les jours qui lui restaient à l’œuvre missionnaire.

C’était un plaisir de voir l’accueil des femmes chrétiennes à cette visiteuse inattendue, surtout dans les stations où il n’y avait pas de dames missionnaires. Avec leur Nouveau Testament (le précieux volume qui avait coûté tant d’années de travail à Hudson Taylor), enveloppé dans leurs mouchoirs de couleur, elles parcouraient des kilomètres pour aller à la rencontre des voyageurs et elles demandaient instamment à « leur sœur aînée » de rester au milieu d’elles pour leur enseigner les choses de Dieu.

Depuis la dernière visite d’Hudson Taylor un grand vide s’était produit dans ce beau district. Dieu avait retiré le principal instrument de Son œuvre, le lettré Nying. Mais la vérité qu’il avait fidèlement proclamée avait germé dans plus d’un cœur, parfois d’une manière très remarquable. Ce fut le cas d’un tisserand de Chenghsien, converti par le moyen d’un fils dans la foi de ce Nying et cela dans des circonstances fort curieuses :

C’était un pauvre garçon orphelin, esclave et souffre-douleur de la famille qui l’avait adopté. Ayant entendu rire bruyamment dans la maison contiguë à la sienne, il quitta son ouvrage et furtivement regarda par un petit trou dans la cloison en bois. Le fils du voisin, revenu récemment de la ville, racontait ce qui s’y passait. Il se moquait beaucoup d’un certain individu qu’il avait entendu haranguer la foule. C’était le joueur bien connu Tao- hsing, qui avait « mangé la religion des étrangers » et dont la vie avait été totalement changée. Ce discoureur racontait l’incomparable histoire de l’enfant prodigue, mettant tout son cœur dans son récit. Cette histoire frappa le pauvre garçon solitaire et découragé. Est-il possible qu’il y ait au ciel un Père qui aimât de cette manière ?

« Oh ! Continuez, continuez » cria-t-il presque inconsciemment quand le récit fut achevé. «  Faites nous encore entendre ces bonnes paroles ».

L’étonnement et le rire provoqués par ce cri de l’autre côté de la cloison lui firent quitter son observatoire improvisé et il s’enquit auprès de son voisin de l’endroit où on pouvait entendre ce merveilleux enseignement. Une fois qu’il eut saisi le message, rien ne put l’induire à abandonner le Sauveur qu’il aimait, bien qu’il ne l’ait jamais vu.

Un soir de l’hiver suivant, les gens chez lesquels il habitait, lui signifièrent qu’ils ne pouvaient plus supporter sa nouvelle attitude. Il devait renoncer à son emploi, à sa maison, à sa fiancée qu’il comptait acquérir par son travail, à renoncer à tout en un mot ou en finir avec cette religion nouvelle.

Quoi ! Abandonner Christ ? C’était un terrible sacrifice qu’on lui demandait avec une vraie fureur. Dieu le garda et il put répondre que son choix était irrévocable. Immédiatement il se vit jeté dehors dans la nuit noire et entendit verrouiller la porte derrière lui.

« Une semaine plus tard, raconta Hudson Taylor, la famille s’aperçut qu’elle ne pouvait pas se passer de lui. Après avoir encore une fois essayé de lui faire abandonner le Seigneur, on le reprit dans la maison. Il y eut même lieu d’espérer plusieurs conversions dans cette famille. Vraiment l’Évangile est toujours « la puissance de Dieu en salut à quiconque croit » (Romains 1. 16). Nous n’avons pas lieu d’en avoir honte ni de craindre pour son succès.

Enfin, juste avant Noël, toute la famille d’Hudson Taylor fut de nouveau réunie en Angleterre. On peut juger de la joie des petits et des grands. Hudson Taylor avait été absent seize mois. Ce n’était pas qu’il eut beaucoup de temps à consacrer aux siens. Il fallait encore des ouvriers et il les demandait à Dieu, vingt-quatre et au moins six femmes, donc en tout trente ouvriers, à envoyer si possible l’année suivante.

En attendant, une terrible famine sévissait au Nord de la Chine. Hudson Taylor fit connaître ces faits et des dons affluèrent à la Mission à l’Intérieur de la Chine. Mais qui se chargerait d’aller dans ces provinces ?

Il y avait quelqu’un qui réunissait à merveille toutes les qualités indispensables. Ayant l’expérience, l’esprit de prière, le dévouement, une connaissance approfondie de la langue et la confiance de tous ses collaborateurs : Mme Taylor répondait à tous ces besoins. Mais quel sacrifice ! Après une si longue séparation ! Qui pourrait lui suggérer de quitter ses jeunes enfants ? S’il y eut lutte, elle ne fut pas longue.

Un matin en se réveillant, elle trouva dans son courrier une lettre de ses beaux-parents contenant un chèque de cinquante livres auquel elle ne s’attendait nullement.

Mme Broomball, sœur d’Hudson Taylor, ayant été mise au courant de ce voyage, en fut profondément émue et elle n’hésita pas, pleine de confiance en Dieu, qui renouvelle chaque jour les forces de ceux qui se confient en Lui, s’exprima ainsi :

« Si Jenny va en Chine, ce sera à moi de prendre soin de ses enfants ».

Mme Taylor, arrivée à Shanghaï, en partit pour rejoindre la province du Shansi. Jamais une femme blanche bien qu’escortée par deux autres missionnaires, n’avait pénétré si loin dans ces régions désolées par la famine, auxquelles elles apportaient le secours matériel et spirituel. Hudson Taylor écrivit :

« Je bénis Dieu de m’avoir donné une telle femme, une femme pour laquelle le Seigneur Jésus est au-dessus de son mari, l’œuvre du Seigneur plus que toutes les joies terrestres. Je sais qu’Il bénira nos chers enfants ; je sais qu’Il te bénira et me bénira, ainsi que notre œuvre. Je suis heureux de penser que je ne te prive pas du fruit éternel de la semence que tu répands. Qu’elle sera belle la moisson ! »

Il marche devant eux

1870- 1880

 Mme Taylor était arrivée à Shanghaï . Durant tout le voyage, elle était en souci :

Son mari était-il en route pour la Chine ? Était-il malade ? Avait-il grand besoin d’elle ? Tout cela la poussait à des prières ardentes et précises. Celui-ci était tombé si gravement malade qu’un médecin doutait qu’il soit encore en vie en arrivant à Hongkong. Mais la nouvelle de la présence de Mme Taylor à Shanghaï le réconforta et l’aida à achever le voyage.

Elle écrivait peu de temps auparavant à son mari :

« Ne crois-tu pas que si nous ne laissons aucune influence nous priver de la communion avec le Seigneur, nous pouvons vivre une vie de continuels progrès, dont l’écho nous reviendra de tous les champs de mission ? J’ai compris ces derniers mois que la partie la plus importante de notre tâche est celle qui est invisible, sur la montagne de l’intercession. Notre foi doit remporter la victoire pour les compagnons d’œuvre que Dieu nous a donnés. Ils livrent la bataille visible, nous devons livrer l’invisible. Devons-nous ambitionner moins qu’une victoire perpétuelle quand elle est pour Lui et que nous luttons en Son Nom ? »

Dans la joie du revoir, Hudson Taylor pensait visiter les stations et aider les trente-quatre nouveaux missionnaires, mais il était inutile dans son état de rester dans la vallée du Yangtze. Le port de Cheffo était plus frais. Mais comment l’atteindre ?

On s’embarqua en plein brouillard et Hudson Taylor était si mal qu’il pouvait à peine prendre quelque nourriture.

« Je criai à Dieu dans ma détresse, écrivait-elle à Mlle Desgraz à Chinkiang et je Le suppliai aussi de dissiper le brouillard ».

Le lendemain, son mari s’était alimenté et allait un peu mieux. Elle monta sur le pont et parla à un officier qui lui dit : «Ce fut surprenant, vers 21 heures trente, le brouillard a disparu et a laissé place à un beau clair de lune ». C’était à ce moment-là qu’elle avait prié à ce sujet avant d’aller se reposer. De plus, si le brouillard s’était dissipé plus tôt, il aurait fallu débarquer au milieu du froid de la nuit.

« A l’abri d’une haute falaise et tout à fait sur le rivage » : c’est ainsi que Mme Taylor décrivait le nouveau milieu où elle se trouvait. Chez des amis, M. Taylor se reposa et se restaura d’heure en heure. Par contre à Wuchang, Mr et Mme Judd ployaient sous la tâche et la chaleur accablante. Hudson Taylor eût à cœur de les inviter dans ce lieu, où il s’était fait tant de bien, mais pas d’argent à leur envoyer pour le voyage ! Mais M. Judd trouva une occasion de vendre des meubles inutilisés et le produit de la  vente lui permit de descendre le Yangtze avec sa femme et ses cinq enfants.

Hudson Taylor jouissait presque autant que les parents de voir leurs enfants jouer sur la plage !

Se sentant si bien rétabli, Hudson voulait descendre à Chinkiang, où l’Evangile se répandait, mais il essuya une terrible tempête et son bateau faillit sombrer. De plus pour la quatrième fois, la maladie parut arrêter définitivement son service.

Un jour, à Chefoo, alors que M. Judd et lui admiraient la situation, un paysan s’approcha et leur demanda, à leur vive surprise, s’ils désiraient s’acquérir ce champ de haricots qu’ils regardaient et cela à un prix raisonnable ! Le marché fut aussitôt conclu et l’argent compté. Ils prirent possession du champ. Des voisins se montrèrent disposés à vendre d’autres parcelles et ils eurent tout ce dont ils avaient besoin.

Il fallait bâtir en taillant les pierres eux-mêmes et en faisant leurs briques. D’un navire coulé, l’Ada, ils achetèrent du bois de teck pour les planchers et avec le bois des cabines, ils firent un splendide buffet ! Ils achetèrent les portes, les serrures et les placards, le tout pour deux dollars le quintal. La maison fut vite achevée et ce changement complet d’occupation avec de longues heures passées en plein air contribuèrent beaucoup à fortifier la santé d’Hudson Taylor.

Ce fut les débuts de Chefoo et de ses écoles, puis peu à peu, ce fut le lieu d’un hôpital et des maisons particulières. Les enfants de missionnaires étaient instruits de la maternelle à l’université avec une éducation chrétienne et frères et sœurs pouvaient retrouver de temps en temps leurs parents venus se reposer là.

 Quelques collaborateurs de l’œuvre.

1880-1881

 Aux jours terribles de la révolte des Taï-Ping, le capitaine Yü de l’armée impériale, avait passé quelque temps à Ningpo. Il avait pris contact avec l’Evangile et en avait reçu certaines impressions, mais il en savait trop peu pour connaître « la voie du salut ». Quinze longues années s’écoulèrent ne lui apportant aucune lumière, mais il cherchait la vérité, faisant tous ses efforts pour gagner les faveurs du ciel !

Parmi des bouddhistes réformés, opposés à l’idolâtrie, il avait trouvé des frères spirituels et était devenu leur agent itinérant bénévole. Sa prédication, plus négative que positive, dénonçait la folie coupable de l’idolâtrie et proclamait l’existence d’un seul Dieu, maître de l’univers, mais il n’en pouvait rien dire de plus.

Il était déjà vieux lorsque, dans une ville de l’intérieur, il rencontra un missionnaire. Le Dr. Douthwaite y prêchait chaque jour avec le pasteur Wang-Lae-Djü. Là, le dévot bouddhiste entendit dans toute sa plénitude le joyeux message du salut. Il l’accepta et devint en Jésus Christ une nouvelle créature.

Après son baptême, un an plus tard, ayant besoin de soins, il descendit à Chüchowfu pour être traité par le Dr. Douthwaite qu’il réjouit par sa connaissance de la Parole de Dieu.

« Yü m’a supplié de le laisser partir comme prédicateur de l’Évangile. J’en ai conduit des centaines sur le mauvais chemin, disait-il, et il me faut les diriger maintenant vers le chemin de la vérité. Laisse-moi aller ; je ne désire point votre argent ; je veux seulement servir le Seigneur Jésus ».

Trois semaines plus tard, cet ardent missionnaire revenait avec son premier converti. Bientôt un fermier nommé également Yü devint à son tour un gagneur d’âmes.

« Il était débordant de joie. Pendant quarante ans, disait-il, j’ai cherché la vérité et voici, je l’ai trouvée ».

L’ex-capitaine continuait à travailler. Un jour en route il rencontra un jeune étranger et prit bientôt grand intérêt à sa conversation. Ils marchèrent longtemps ensemble et l’histoire de la vie, de la mort, de la résurrection de Christ répondit si pleinement aux besoins du jeune homme qu’il devint, dès ce jour, non seulement un croyant, mais un prédicateur. Visitant son village, le Dr. Douthwaite fut surpris de trouver la cour de la maison pleine de gens assemblés comme pour un culte. Tous les sièges étaient réquisitionnés. S’il n’était pas venu, le culte aurait eu lieu comme d’habitude. Chaque soir, ils se rendaient chez le fermier Tung (c’était le nom du jeune homme) pour chanter, prier et lire la Parole de Dieu et dans des villages à plusieurs lieues à la ronde, l’évangile était répandu.

La marée montante

1881-1887

 Les soixante-dix

 

Si l’on prononce le nom du pasteur Hsi, comme celui de l’un des premiers convertis de ces régions privées jusqu’à ce moment de l’Évangile, il est facile de comprendre la valeur des travaux qui ont conduit un tel homme des ténèbres à la merveilleuse lumière de Dieu.

Il est venu à nous au début de l’année 1881 et avait lu des ouvrages chrétiens.Il rompit avec l’opium, démolit ses idoles et accepta Christ comme son Sauveur. C’était un homme d’une nature très prompte et sa conversion fut soudaine et pleine de joie.

Il recevait déjà des gens chez lui, des fumeurs d’opium pour les guérir de leur passion et les conduire à Christ. Il fut un de ceux dont la fidélité dans la persécution et le zèle à faire connaître le Sauveur remplissait le cœur de joie d’Hudson Taylor. Il disait :

« Quand le Seigneur nous donne de tels encouragements, hésiterions-nous à poursuivre plus avant ? »

Un consul anglais disait en cette même année :

« Toujours en route, les missionnaires de cette société ont voyagé à travers tout le pays, endurant souffrances et privations, et, sans s’imposer jamais, ils ont partout suscité des amis. Cette mission a montré comment il faut répandre l’Évangile en Chine ».

En six années de voyages presque ininterrompus la Chine entière fut traversée, sauf le Hunan et on pénétra jusque dans la Mandchourie et le Tibet. James Cameron avait atteint les régions du Nord du Shansi au-delà de la grande Muraille et avec d’autres frères, il avait visité toutes les villes.

Pendant ce temps, une œuvre semblable se poursuivait au sud. James Mc Carthy parcourait à pied les trois provinces du Sud-ouest, prêchant partout sur son passage.

L’ouest de l’Yünnan échut aux ardents pionniers J.W. Stevenson et Henry Soltau, qui furent même autorisés à franchir la frontière birmane pour tendre la main aux avant-gardes de la Mission qui arrivaient de l’est et de l’ouest.

En octobre 1881, Mme Taylor dut rentrer en Angleterre après trois ans d’absence. Hudson Taylor partit de Chefoo, son quartier général, pour conférer avec plusieurs des pionniers à Wuchang. Il y avait eu un été très chaud et pénurie de ressources.

« Si nous ne déposions pas vraiment notre fardeau sur le Seigneur et si nous ne sentions pas que la responsabilité de pourvoir à nos besoins est la Sienne, nous serions très préoccupés. Quand serons-nous au bout de nos difficultés ? Les fonds sont de plus en plus rares. Nous avons grand besoin de prières, mais Dieu ne nous a jamais fait défaut ».

Ses collègues de Chefoo remarquaient qu’il passait de plus en plus de temps à la prière.

« Que feriez-vous, disait-il simplement, si vous aviez une nombreuse famille et rien à donner à vos enfants ? C’est presque ma situation. De toute façon, c’est une bénédiction d’être entre les mains de Dieu qui nous aime ».

En pleine conférence à Wuchnag il disait :

« Je suis fort occupé…. Dieu nous fait jouir d’une heureuse communion et nous confirme dans les principes que nous appliquons. Il vaut mieux demander à Dieu ses plans et nous consacrer pour accomplir ses desseins ».

Hudson Taylor faisait le compte des hommes et des femmes auxquels il fallait répondre vu leurs pressants besoins. Ils pensèrent alors que le Seigneur pourrait leur envoyer encore soixante-dix autres disciples. Cela semblait excessif en égard aux maigres ressources, mais à ce moment-là, alors que les missionnaires contemplaient au confluent du Yangtze et du Han, une contrée peuplée de deux millions d’âmes, le pied de M. Parrott heurta dans l’herbe un corps dur. Il ramassa une bourse pleine de menue monnaie.

« Si Dieu nous a conduit sur la colline pour cela, Il peut bien nous donner tout l’argent nécessaire ».

On fixa à trois ans la période d’attente, ce qui paraissait nécessaire pour recevoir et mettre au travail de nouveaux ouvriers.

Une réunion eut lieu et ce soir-là Hudson Taylor prononça la prière de la foi et avant de se séparer ils remercièrent Dieu pour ces soixante-dix recrues.

Plus profond

1882

« Nous étions à table, raconta Hudson Taylor, quand nous reçûmes le courrier d’Angleterre et je n’oublierai jamais de si tôt ce que j’éprouvai en trouvant dans une lettre un peu moins de cent livres au lieu des sept et huit cents qui nous étaient nécessaire pour le mois.

Je refermai l’enveloppe, regagnai ma chambre et m’agenouillai, ouvrant la lettre devant Dieu et lui demandant ce qu’il fallait faire avec une aussi petite somme que je ne pouvais pas partager entre soixante-dix stations. Certes, personne au dehors n’était au courant de ces circonstances. Bientôt les fonds arrivèrent sous forme de dons des amis du voisinage qui ne se doutaient guère de la valeur exceptionnelle de leur envoi et il fut pourvu à tous les besoins. Nos cœurs chantaient de joie comme cela n’a jamais été le cas, pour des secours venant de Chine ! »

Exhorté de cette manière à regarder au Seigneur et non pas aux amis d’Angleterre, Hudson Taylor éprouvait ardemment le besoin de demander à Dieu de mettre, de manière précise, son sceau sur ce dessein des « soixante-dix ». Ils demandèrent d’être encouragés ainsi que les timides amis d’Angleterre, et quelques jours plus tard, alors qu’il s’embarquait pour l’Angleterre, la réponse vint quand il était à l’escale d’Aden. Aucun récit de cette réunion de prières n’avait atteint Londres, mais M. Broomhall, à la rue de Pyrland, eut la joie de recevoir le 2 février la somme de trois mille sterling pour l’œuvre en Chine.

Avec ce don était inscrit ce texte :

« Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage et les extrémités de la terre pour possession ».

Puis était ajouté cette note :

Père : mille livres.

Mère : mille livres.

Mary : 200.

Rosie : 200.

Bertie : 200.

Anny : 200

Henry : 200

—————–

3.000.

 N’est-ce pas frappant de constater comment Dieu avait exactement répondu à notre prière et poussé son fidèle serviteur à rendre possible une grande bénédiction pour lui et sa famille ? Jamais auparavant un don de ce genre ne nous avait été fait. Il fut renouvelé cinq mois plus tard avec une contribution de 1000 livres sterling.

Bel exemple d’un père désirant que chaque membre de sa famille ait « un trésor dans le ciel » !

Plus que tout ce que vous demanderez

1883-1884

 Arrivé en Angleterre, des réunions de tous côtés réclamèrent bientôt le chef de la mission, l’homme si plein d’assurance en son Dieu fort. Un important courrier l’attendait et il lut ces lignes :

« Si vous n’êtes pas encore mort, disait la charmante lettre d’un enfant, je désire vous envoyer de l’argent que j’ai économisé pour aider les petits garçons et les petites filles de Chine à aimer Jésus ».

Lord Radstock écrivait du continent :

« Recevez toute mon affection dans le Seigneur ; vous nous êtes d’un grand secours en Angleterre, car vous fortifiez notre foi ».

« De tout cœur, je me joins à vous pour demander les soixante dix nouveaux ouvriers, écrivait M. Berger, en envoyant cinq cent livres sterling, mais ne vous arrêtez pas à ce chiffre ! Nous verrons certainement de plus grandes choses que celles-ci, si nous ne cherchons que la gloire de Dieu et le salut des âmes ».

A la conférence de Salisbury, on fut surtout impressionné par l’humilité d’Hudson Taylor, ou plutôt par la manière dont Dieu le revêtait d’humilité. Bien qu’il n’y eût pas de collecte, des gens vidaient leurs bourses, se débarrassaient de leurs bijoux et donnaient leur propre vie pour le service de Dieu.

De Taïyuan, le Dr. Schofield priait tous les jours pour les soixante dix, mais quelques jours après, il mourait de la diphtérie contractée en soignant un malade. Il mourut pendant qu’il priait. La demande qu’il adressait à Dieu était qu’Il touchât le cœur des étudiants et qu’Il les suscitât pour Son œuvre parmi les païens.

Mais les prières de ce cher serviteur ne furent pas vaines. Le jour même de sa mort, qu’Hudson Taylor ignorait encore, le D.E. Hoste lui demandait une entrevue et s’engagea pour la mission. Personne ne supposait que quelques années plus tard, il remplacerait Hudson Taylor à la tête de la mission. La venue de Stanley P. Smith, étudiant au Collège de la Trinité, célèbre par ses exploits de rameur, ayant eu la vocation avec ses camarades, formèrent la célèbre équipe des « sept de Cambridge » qui furent le moyen d’un réveil au sein des universités en Angleterre et aux États-Unis. N’était-ce pas la réponse de Dieu aux saintes intercessions de ce cœur plein de foi et vivant en étroite communion avec Lui ?

Hudson Taylor faisait appel aux jeunes, non pas pour sa propre mission, mais pour le Divin Maître. La veille de la nouvelle année, consacrée dans un tel esprit à la prière et au jeûne, fut mémorable. Certains de ses compagnons étaient restés en Écosse. Hudson Taylor reçut des nouvelles le matin même de la capitale du Nord : « Deux mille étudiants hier au soir, heures merveilleuses ! C’est le Seigneur ! »

 Le prix du progrès.

1885-1886

Combien l’Église connaît peu son glorieux Maître pour considérer l’œuvre missionnaire comme un sacrifice ! Être Ses ambassadeurs, Ses témoins, Ses collaborateurs, avoir part en quelque mesure « à la communion de ses souffrances », afin « de Le connaître Lui et la puissance de sa résurrection », c’est dans un sens plus profond « gagner Christ », tout cela peut-il être autre chose qu’un gain infini et éternel ?

Pendant ce temps, le mouvement commencé à Édimbourg parmi les étudiants gagnait en étendue et en profondeur. Le Dr. Moxey écrivait : « Les mains puissantes et les bras musclés de l’ex-capitaine des sept de Cambridge, étendus en un geste de supplication, tandis qu’il exposait la vieille histoire de l’amour rédempteur renversaient les théories comme quoi leurs camarades pieux étaient inaptes à la rame ou au cricket. Et quand M. Studd, le célèbre joueur de balle de toute l’Angleterre ajouta quelques phrases ardentes, mais calmes, l’opposition et la critique étaient désarmées. Les professeurs et les étudiants fondaient en larmes. La grande salle était pleine d’auditeurs demandant avec angoisse : «  Que faut-il faire pour être sauvé ? »

Il restait à faire les visites d’adieux à Oxford et à Cambridge. M. Studd s’exprima ainsi : « Je désire vous recommander mon Maître. J’ai goûté la plupart des plaisirs du monde, mais je puis dire que ces plaisirs ne sont rien à côté de ma joie présente. J’ai eu jadis autant d’amour pour le cricket qu’un homme peut en avoir, mais quand le Seigneur Jésus vint dans mon cœur,je trouvais que je possédais quelque chose d’infiniment meilleur. Mon cœur n’est plus au jeu ; je n’aspire qu’à gagner des âmes et à servir Jésus Christ ».

Tout cela causait une grande joie à Hudson Taylor et à ses compagnons d’œuvre en Chine. Mais on pouvait bien supposer que le grand Adversaire ne reculerait devant rien pour faire obstacle à ces projets. Le 15 octobre il écrivait : « Une grande mise à l’épreuve et une grande bénédiction sont imminentes. Mon seul repos est en Dieu. La lutte est dure. Satan nous presse de partout, mais le Seigneur est au milieu de nous et Il triomphera. Ayons confiance en Lui ».

Hudson Taylor avait beaucoup souffert de ne pouvoir visiter, à la suite d’empêchements réitérés, les provinces du Nord comme il l’espérait. Et ce ne fut qu’en mai et juin 1886 qu’ils arrivèrent dans ce district, où ils étaient depuis longtemps attendus, les messagers de l’Évangile dont le cœur aimant et la vie de prière apportaient la bénédiction divine.

Dix années s’étaient écoulées depuis la dernière visite d’Hudson Taylor aux convertis du capitaine Yu. Lors de sa première visite, ne se groupaient que des chrétiens hommes. L’opposition de leurs femmes était telle qu’ils avaient dû louer une chambre pour pouvoir librement lire et prier. Mais maintenant les femmes étaient aussi nombreuses que les hommes !

Rentré à Shanghai après six semaines d’absence, Hudson Taylor se trouva en présence d’un autre problème. Il arrivait au dernier jour pour l’achat d’un terrain à bâtir qu’il désirait acquérir. Mais il n’avait pas l’argent disponible. Que faire ? Il était du moins possible de prier et c’est ce qu’on fit à la réunion de prières de midi.

Parmi les nouveaux arrivants se trouvait un homme sur qui reposaient, deux ans auparavant, de lourdes responsabilités en affaires, lorsqu’il entendit l’appel pour la Mission. Il ne se sentait pas libre de partir avant d’en être déchargé. Des délais inattendus l’avaient retardé, de sorte qu’il ne put rejoindre Hudson Taylor à Shanghai que le jour de la vente du terrain. Le résultat fut le don suffisant qu’il fit pour couvrir l’achat du terrain et un peu plus tard des bâtiments pour y établir le quartier général de la Mission. C’était une merveilleuse réponse !

Jours de bénédictions.

1886

L’occasion si longtemps attendue de visiter le Shansi s’offrait enfin ! Mais il fallait d’abord atteindre la province désirée par delà les vastes plaines du Chihli et les montagnes qui les bordent. C’était un voyage nouveau, être sur des chariots sans ressorts et sur de simples sentiers à peine tracés en des contrées desséchées par le soleil ou inondées par la pluie, c’était une rude épreuve de patience ! Le soir les compagnons d’Hudson Taylor étaient trop las pour déballer leurs provisions ou aller à la recherche d’un repas. Mais Hudson Taylor les réveilla après des heures de sommeil pour les inviter gaiement à partager « un poulet de minuit » vraisemblablement apprêté par ses propres mains !

Le contraste fut d’autant plus grand, lorsqu’on atteignit l’hospitalière demeure du Dr. Edwards. Les cinq membres de la troupe de Cambridge étaient là pour les accueillir. Au bout de quinze mois de séjour, ils s’exprimaient facilement en chinois.

Le district, où ils étaient, était celui de M. Hsi, le lettré, ancien disciple de Confucius. Soixante douze baptêmes avaient doublé le nombre à l’Église de Pingyang.

« Jours de bénédictions » est le titre d’un livre conservant le souvenir de ces réunions bénies. Hudson Taylor insistait sur le besoin d’un contact direct et étroit, non seulement avec le Seigneur Lui-même, mais avec ceux dont nous désirons le bien. Il parlait ensuite du témoignage de la vie : nous devons manifester la vérité, aussi bien que la prêcher.

« Oh ! vivre des vies conséquentes ! La vie de l’apôtre l’était. Nul ne pouvait avoir l’impression que sa demeure était ici-bas ; tous voyaient qu’elle était là-haut ». Hudson Taylor estimait que la vérité du retour du Seigneur en Personne pour les Siens était d’une importance capitale.

« Il pouvait revenir en tout temps et quand je revins en Angleterre, nous examinâmes avec ma chère femme tout le contenu de notre maison, de la cave au grenier en pensant précisément au fait que le Seigneur pouvait revenir promptement. Je ne possédais pas beaucoup de livres, mais je fis une inspection de ma bibliothèque et de mes vêtements également Je détruisis plusieurs volumes et me débarrassais de plusieurs objets et nous avons pu constater de combien de choses nous pouvions nous passer ».

M. Hsi avait une forte influence sur les croyants indigènes. Il était si résolu que tout semblait céder devant lui et si humble en même temps. Il avait un refuge pour fumeurs d’opium, qu’il dirigeait près de sa demeure. Il avait prié chaque jour pour l’ouverture de ce refuge, mais l’argent faisait défaut et les loyers étaient très onéreux.

Combien faudrait-il ? demanda son épouse. Puis s’en attendre la réponse, elle s’en alla et n’en parla plus. Le lendemain, elle parut dans une toilette très simple et déposa sur la table quelques petits paquets. Je crois que Dieu a exaucé nos prières, dit-elle. Frappé de son aspect et de ses paroles, M. Hsi ouvrit les paquets et y trouva tous ses bijoux, ornements d’or et d’argent si indispensables à une dame chinoise.

Oui, dit-elle, joyeusement je puis me passer de tout cela et le refuge fut ouvert avec cet argent. Toutes ces choses ne vous manquent-elle pas, demanda plus tard Hudson Taylor en se tournant vers elle.

Me manquer ! répliqua-t-elle. Quoi ! Je possède Jésus ; ne me suffit-Il pas ?

 

Les Cent

1886-1887

M. Stevenson était revenu de l’intérieur du pays, enthousiasmé de ce qu’il avait vu dans les provinces du Nord. Avec M. Hsi, il avait passé plusieurs semaines à visiter les groupes isolés de convertis et il était toujours plus frappé de la vitalité et des possibilités de l’œuvre. Son cœur débordait de joie, de cette joie dans le Seigneur qui fait notre force et en partageant la tâche avec Hudson Taylor, il apportait une large mesure d’espérance et de courage.

« Nous sommes grandement encouragés, nous demandons et recevons des bénédictions précises pour cette terre affamée et altérée. Nous attendons au moins cent ouvriers en Chine en 1887. Que Dieu les choisisse et nous donne les ressources nécessaires ».

Cette vision et cet esprit de joie les soutinrent dans les magnifiques et terribles journées de 1887. Quelle année se fut ! Précédée de deux jours de prières, car un seul ne suffisait pas, elle s’acheva avec le dernier groupe des Cent, tout travail terminé et toutes dépenses payées. Onze mille livres furent reçues sans aucun appel de fonds. De plus, cette somme était exactement constituée de onze dons qui ne demandèrent que peu de travail administratif supplémentaire. Cette histoire supporte d’être redite, non à la gloire de l’homme ou des méthodes humaines, mais à la gloire de Dieu seul.

Pendant ce temps, à la rue de Pyrland, M. Broomhall n’était pas moins occupé. Un jour, il sortit de sa poche une lettre qui l’avait profondément touché. Elle provenait d’une pauvre veuve écossaise, qui, vivant de quelques shillings par semaine, faisait des dons fréquents pour la Mission en Chine. Elle pouvait se passer de viande, disait-elle, mais les païens ne pouvaient pas se passer de l’Évangile. Ces simples mots témoignaient d’un véritable esprit de sacrifice.

Il n’en fallut pas davantage pour que cette lettre produise un résultat bien plus considérable que son auteur ne l’eût supposé. A la fin du repas, l’hôte déclara que tout ce qu’il avait donné pour l’œuvre de Dieu – et il avait donné beaucoup – ne l’avait jamais privé d’une côtelette de mouton. A l’étonnement de M. Broomhall, il promit cinq cent livres sterling pour la Mission ; et trois autres convives firent une promesse semblable et une quatrième personne qui n‘assistait pas au repas, mais en avait entendu parler, porta la somme à deux mille cinq cent livres sterling. C’était la preuve que la prière qui jaillissait en Chine, tous les jours et de tant de cœurs, était selon Sa volonté.

Le jour de son anniversaire, Hudson Taylor fut réjoui par la nouvelle d’une abondante moisson : dans le district de M. Hsi, deux cent vingt-six convertis avaient été baptisés. Quand il commémora ce jour (il avait 55ans), il pouvait dire :

« Le Seigneur est toujours fidèle. Ce n’est pas d’une grande foi dont nous avons besoin, mais de la foi en un grand Dieu. Si même la foi est petite comme un grain de moutarde, elle suffit à déplacer une montagne. Si l’œuvre est aux ordres de Dieu, nous pouvons lui demander des ouvriers en toute confiance et s’il donne les ouvriers, nous pouvons Lui demander de pourvoir à leurs besoins. Prenons garde d’avoir constamment Dieu devant les yeux. Je redoute beaucoup plus l’argent non consacré que le manque de fonds. Il y avait là un garçon avec ses cinq pains d’orge et deux poissons et cela a suffi au Maître ».

MINISTÈRE ÉLARGI

1887-1894.

 

Peu de gens savent ce qu’il y a entre Christ et moi

1887-1888.

Dix jours avant la fin de l’année, Hudson Taylor revenait à Londres, ayant terminé la rude bataille qui, bien qu’accomplie dans la foi et le repos du cœur, l’avait mis néanmoins à l’épreuve, lui et ses collaborateurs.

Cela lui amena plus de réunions qu’il ne pouvait en accepter, mais les faits étaient un puissant encouragement pour sa foi. Il écrivait à M. Stevenson :

« Quelle année merveilleuse pour vous et pour moi ! Certainement Satan ne laissera pas une pierre sans l’avoir retournée pour en faire un obstacle. Il faut nous attendre à des difficultés, mais Celui qui est avec nous est plus fort que celui qui est contre nous ».

Un soir d’été, à la fin juin, l’Etruia prit la mer emportant Hudson Taylor, son fils et un secrétaire. M. et Mme Radcliffe étaient aussi des leurs. Hudson Taylor prenait aisément son parti du manque de confort, mais il constata, presque avec surprise qu’il ne lui était pas plus aisé de se séparer de ceux qu’il aimait. Un long temps pouvait s’écouler avant son retour. Ils allaient en Chine en passant par les États-Unis.

« Peu de gens savent ce qu’il y a entre Christ et moi » écrivait Rutherford. Peu de compagnons de voyage à travers l’Atlantique soupçonnaient ce qui se passait derrière l’apparence paisible du missionnaire qui se rendait en Chine pour la septième fois.

Hudson Taylor repartit des États Unis pour la Chine en Octobre, comblé d’affection, de confiance, de dons, suivi par les prières d’un grand nombre et accompagné d’une troupe de jeunes ouvriers. Et rien n’avait été organisé d’avance !

Dans une conférence pour étudiants, on lui demanda : « Avez-vous toujours le sentiment que vous demeurez en Christ ? »

Il répondit : « Quand je dormais, la nuit dernière, ai-je cessé de demeurer dans votre maison parce que je n’en avais pas conscience ? Nous ne devrions jamais avoir le sentiment que nous ne demeurons pas en Christ ».

Les réunions d’adieu furent la partie la plus émouvant de ce séjour en Amérique. Car le sacrifice que faisaient les nouveaux missionnaires et leurs familles était bien réel, mais l’amour de Christ remplissait les cœurs au point que tous ceux qui les voyaient ou les entendaient en étaient émus. Une joie sans pareille éclairait le visage des quatorze jeunes gens qui quittèrent Toronto. Le lendemain, un millier de personnes, sur le quai de la gare, chantaient et venaient saluer les voyageurs. A la fin, M. Radcliffe fit une prière dont la foule répétait les paroles à haute voix jusqu’à ce que le train se soit mis en branle.

 La croix ne devient pas moins dure

1888-1889.

Le passage des Montagnes Rocheuse parut merveilleux à Hudson Taylor. Mais il était aussi émerveillé d’avoir avec lui la petite troupe donnée d’une façon si inattendue pour la Mission en Chine.

Mais l’expérience avait appris à Hudson Taylor qu’à chaque époque de prospérité et de bénédiction correspondait une épreuve spéciale. En arrivant à Shanghai il apprit la mort de quatre missionnaires en un mois et il en fut très affecté.

 » Sur la mer tourmentée de la vie

Jésus, Sauveur, conduis-moi ! « 

Une croissance trop rapide était-elle dangereuse pour la santé spirituelle de l’œuvre ? M. Stevenson écrivait : « Nous voguions toutes voiles dehors, sous une brise favorable. Il fallait du lest, quoique à ce moment nous ne pussions nous en rendre compte ».

La croix ne devient pas moins dure, mais elle porte de doux fruits. Son intense et évident désir était de marcher droitement devant Dieu. Il ne reculait devant aucun obstacle pour dissiper des incompréhensions et il sentait que deux membres de la Mission encore à Shanghai manquaient de cordialité. Alors il leur écrivit un petit mot exprimant le désir de les voir. Il passa une longue soirée avec eux et cela fut très pénible, car leur attitude était loin d’être conciliante. Mais tout finit bien. Il put prier avec eux et la communion fut rétablie.

Sur un papier jauni trouvé dans sa Bible et datant de cette époque, on pouvait lire :

« Seigneur Jésus, deviens pour moi une vivante et claire réalité, plus présente au regard de ma foi qu’aucun objet visible, plus précieuse, plus intimement proche que le bien terrestre même le plus doux ».

Avec des ailes d’aigle

1889

Envisageant les difficultés qui l’attendaient en Angleterre, où l’on mettait en question son association avec l’Amérique, il se prépara à quitter la Chine pour voir les choses sur place. Toutefois ce ne fut pas dans un sentiment de suffisance qu’il se mit en route et en approchant d’Aden, il écrivit à M. Stevenson : « Il est si solennel de sentir que l’on peut aller comme Samson le fit, sans avoir le sentiment que Dieu vous ait quitté et ce fut pour lui la défaite, la captivité et l’aveuglement. Puisse le Seigneur me tenir tout prêt de Lui. La solennité de la situation me fait trembler, mais le Seigneur nous gardera ».

Le jour même de son arrivée, le 21 mai, il constata que Dieu était intervenu pour lui permettre de poursuivre d’heureuses relations. La pierre était déjà enlevée.

« Je désire que notre vie soit une ascension et que nous ne nous contentions pas de ce que nous avons appris, senti ou atteint. Dieu a été fidèle envers nous ».

De vives espérances se formaient en lui et il désirait toujours plus connaître la puissance merveilleuse de Dieu.

« Nous poursuivons l’œuvre, sentant notre faiblesse et tous nos besoins ; sentant la faiblesse et la pauvreté de l’Église et la superficialité de sa consécration ; sentant la force du front uni que forment la chair et le diable. Nous avons besoin de penser davantage à Dieu, de regarder à Lui, de puiser dans Sa puissance, Ses ressources, dans Ses promesses. Demeurant en Lui, nous comprendrons mieux Son caractère et Ses plans, et serons mieux à même de faire Sa volonté ».

Dans la petite ville d’Attica deux cœurs tendrement unis apprenaient de semblables leçons. Une main invisible secoua leur nid. Par l’échec d’un commerce prospère, les revenus largement suffisants venaient d’être supprimés. Or M. Frost était largement engagé dans un travail d’évangélisation et dans une participation active à l’œuvre de la Mission en Chine.

Fallait-il renoncer à l’œuvre ? Il n’arrivait pas à admettre que telle fut la volonté de Dieu et il en vint à se poser la question : « En quel Père as-tu confiance ? ». Fallait-il quitter la somptueuse demeure, sachant que ce serait très dur pour son épouse et ses enfants ? ou reprendre un commerce ?

Comme ils demandaient à Dieu ses directives, Mme Frost reçut la lumière par la lecture du prophète Aggée :

« Elle vint s’asseoir près de moi, raconta son mari, et m‘indiqua du doigt le verset : «  Est-ce le temps pour vous d’habiter dans vos maisons lambrissées, tandis que cette maison est dévastée ? » (Aggée 1, 4). Toute explication était inutile et la leçon évidente. Un regard sur son visage me montra que le Seigneur avait remporté la victoire. Dès cette heure, nous décidâmes de quitter notre demeure pour avoir notre part dans la construction de cette maison spirituelle, le Corps de Christ ».

La foi, un esprit de prière, une étroite dépendance de Dieu firent de M. Frost une force pour la Mission.

Réjoui et encouragé, Hudson Taylor quitta l’Amérique en août pour un voyage en Suède. Ses occupations étaient si pressantes qu’il avait à peine le temps de se souvenir devant Dieu, chaque jour, de tous ses compagnons d’œuvre et il savait bien que se relâcher dans la prière était ouvrir la porte à l’ennemi.

Conscient que Dieu l’appelait, il avait accepté l’invitation des chrétiens suédois et il y trouva de grands auditoires. En quittant Linkôping, il se sentait très fatigué. Il avait tenu plusieurs réunions la veille et chemin faisant, son fils lui dit :

Laisse moi prendre un billet de seconde classe ?

M. Taylor lui répondit avec douceur : «  Non, c’est l’argent du Seigneur ; il vaut mieux que nous en soyons économes ».

Le fardeau qui pesait sur le cœur d’Hudson Taylor pendant son voyage en Suède venait d’une intelligence plus complète de l’ordre du Maître :

« Allez dans tout le monde, et prêchez l’évangile à toute la création » (Marc 16, 15).

Ainsi d’une façon inattendue, Hudson Taylor en vint à la vision suprême de sa vie, au plan qui devait dominer les dix dernières années de son service actif. Âgé de 57 ans, riche d’expériences, il accepta cette nouvelle responsabilité avec la même foi et la même confiance qui l’avaient animé autrefois.

Oh ! la puissance de l’Amour éternel! Tout est là, condensé, sans lassitude, sans compromis, en dépit des sévères réalités apprises au cours des vingt-quatre années passées à la Mission à l’intérieur de la Chine.

A toute créature

1889-1890

Dans ces mots « A toute créature », Hudson Taylor voyait, non un plan humain, mais un ordre divin. Il le reçut comme un décret royal qui ne supporte aucun retard. C’est ainsi que fut conçu le numéro de décembre du China’s Millions. Il demandait une action immédiate dans le domaine accessible à tout chrétien, celui de la prière.
« Comment mener à bien un tel projet ? D’abord par une prière fervente et pleine de foi. C’était le plan que proposait notre Sauveur : « La moisson est grande mais il y a peu d’ouvriers ; suppliez donc le Seigneur de la moisson, en sorte qu’il pousse des ouvriers dans sa moisson » (Luc 10, 2) ».
Hudson Taylor ne pensait pas seulement à l’ordre du Maître mais il pensait à son exemple. « Je suis heureux, disait-il, que ce fût une multitude si grande que les disciples estimaient impossible de la nourrir. Cependant ses besoins étaient réels et pressants. Remarquons que la seule présence des disciples n’aurait pas suffi. Ils regrettaient de ne pas avoir de pain…mais, Jésus était là, et Sa présence assurait la réalisation de ses desseins. Tous furent rassasiés et les disciples, non seulement repris et instruits, mais enrichis . Sommes-nous devant Lui, dans un esprit d’entière consécration. Je ne dis pas avec une foi forte, ni une intelligence profonde, avec des talents naturels et spirituels extraordinaires, mais dans un esprit d’entière consécration. Lui sait ce que cela implique. Nous n’avons pas besoin de le savoir. En retour du peu que nous sommes, Il se donnera Lui-même à nous ».

Les Mille à venir

1890-1891

La conférence lança un appel pour mille hommes à recevoir dans les cinq années suivantes.
Simultanément d’une manière inattendue, la main de Dieu agissait, quatre pasteurs de Melbourne furent fort troublés par les besoins spirituels et les appels de la Chine. La conviction s’empara de chacun d’eux que les chrétiens d’Australie devaient faire quelque chose pour l’évangélisation du plus grand pays païen du monde. Ils s’unirent dans la prière et, peu après, l’un d’entre eux fut appelé à consacrer sa vie à cette œuvre. Ce ne fut pas tout, car, dans l’île voisine de Tasmanie, de semblables résultats furent obtenus. Hudson Taylor se disposa à partir pour l’Australie.
Les locaux de réunions qu’il tint là-bas se remplissaient de nouveau d’auditeurs empressés. On le présenta même comme « notre illustre hôte ». Alors Hudson Taylor, se tenant debout, silencieux un instant, « la lumière de Dieu sur son visage », selon le rapport d’un participant, commença son discours en disant d’une manière qui gagna tous les cœurs : « Mes chers amis, je suis le petit serviteur d’un illustre Maître ». « Il était pour moi, écrivait M. Macartney de Melbourne, une leçon de calme et de maîtrise de soi. Il prenait à la banque du ciel chaque centime de son revenu quotidien. Il n’était jamais pressé, énervé ou vexé.
Moi, j’étais tout différent. J’ai un tempérament nerveux et ma vie active me mettait dans une agitation perpétuelle. Je dis un jour à M. Taylor : « Vous vous occupez de millions d’hommes, moi de quelques dizaines ; vos lettres ont une importance capitale, les miennes en ont bien moins. Et pourtant je suis souvent troublé et agité. D’où vient cette différence ?
Mon cher Macartney, me répondit-il, la paix dont vous parlez, dans ma situation, est plus qu’un privilège ; c’est une nécessité. Je ne pourrais certainement pas faire l’œuvre que je fais, si la paix de Dieu qui surpasse toute connaissance ne gardait mon cœur et mon esprit ».
L’œuvre en Chine se développa merveilleusement. Mme Taylor put regagner Shanghai après neuf ans d’absence et sa présence semblait doubler la puissance de travail de son mari !
En 1891, en six mois, cent trente-trois ouvriers débarquèrent à Shanghai. Un même appel de la part de Dieu eut lieu en Scandinavie, des hommes prêts à aller de lieu en lieu prêcher l’Évangile, distribuer des traités ou des bibles selon que le Seigneur les conduirait, pour trois ans au moins, s’engageant à ne pas se marier, ni même se fiancer pendant ce temps.
Leur arrivée à la Mission reste inoubliable. Deux jeunes hommes se présentèrent à la porte principale. M. Stevenson, allant à leur rencontre, dit :
Ce doit être les Scandinaves. Combien êtes-vous ?
Trente-cinq, répondirent-ils, à la grande surprise de leurs hôtes et dix autres, peut-être quinze arriveront la semaine prochaine.
A peine pouvait-on les loger, mais ils paraissaient si heureux qu’aucune hésitation n’était possible. La seule chose à faire était de les recevoir, quoique la maison fût remplie, comme un don de Dieu, comme l’avant-garde des mille qui allaient venir. Qui n’a pas reçu parmi les habitants de cette maison de la Mission une bénédiction par l’arrivée de ces cinquante Scandinaves ? Ils chantaient et quoique un petit nombre d’entre eux seulement fût capable de parler anglais, ils priaient dans nos réunions avec une parfaite liberté.

Encore plus profond
1891-1892.

Les temps devenaient graves et dangereux pour les étrangers en Chine. Les cinquante Scandinaves étaient à peine partis en chantant que des soulèvements éclataient dans la vallée du Yangtze. Les locaux de la Mission furent détruits l’un après l’autre et tous les étrangers se trouvèrent en péril.
Le souci principal d’Hudson Taylor était que la Mission demeurât ferme dans la foi, donnant aux chrétiens chinois l’exemple du calme et de la confiance en Dieu.
« Nous encourageons sans cesse les nouveaux convertis à affronter la persécution et à se laisser dépouiller pour la cause de Christ. Des années d’enseignement les impressionnent moins que ne peut le faire notre attitude en de tels moments. Leur sympathie nous sera acquise s’ils nous voient résolus à souffrir comme eux pour l’évangile. Une période de danger fournit une grande leçon pratique pour les chrétiens indigènes ».
Tous les ouvriers de la Mission, à de rares exceptions près, purent rester à leur poste et aucun d’eux ne trouva la mort dans les émeutes. L’été avait été fort chaud et on pensait qu’une pluie forte et continue serait plus propre que tout autre chose à calmer les esprits. Les prières furent ardentes et précises et trois semaines plus tard, Mme Taylor écrivait : « La pluie est tombée presque tout un mois » et l’effet fut précisément ce qu’on espérait. Les rassemblements populaires furent dispersés et l’hostilité vis à vis des étrangers cessa peu à peu.
En février 1892, M. Frost vint pour la première fois en Chine, arrivant de Toronto avec quelques missionnaires et il parcourut toutes les stations du voisinage. Une conférence eût lieu pour le rencontrer à Shanghai et fut un vrai réconfort spirituel. Elle débuta par un cantique : « Nous désirons voir Jésus » qui aussitôt après, fut modifié, pour traduire exactement les expériences, et la vie rayonnante des missionnaires : « Nous avons vu Jésus ».

Le mouvement en avant

1893-1894

Jamais, depuis le jour d’octobre 1889, où Hudson Taylor avait écrit ses pensées dans la brochure « A toute créature », ce sujet n’était resté loin de son cœur. Comme si la demande de la Conférence de Shanghai de mille missionnaires soulevait l’opposition de toutes les puissances du mal, de graves difficultés avaient assailli l’œuvre missionnaire, mais Hudson Taylor restait convaincu que ce dessein venait de Dieu. La diminution des ressources en Angleterre et les charges très lourdes en Chine semblaient indiquer que les circonstances n’étaient pas favorables pour un nouveau pas en avant.
A la rue Pyrland, quatre jours furent consacrés à l’étude de la Bible et à la prière et plus que jamais pour Hudson Taylor les questions financières restaient du domaine de la foi.
« Je suis heureux, disait-il dans une réunion, d’être un pauvre homme, de n’avoir pas d’argent et de ne pouvoir rien promettre à personne, mais d’avoir un Père céleste riche et de promettre à tous qu’Il ne les oublierait pas. J’ai mis les promesses de Dieu à l’épreuve. J’étais obligé de le faire, et je les ai trouvées vraies et dignes de confiance ».
M. et Mme Hudson Taylor partirent pour New-York le 14 février 1894, accompagnée de Mlle Géraldine Guinness, qui devait épouser le Dr. Howard Taylor en arrivant à Shanghai, après le séjour en Amérique.
A Détroit eut lieu une conférence au sujet de laquelle l’invitant, M. Mott, écrivait à Hudson Taylor : « Notre principal et seul souci est d’avoir une conférence spirituelle. N’avons-nous pas le droit d’attendre que Dieu fasse de grandes choses pendant ces jours, si nous acceptons Ses conditions ? »
Dieu fit en effet de grandes choses. Dans une inoubliable matinée, la salle se remplit d’étudiants qui venaient chercher une bénédiction précise et durable. Les cœurs découvrirent l’un après l’autre que les richesses de Dieu pouvaient répondre à toutes les insuffisances et à tous les besoins. Des années de service dévoué dans bien des champs de mission devaient témoigner du travail spirituel accompli pendant ces heures.
Arrivés à Shanghai, ils se mirent en route pour l’intérieur et le Dr. Howard Taylor les suivit avec sa jeune femme. Il n’y avait pas alors de chemin de fer et il fallait faire les trajets en brouette ou en chariots sans ressort plus durs encore. C’était de plus le temps d’un soleil brûlant ou des pluies tropicales.
Il peut vous en coûter la vie, lui dit son fils.
Oui, lui fut-il doucement répondu, mais n’oublions pas que nous devons donner nos vies pour nos frères.
Cinq provinces furent visitées et toutes les stations missionnaires le long de la route. Maintes fois les voyageurs furent attristés d’avoir à quitter des auditeurs attentifs qui leur demandaient de rester plus longtemps. Cette famille en voyage était une source d’intérêt continuel. Partout on accueillait la belle fille avec le sourire.
« Peut-être est-ce parce que nous sommes nous-mêmes souriants » disait la jeune mariée !
Dix jours de route conduisirent les voyageurs à Chowkiakow à 435 kilomètres de
Hankow. M. et Mme Shearer reçurent les hôtes poudreux avec une hospitalité empressée. Parmi eux, le cher vieux M. Ch’en, très digne, mais tout ému à l’idée de rencontrer Hudson Taylor, le salua dans la cour intérieure et répétait avec amour et respect : « Sans vous, vénérable Monsieur, nous n’aurions jamais connu l’amour de Jésus. C’est la grâce glorieuse et rédemptrice de notre Sauveur qui nous a bénis par votre venue au milieu de nous. Sinon, nous n’aurions pas été capables de trouver la porte qui conduit au droit chemin ».
Il y eût cependant à craindre des soulèvements et pour ne pas passer pour « des diables étrangers », ils durent se séparer et n’être plus que deux à la fois dans un endroit. Ils mettaient en pratique l’ordre du Maître : « Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre ». Les cinquante Scandinaves étaient dans ce district et à ce moment-là, ces vies consacrées commençaient à porter du fruit. Hudson Taylor retrouva les hommes, dont les familles l’avaient reçu avec tant de cordialité en Suède. En raison de la chaleur, ils voyagèrent au clair de lune et dans cette étape qui aurait pu être dangereuse, ils entendirent une voix leur dire : « Portez-vous des voyageurs étrangers ? Est-ce la petite troupe d’Hudson Taylor ? » Voilà M. Hsi et M. Hoste qui venaient à leur rencontre ! Arrivés dans leurs demeures, une grande table était dressée avec tout ce qui fallait pour un repas « étranger » et en arrière un pavillon royal propre et frais, préparé pour M. et Mme Taylor ! Sur les lits, des draps blancs, des couvertures, des cuvettes d’airain brillantes et des serviettes avec un des meilleurs savons. Rien ne pouvait dépasser l’amour et la joie de cet accueil. Quand Hudson essayait de remercier M. Hsi, il disait les yeux pleins de larmes : « Que n’avez-vous pas souffert pour que nous puissions avoir l’Évangile. Comment pourrais-je faire moins ? » Ainsi parlait l’ancien fumeur d’opium !
Mais les choses allaient mal pour la Chine. Le 25 juillet éclatait la guerre entre la Chine et le Japon. Personne ne savait si la fureur des Chinois impuissants contre l’ennemi, n’allait pas se retourner contre l’autre « étranger ».

 

 Consumé par l’amour.

 1895-1905.

 Pouvez-vous boire cette coupe ?

1895

 En même temps que la guerre japonaise, en avril 1895 s’achevait la période dans laquelle étaient attendus les mille demandés à la Conférence de Shanghai en 1890. Hudson Taylor put annoncer avec reconnaissance la merveilleuse réponse à la prière pendant ces cinq années onze cent cinquante-trois ouvriers avaient été ajoutés au personnel missionnaire en Chine.

Hudson Taylor avait 63 ans et son désir, en faisant allusion à la fin de la guerre, était de hâter l’évangélisation de la Chine. Mais en raison de l’affaiblissement du gouvernement à Pékin, les révoltes se reproduisirent de la côte jusqu’à la frontière du Tibet. Il reçut une émouvante nouvelle : « Soulèvement à Chengtu, capitale de la grande province de Szechwan, amis dans le yamen (la maison du mandarin). Toutes les missions sont détruites » Les nouvelles arrivaient sans cesse : maisons pillées, familles cherchant refuge. Il n’y eut aucune perte de vies. L’œuvre de tant d’années serait-elle menacée de complète destruction ? Hudson Taylor ne le croyait pas. A certains endroits, les convertis rendirent un tel témoignage que de nouveaux venus arrivaient pour s’instruire et les chrétiens indigènes qui avaient bravé tous les dangers venaient crier aux portes du yamen, rassurant les missionnaires : « Nous sommes tous ici, aucun n‘a reculé ». Une ère nouvelle commençait : il faudrait peut-être payer un grand prix pour le triomphe de l’Évangile en Chine.

Une autre petite troupe était dans un extrême péril dans la ville de Sining aux frontières du Tibet. Mr et Mme Ridley, leur jeune enfant et M.Hall étaient les seuls étrangers et ils ont été remarquablement utiles en soignant les blessés entassés après l’émeute dans le temple de Confucius. Ces missionnaires sentirent que leur devoir était de rester dans la ville et leur tâche allait ouvrir des cœurs à l’Évangile plus que des années de prédication. Mme Ridley s’occupait des femmes et des enfants et quand son petit âne traversait au galop les rues affairées, tout le monde faisait volontiers place à la mère prête à tout faire pour soulager les blessés, bien que son bébé l’attende à la maison. Ce qu’ils ne pouvaient comprendre, c’était le secret de sa paix.

Au loin, Hudson Taylor était dans l’angoisse pour eux. Ni lettre, ni argent ne pouvaient leur être envoyés. Il se levait deux ou trois fois par nuit pour prier pour ses collaborateurs qui lui tenaient tant à cœur. La réponse à cette intercession fut merveilleuse. Ils avaient déjà reconnu la main de Dieu quand peu avant le siège de la ville, deux caisses renfermant de nombreuses provisions leur étaient parvenues après des mois de voyage. Elles arrivèrent au moment opportun. Le secrétaire du gouverneur qui habitait la même rue leur donna dix-neuf taëls pour l’œuvre médicale. Puis un grand personnage de la ville vint leur rendre visite et s’aperçut qu’ils n’avaient aucun serviteur. Il en avisa le mandarin qui chargea deux hommes d’un gros sac de grain comme faible reconnaissance pour les travaux des missionnaires et avant que cette réserve fut épuisée, six hommes rapportèrent chacun son sac et on le fit moudre en 300 kilos de farine. Ainsi, sans demander de secours à personne, ils furent non seulement pourvus de tout, mais purent nourrir un grand nombre de ceux qui souffraient de la faim autour d‘eux.

Hudson Taylor reçut la nouvelle plus douloureuse que le choléra visitait une station et emportait un groupe entier de chrétiens indigènes, un missionnaire et son enfant, laissant seule son épouse. Elle raconta à ce moment-là : « Je les aurais si volontiers suivis, mais notre Père en a décidé autrement. Mes trésors sont partis, mais le Père est avec moi. Dieu a pris mon tout, et je ne puis plus Lui donner que ce qui me reste de vie. Puisse-t-Il me remplir de Son amour, de compassion et de puissance ».

Mais sur le champ missionnaire la douleur devint une source de bénédiction. Les épreuves de la foi produisirent une confiance plus profonde. A Cheffoo, les écoles et l’hôpital se développaient. Ils soignèrent même des soldats blessés réfugiés à Cheffoo au début des hostilités. Cela leur valut de la reconnaissance de la part des militaires. Quand il a fallu agrandir l’école de Cheffoo et que selon les principes de la Mission, on eût recours à la prière, n’ayant pas les fonds suffisants, un missionnaire écrivit : « Le Seigneur m’a mis à cœur de me charger de tous les frais de la construction de la nouvelle école ». Ainsi même cette année de souffrance fut une année de reconnaissance, parce qu’elle fut la plus riche, par la bénédiction de Dieu, en âmes sauvées. Touché par la foi et l’amour qui rayonnaient dans la grande famille de la Mission, Hudson Taylor a pu dire avec un de ses collaborateurs : « Il me semble que le Saint Esprit travaille dans le monde entier en faveur de la Chine ».

 Reprise de la marche en avant.

 1896-1899.

 Faut-il s’étonner que les forces d’Hudson Taylor, si longtemps dépensées au service de la Mission, commencent à fléchir sous le poids des circonstances telles que celles de son neuvième séjour en Chine ?

Accompagné de son épouse, il se rendit aux Indes et ce voyage fut très heureux. Une absence de deux années lui fit envisager un retour en Angleterre. Sachant qu’ils arrivaient de Paris pendant la réunion de prières du samedi, on s’abstint de faire connaître l’arrivée du train ! Avec une grande émotion, M. et Mme Taylor s’avancèrent vers la porte ouverte de la salle de réunions au-dessus de laquelle se lisaient, gravés dans la pierre, ces mots qui avaient tenu tant de place dans l’histoire de la Mission : « Ayez foi en Dieu ». Ils restèrent au fond de la salle de sorte, que jusqu’à la fin, on ignora leur présence.

Est-il nécessaire de dire que le Mouvement en avant, resté quelque temps en suspens, était toujours pour Hudson Taylor la chose importante ? Il réclamait une entière consécration à Christ. Il fut assez robuste pour participer à des réunions dans tous les points du pays. Après cet hiver laborieux, il accepta avec plaisir l’invitation de M. Berger de passer dans le Midi de la France une ou deux semaines tranquilles et ce fut un bonheur pour lui d’être avec cet ami bien cher dont la vie touchait à sa fin (M. Berger s’endormit paisiblement le 9 janvier 1899, alors qu’Hudson Taylor était en Chine).

Il revint en Angleterre, mais la fatigue le reprit et il fut obligé de repartir en Suisse à Davos. Là, il était préoccupé par les difficultés financières de l’œuvre pour lesquelles il semblait qu’il devait se rendre en Amérique, en Chine et peut-être en Australie. Il dressait ses plans de voyage, quand un don de dix mille livres sterling sauva la situation. A sa mort, le généreux donateur légua à la Mission le quart de sa fortune (dix mille livres sterling par an pendant dix ans). Cela poussa Hudson Taylor à rechercher un mouvement en avant, mais dans la puissance spirituelle avant tout.

 Parce que tu l’as trouvé bon, Père

               1898-1900

 De plus en plus, c’était sur des chrétiens de Chine, remplis de l’Esprit de Christ, qu’Hudson Taylor comptait pour l’évangélisation de ce pays.

Il n’avait pas le moindre de doute que le don aussi bien que la forme (dix ou douze mille livres sterling par an) ne vînt de Dieu, mais il voyait aussi que l’élargissement de l’œuvre sans un accroissement de foi, de prières et de puissance spirituelle, qui, seul, pouvait la rendre fructueuse, reviendrait à courir au désastre. Cela veut simplement dire que tout ce qui serait entrepris devait l’être et continué en Dieu.

« Nous sentions, écrivait Hudson Taylor, que nous nous mettions en marche sans savoir quand, comment et où Dieu nous conduirait, mais assurés que la lumière et la direction dont nous avions besoin, nous seraient données en chemin ; nous n’avons pas été trompés ».

Ce fut une épreuve pour lui d’être empêché à cause de sa mauvaise santé de participer à toutes les réunions. Dans ses limitations extérieures, il expérimentait la divine alchimie qui transforme l’airain en or et le fer en argent et enseigne de manière à ce que « Sa puissance s’accomplisse dans l’infirmité » (2 Corinthiens 12, 9).

« Ah ! Quelle peine le Seigneur ne prend-t-Il pas pour nous vider et nous montrer qu’Il peut agir sans nous ! Je suis toujours plus reconnaissant, car « Mon Père est le vigneron ». Il y a des bergers en sous-ordre, mais aucune main inexpérimentée ne taille ou n’émonde les sarments du Vrai Cep ? »

La conférence de Chungking fournit à M. Inwood l’occasion d’exercer son utile ministère et à Hudson Taylor de rencontrer quelques-uns des chefs de la Mission. Mais il dut renoncer à l’espoir qu’il caressait de visiter les stations de l’Ouest. Premièrement une nouvelle révolte rendait les voyages fort dangereux et de plus la maladie l’atteignit de nouveau au point qu’on désespéra presque pour sa vie. Mme Taylor le soignait jour et nuit et dans la chambre silencieuse s’agenouilla et pria : «  Seigneur, nous ne pouvons rien, que Ta volonté soit faite, aide-nous ». La première parole d’Hudson Taylor, qui ne savait rien de cette prière, fut de dire : « Je me sens mieux » et dès ce moment-là, il se rétablit. Mais il dut toutefois passer l’été 1899 dans les montagnes de Chefoo.

La Mission réclamait plus que jamais les conseils et la sympathie d’Hudson Taylor. Ainsi, un missionnaire était venu à Shanghai, résolu de quitter la Mission, si, pour la réparation des torts qui lui avaient été causés dans une récente émeute, on ne passait pas outre au principe absolu de ne pas faire appel aux consuls. Hudson estimait fort ce frère énergique et ayant de solides convictions. Prévenu de son intention, il retarda l’entrevue d’un jour ou deux qu’il consacra à la prière. Il mettait en pratique ses propres paroles : « Qu’est-ce que le ministère spirituel ? Si vous voyez que je suis dans mon tort, vous pouvez par la prière, par l’action spirituelle, par l’amour et par la patience, éclairer ma conscience et me faire revenir de mon erreur ».

Pendant ce temps le jeune missionnaire, ardent et impatient, commençait à envisager les choses d’une manière différente. Bien qu’aucun mot n’ait été prononcé contre son attitude, il ne put s’empêcher de sentir qu’il était étranger à l’Esprit de Christ. Il ne se doutait pas qu’Hudson Taylor, qui paraissait trop occupé pour lui consacrer quelques minutes, passait des heures à intercéder pour lui. Aucun raisonnement, et moins encore aucun acte d’autorité n’eût produit cela.

 Les eaux paisibles

 1900-1904

 Dans la maison missionnaire de Pingyang, au sud du Shansi, un petit groupe d’étrangers se préparait à entreprendre un terrible voyage de mille six cents kilomètres à travers un pays infesté de Boxers, pour atteindre un refuge plus sûr. Le pasteur indigène aux cheveux blancs pouvait à peine marcher et était venu leur dire adieu, quand un pressant message l’appela au-dehors. On le suppliait de revenir immédiatement chez lui, car c’était au péril de sa vie qu’il montrait de la sympathie aux étrangers. Il termina l’entretien auprès de ses amis en disant : « Les royaumes peuvent périr, l’Église ne peut être détruite ».

C’est dans cette confiance que lui et des centaines de chrétiens chinois scellèrent de leur sang leur témoignage. Le pasteur Hsi aurait été du nombre, si le Seigneur ne l’avait appelé à Lui quatre ans auparavant.

Pour Hudson Taylor dans ce terrible été de 1900, rien ne restait, sinon l’unique et simple foi : « Tu as été pour nous un refuge de génération en génération ». Il y avait des choses qui ne peuvent être ébranlées et qui demeurent fermes dans la tempête. Mais maintenant, à l’heure de l’épreuve suprême, étant loin de la Chine, combien il souffrait de ne pouvoir alléger ou même partager les souffrances de ses frères. Les nouvelles parvenant du district de Hsi, l’ont profondément ému. Ses larmes coulaient quand il parlait des dernières lettres reçues, écrites souvent la veille de leur mort.

« Oh ! disait-il, imaginez-vous ce que ce dut être d’échanger le spectacle de cette populace meurtrière pour le ravissement de Sa présence ! »

Ce fut seulement en été 1901 qu’Hudson Taylor abandonna pour longtemps tout espoir de retourner en Chine. Une petite chute réveilla son ancien mal de la colonne vertébrale et il fut plus ou moins paralysé pendant plusieurs mois. Il avait demandé à Dieu de le diriger. Tout simplement, la route était barrée. A la veille de ses 70 ans, il demeura en Suisse aux Chevalleyres au-dessus de Vevey, avec Mme Taylor ce qui leur permit encore de servir la Mission par la prière et la correspondance. Peu à peu, la pension devint une sorte de rendez-vous pour des hôtes anglais, pour des amis venant leur faire de plus ou moins longues visites.

M. et Mme Taylor n’avaient plus à se quitter. Leur amour était toujours le même. Ne pouvant plus faire qu’une lecture facile, il gardait toujours le même amour pour la Parole de Dieu et dans sa soixante et onzième année, il la lut du commencement à la fin pour la quarantième fois en quarante ans. Hudson Taylor disait toujours : «  Ce qu’il y a de plus difficile dans la vie missionnaire, c’est de maintenir la lecture régulière de la Parole de Dieu, faite avec prière. Satan trouvera toujours une occupation pour vous en détourner »

Ce fut alors qu’un nuage vint brusquement obscurci tout l’horizon. Aux auteurs du livre, un télégramme annonça que le médecin venait de diagnostiquer chez Mme Taylor une tumeur intérieure. C’était bien un cancer ; elle fut opérée, mais le mal étant trop avancé, on considéra inutile d’aller plus loin, mais M. et Mme Taylor ne le surent jamais : il s’agissait pour eux d’une simple tumeur et leur soulagement fut très grand ainsi que leur reconnaissance. Les années 1903 et 1904 ne furent que tendresse délicate et grâce. Elle écrivait en juillet 1904 à sa belle-fille : « Ici, dans ma paisible chambre, je te soutiendrai par la prière. S’appuyer sur son Bien-aimé, c’est toujours « monter ». « Mes jours sont dans ta main » et c’est une bénédiction qu’il en soit ainsi. »

Le 30 juillet 1904, elle s’endormit paisiblement, son mari à ses côtés.

Ses voies sont parfaites

1904-1905

 La douleur de M. Taylor fut profonde. « Ma grâce te suffit » « Dieu est fidèle », telles avaient été les dernières paroles de sa femme. Il s’appuyait maintenant sur cette certitude, se souvenant qu’elle avait toujours trouvé sa joie dans la volonté de l’Éternel et que comme il le répétait souvent, « elle pensait que rien ne pût être meilleur ».

Encouragé par la présence de sa nièce, Mlle Mary Broomhall, Hudson Taylor resta dans la pension qui était devenue pour lui un second foyer.

Une amélioration sérieuse de sa santé permit d’espérer qu’il pourrait, au printemps, retourner en Chine et il débarqua à Shanghaï le 17 avril 1905.

L’affection de ses amis, si longtemps éprouvés, pour leur ancien directeur, était touchante à voir. Hudson Taylor passa les fêtes de Pâques à Yangchow, où il retrouvait tant de souvenirs. Là et à Chinkiang, il ne pouvait pas ne pas se souvenir de ses prières d’autrefois, maintenant exaucées. C’était l’œuvre de Dieu ! Ainsi qu’il le disait : « Nous ne pouvons pas faire beaucoup, mais nous pouvons faire quelque chose et Dieu accomplit de grandes choses ».

Une promenade facile le conduisit au cimetière de Chinkiang, où il avait déposé les plus chers trésors de son cœur. Les noms des quatre enfants étaient gravés à côté de celui de leur mère et leur souvenir était plus doux que douloureux, car la séparation datait de loin et le revoir semblait proche.

Une fois encore, Hudson Taylor se rendit à Hankow et l’accueil fut aussi cordial qu’à Shanghaï. Quel spectacle émouvant que celui de la rencontre du Dr. Griffith John, ce vétéran encore vigoureux, avec l’homme dont la carrière avait couru parallèlement à la sienne, en Chine, pendant près de cinquante ans ! Il se rappelait le vieil amour d’Hudson Taylor pour la musique et tous deux chantèrent cantique après cantique avec l’entrain des Gallois.

Le voyage à Hankow s’étant effectué sans accroc, Hudson Taylor se sentit encouragé d’aller un peu plus loin et à faire l’essai du chemin de fer qui allait au nord jusqu’à Peiping. S’il pouvait atteindre seulement une ou deux stations du Honan, qu’il ferait bon être de nouveau au cœur du pays ! Une course de vingt-quatre heures remplaçait maintenant le voyage de deux semaines. Quel changement merveilleux !

Une charmante visite à Yencheng, station sur la voie ferrée, fournit à Hudson Taylor l’occasion de voir le champ de travail des missionnaires australiens.

Il prenait le plus vif intérêt aux gens qui se groupaient autour de nous pour écouter l’Évangile. Nous étions tous endormis, quand M. Joyce fut réveillé par un appel du dehors. C’était un croyant qui avait appris notre passage dans l’auberge, et qui, après le travail d’une longue journée, était venu de son village présenter ses respects au vénéré pasteur. M. Joyce lui expliqua que M. Taylor dormait, que le voyage l’avait bien fatigué et qu’on ne pouvait guère le réveiller.

« Tant pis ! Tant pis ! » dit le visiteur désappointé et il fit passer un petit paquet par la fenêtre. C’était deux cents pièces de monnaie que le cher homme apportait pour payer l’auberge. Après les avoir données, il disparut. Il vint le dimanche au culte et notre père put le remercier lui-même.

Ainsi Hudson Taylor visita cinq centres du Honan. L’accueil à Chenchow fut aussi très chaleureux. Quelques chrétiens de Taïkang, la dernière station que notre père devait visiter, firent une journée de marche pour l’accueillir, mais à mi-chemin, ils apprirent que M. Taylor indisposé devait s’en retourner sans passer par leur ville.

« O Seigneur, dirent-ils, qu’avons-nous fait pour que le vénérable pasteur, venu de l’autre bout du monde, soit arrêté après des mois de voyage, à un jour de marche de notre ville ? Seigneur, nous aussi nous sommes tes enfants ! Aide-le à venir nous voir ».

Grande fut leur joie quand il se rendit à Taikang. Kuo-Lassiang nous charma par le récit de ce que le Seigneur avait fait pour l’Église de Taïkang depuis notre départ, sept ans auparavant, et surtout pendant les troubles de 1900.

« Que puis-je écrire des deux jours qui suivirent. Ils furent si calmes, si paisibles, si plein d’intérêt et de réconfort, si riches de sympathie et de soins délicats pour notre cher père. Howard le persuada de monter dans sa chambre et le Dr Barrie resta auprès de lui. Parlant du privilège de confier toutes choses à Dieu par la prière, le Dr. Barrie lui raconta qu’il en était parfois empêché par le sentiment que beaucoup de choses étaient de trop peu d’importance. Notre père répondit qu’il ignorait tout d’une distinction semblable entre les sujets de prières et ajouta : « Il n’y a rien de petit, il n’y a rien de grand. Dieu seul est grand et nous devons nous confier pleinement en Lui ».

Sa belle-fille se tenait sur la terrasse et jouissait de la fraîcheur et du calme du soir, tout en pensant à notre père, mais elle était loin de penser qu’une demi-heure plus tard il serait avec le Seigneur.

Il s’était mis au lit avec une petite lampe sur une chaise, son portefeuille ouvert avec les lettres de la maison répandues, ainsi qu’il aimait les avoir. Son fils venait de sortir de la chambre, quand brusquement notre cher père tourna la tête et poussa un léger soupir, puis il soupira une seconde fois. La fin approchait. Le Dr. Keller qui était en bas de l’escalier arriva pour le voir rendre son dernier soupir. Ce n’était pas la mort, mais l’entrée rapide et bienheureuse dans le paradis.

L’expression de calme et de paix qui se répandit sur son visage était merveilleuse ! Le poids des années sembla s’évanouir en un instant. Les traces de fatigue disparurent. Il était enfin en sûreté dans la Maison.

Un à un ou par petits groupes, les amis qui étaient dans la maison ou les chrétiens indigènes vinrent autour de son lit. Son visage calme et paisible les impressionnait tous.

Un jeune évangéliste se pencha vers lui et lui parla comme s’il pouvait être entendu : « Cher et vénéré pasteur, disait-il avec tendresse, nous vous aimons vraiment. Nous sommes venus vous voir aujourd’hui, nous désirons regarder votre visage. Nous sommes vos petits-enfants. Vous nous avez ouvert le chemin du ciel. Vous nous avez aimés et vous avez prié pour nous de longues années. Vous semblez si heureux, si paisible. Nous ne désirons pas vous rappeler ; nous viendrons à vous ».

La foi, le travail, les souffrances, les prières incessantes, l’enfantement des âmes, durant cinquante années n’avaient pas été inutiles.

Des hommages de toutes sortes ont été rendus à celui qui avait été « une force de vie et d’amour dans tout le Corps de Christ ». Les voix dont l’écho fut le plus durable et qu’il eût le mieux aimé à entendre, furent celles des enfants chinois chantant des hymnes de louanges auprès de sa tombe.

Ainsi, une à une, les étoiles qui doivent briller à jamais dans le firmament de Dieu apparaissent à leur place céleste.

 Prières dont l’exaucement est encore à venir

Quel riche héritage Hudson Taylor laissait au pays qu’il aimait, la Chine pour laquelle il avait donné sa vie ! En un sens, les prières de sa vie entière étaient exaucées, mais ces prières n’indiquent-t-elles pas qu’il reste de vastes possessions, dont il faut nous emparer ? Hudson Taylor était convaincu que le Seigneur voulait faire entendre « à toute créature » la joyeuse nouvelle du salut. Sa conviction ne fut ébranlée ni par les obstacles successifs, ni par la crise des Boxers.

« Le soleil ne s’est jamais levé sur la Chine sans me trouver en prière » pouvait dire Hudson Taylor. Et peut-être qu’aucun de ses travaux n’a plus contribué que ses prières pour produire les fruits que nous constatons aujourd’hui.

L’idolâtrie n’a point lâché prise. Entre autres, quinze cent femmes se sont engagées chaque mois à s’agenouiller dans un certain temple, chacune tenant à deux mains et à la hauteur de son front une baguette d’encens, en récitant des prières jusqu’à ce qu’elle soit consumée. Dans cette ville il n’y avait aucun missionnaire.

Hudson Taylor disait au milieu des combats : « Porter du fruit implique la croix. « A moins que le grain de blé tombant en terre, ne meure, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jean 12, 24). Nous savons comment le Seigneur Jésus a porté du fruit, non pas seulement en portant Sa croix, mais en mourant sur elle. Qu’il plaise à Dieu de nous faire sentir que l’enfer est quelque chose de si réel que nous ne puissions en avoir de repos et que le ciel est quelque chose de si réel que nous avons besoin d’y voir des homme sauvés »

Les deux faces du tableau

 Il arrive un moment où, dans certains pays, l’œuvre de Dieu prend un essor tel qu’il est difficile d’en calculer les effets. Non seulement en Chine, mais dans tous les continents, le récit de la vie de cet homme de Dieu, qui, quoique mort parle encore, influence et inspire des hommes et des femmes gagnés à la cause si chère à Hudson Taylor.

L’œuvre s’est étendue et a dépassé depuis de beaucoup le but que s’était proposé la Mission d’Hudson Taylor. Contrairement à l’Inde, où la vaste majorité des adeptes du christianisme appartient aux classes inférieures, la Chine possède des représentants de la foi chrétienne dans tous les rangs de la société. Si Hudson Taylor voyait cela, se reposerait il sur l’effort accompli, satisfait des résultats obtenus ? Il est certain qu’il regarderait l’autre face du tableau : un pays qui compte aujourd’hui un milliard trois cent millions d’habitants, dont on suppose qu’il existe environ 60 millions de chrétiens.

Et combien, dirait-il, n’ont jamais entendu l’Évangile ?

Un certain matin de l’année 1865, Hudson Taylor, oppressé par les immenses besoins de la Chine, arpentait la plage de Brighton, demandant au Sauveur des ouvriers pour la Chine.

Aujourd’hui encore, dans la vaste Chine, plus d’un million d’âmes vont chaque mois au-devant d’une éternité sans Christ.

« La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers : suppliez le Seigneur de la moisson, en sorte qu’il pousse des ouvriers dans sa moisson » (Matthieu 9. 37-38).

FIN

 

CES INSUPPORTABLES BARBESOU

1. C’est tellement amusant !

Quels vifs-argents, ces enfants ! Il faut les voir, déclarait l’institutrice. Toutefois, ce n’était pas elle, ni même maman, encore moins papa qui les avait surnommés « ces insupportables Barbesou », c’était la vieille dame d’à côté…
Mlle Demierre n’avait jamais vécu avec des enfants. Installée jusqu’alors dans une maison de campagne spacieuse, entourée d’un vaste jardin, elle n’apercevait que rarement ses plus proches voisins ainsi fort éloignés d’elle. Elle n’était donc pas habituée à voir rebondir des balles sur sa pelouse, aussitôt rejointes par leurs petits propriétaires. Ceux-ci ouvraient bruyamment le portail, puis se précipitaient vers les plates-bandes pour retrouver leur bien.
Depuis son arrivée à la « Villa des Roses », Mlle Demierre s’était vue obligée de supporter cette série de têtes qui émergeaient au-dessus de la haie mitoyenne et ces yeux bruns ou bleus qui la fixaient en pétillant de malice lorsqu’elle prenait place dans sa chaise-longue. Elle n’avait jamais expérimenté cela et ne l’appréciait pas du tout. Aussi, en parlant des enfants, les nommait-elle de sa voix courroucée : « ces insupportables Barbesou ».
Ils étaient quatre : Pierre, âgé de huit ans, Janette, de sept ans, Roger de quatre ans et demi et Tim, un bambin de trois ans. S’ajoutait encore Roseline Mivel, la fillette de la maison d’en face qui ne rêvait que des Barbesou et jouait avec eux presque chaque jour. Roseline et Janette étaient de grandes amies. Mais, il faut savoir que si Janette était le boute-en-train, Roseline et les garçons la suivaient de près.
Loin d’eux, pourtant, la pensée d’être méchants ! Comme bien des enfants, ils parvenaient à jouer une quantité de tours et de farces sans avoir voulu le faire exprès. Leur Nounou qui les avait tous vus au berceau, affirmait que les garçons étaient épuisants, mais que Janette était la plus farfelue. Sa jeune cervelle fourmillait d’idées mirobolantes qu’elle voulait réaliser à tout prix. Si au moins ses idées avaient été bonnes, constructives ! Par malheur, elles étaient presque toujours fâcheuses.
On ne pouvait résister au plaisir de taquiner Mlle Demierre ! Peut-être était-ce à cause de l’air vexé qu’elle prenait sous ses lorgnons ? Janette n’aurait su le dire, mais chaque fois qu’elle y pensait, elle partait d’un fou rire.
Non seulement les balles de caoutchouc passaient par-dessus la haie, mais encore le ballon de plage de Tim, le cerf-volant de Roger, la baudruche de Roseline ou le volant de Janette. Les beaux modèles d’avions de Pierre, après un vol remarquablement réussi, atterrissaient immanquablement eux aussi sur la terrasse de leur voisine. Un va-et-vient perpétuel s’établissait entre les deux jardins puisqu’il fallait continuellement récupérer ces jouets chez Mlle Demierre.
De plus, Pierre avait un canon à petits pois. N’était-ce pas plus amusant de tirer par-dessus la barrière que de prendre les arbres du jardin pour cible ? Ces farceurs s’amusaient à voir sursauter la vieille demoiselle chaque fois qu’un petit pois claquait avec un bruit sec sur son parasol.
En plus des projectiles, la joyeuse bande s’entendait à faire du tintamarre. Tim battait du tambour, Roger tirait de son sifflet un son aussi strident que celui de l’agent de police de la place. Pierre et Janette soufflaient des sons aigus dans leur musique à bouche et Roseline secouait son tambourin de toutes ses forces. Lorsque ces cinq instruments jouaient à plein rendement, « Médor », le chien de la maison, y joignait ses hurlements. Le vacarme était alors à son comble.
Le but était de le faire éclater près de la haie de Mlle Demierre. La première fois ce fut réussi. La vieille dame prenait justement son thé sous le tilleul. La surprise lui fit faire un tel saut qu’elle lâcha sa tasse. Le thé bouillant se répandit sur sa belle robe d’été et la fine porcelaine fut brisée. Les rires étouffés partant de la haie ne lui échappèrent point et ne firent que renforcer son opinion sur « ces insupportables Barbesou ».
L’autre voisin de la famille Barbesou était un capitaine de vaisseau au long cours, à la retraite, arrivé récemment. Il ne paraissait nullement incommodé par les projectiles et par le bruit. Pour faciliter l’accès de son jardin aux enfants, il avait fait élargir le trou de la haie par son jardinier. Chose étonnante, les cerfs-volants, le gros ballon et les balles de caoutchouc ne passaient que rarement chez lui. Peut-être le vent soufflait-il toujours du même côté…
Et lorsque les cinq petits espiègles se glissaient par l’ouverture de la haie sur la pointe des pieds et faisaient leur tintamarre derrière lui, il ne sursautait jamais. Il ne semblait pas les avoir remarqués et poursuivait sa lecture. Alors les enfants commençaient à rire tout doucement en attendant ce qui allait se passer…
D’un bond, le capitaine se levait avec un rugissement de lion et leur donnait la chasse tout autour du jardin. Hors d’haleine, ils se laissaient enfin tomber dans l’herbe. Le capitaine mettait la main dans sa poche et en sortait des bonbons qui, assurait-il, réclamaient d’être mangés. Les enfants heureux de se sentir aimés et désirés à toute heure lui demandaient tout en suçant :
– Oncle Sam, raconte-nous une histoire. Oui, oui, raconte, Oncle Sam. Il va sans dire que Sam n’était pas le vrai nom du capitaine. Les grandes personnes le nommaient capitaine Samovitch, mais c’était si long que les enfants avaient très vite trouvé ce surnom.

C’est que l’Oncle Sam s’y entendait à raconter des histoires de naufrages, de pirates, d’icebergs, de phares, de requins et de baleines, de pieuvres et de bancs de maquereaux, de pays très chauds ou très froids, d’hommes noirs, jaunes ou rouges comme les Indiens.
Les enfants écoutaient bouche bée ses récits plus captivants que n’importe quel livre d’aventures.
– Oncle Sam, dit un jour Janette, si seulement vous habitiez des deux côtés de notre jardin, à la place de Mlle Demierre.
– Oh ! non, répondit Pierre, il faudrait le partager en deux et cela lui ferait mal. Et puis, murmura-t-il pensivement, en faisant un clin d’œil à Roseline, sans la vieille dame à taquiner, nous n’aurions plus rien à inventer !

2. La farce

Un beau matin, Janette s’éveilla très tôt et une de ses fameuses idées lui traversa l’esprit. Mais si elle-même la trouvait lumineuse, il est probable qu’une certaine voisine n’eût pas été du même avis. Rien que d’y penser Janette riait aux éclats.
C’était encore de très bonne heure et Nounou ne lui permettait pas de sortir de sa chambre pour aller éveiller ses petits frères. Janette qui ne tenait plus en place, se glissa discrètement jusqu’à la porte qu’elle trouva entrebâillée.
– Pierre, chuchota-t-elle, viens ! J’ai quelque chose de très important à te dire.
Pierre rêvait précisément de sa jolie tortue « Jackie » qui, chose extraordinaire, se sauvait à toutes jambes. Toute la famille, même papa, était à ses trousses sans pouvoir la rattraper. Il entrouvrit les yeux.
– Qu’y a-t-il ? marmonna-t-il à moitié dans son rêve.
– Allons, Pierre, réveille-toi s’il te plaît. C’est si drôle, dit Janette en éclatant de rire. Il s’agit de la farce que tu as achetée ; tu sais, le grogneur qu’on met sous un coussin et qui grince horriblement quand on s’assied dessus. J’ai remarqué que Mlle Demierre a un coussin sur la chaise-longue que sa servante installe au jardin longtemps avant qu’elle sorte. Si nous glissions ce grogneur sous son coussin, quel sursaut elle ferait !
– Mais, comment aller le poser ? demanda Pierre.
– Rien de plus facile ! continua Janette. Nous lançons une balle ou autre chose sur la pelouse dès que la chaise-longue est prête et un de nous, en la recherchant, glisse le grogneur sous le coussin.
Pierre, tout à fait réveillé, rit de bon cœur :
– D’accord, déclara-t-il, c’est magnifique. Tu as toujours des idées géniales, Janette.
La pluie, hélas, les empêcha de réaliser leur projet et les enfants en trépignaient d’impatience.
Le jour suivant, le temps était au grand beau et le jardin, rafraîchi par l’ondée, attirait les visiteurs.
Hélène, la bonne, sortit la chaise-longue de Mlle Demierre sitôt après le déjeuner.
– Ne perdons pas une minute, conseilla Janette, car la vieille dame ne va pas tarder !
Pierre expédia une balle qui roula à côté de la chaise ; puis il passa le portail et, faisant semblant de rechercher son jouet, souleva le coussin en y plaçant le grogneur. A son retour, Janette et lui montèrent la garde à plat ventre dans l’herbe, près d’un trou de la haie. Ils n’eurent pas longtemps à attendre.
– La voilà ! chuchota Janette. Ah ! non, ce n’est pas elle. C’est de nouveau Hélène qui apporte deux chaises et son aide avec deux autres encore.
– Eh bien ! dit Pierre, elle pourrait bien recevoir des visites tout à l’heure. Nous ferions mieux d’aller rechercher le grogneur et de renvoyer la farce à un autre jour.
C’était malheureusement trop tard car Mlle Demierre sortait du salon accompagnée de deux grandes et belles dames et de deux messieurs. Les enfants reconnurent l’un deux. C’était le docteur Le Blond qui les avait soignés pour la rougeole et les oreillons. Les visiteurs se promenèrent tout d’abord dans le jardin, admirant les fleurs et plus particulièrement les roses qui parfumaient l’allée. Pierre et Janette retenaient leur souffle tout en espionnant comme deux fouines par les trous de la haie.
Les deux dames s’assirent tout d’abord, puis Mlle Demierre prit place, mais pas dans son fauteuil habituel.
– Oh là, là ! qu’allait-il se passer ?
A son tour le monsieur inconnu choisit une chaise et il ne restait maintenant plus que le siège où se trouvait le grogneur pour le docteur Le Blond qui s’attardait vers le massif d’œillets avant de prendre le thé ! Mais c’était assez peu probable.
Le docteur était un homme imposant, grand et fort, aussi lorsqu’il eut fini son tour de jardin, se laissa-t-il tomber lourdement dans le fauteuil de Mlle Demierre.
Un grincement affreux s’ensuivit. Personne ne releva la chose, ignorant ce que c’était. A chaque geste du docteur, le même bruit désagréable se produis ait. Il dut penser que la chaise était bien vieille et disjointe. Il essaya de rester tranquille et pourtant les bruits étranges continuaient. Janette et Pierre, tout en réalisant qu’ils étaient des polissons, ne pouvaient s’empêcher de rire en cachette.
Par mégarde, Mlle Demierre laissa tomber son mouchoir. Aussitôt le docteur se pencha pour le ramasser. C’est alors qu’un grognement étrange, affreux et prolongé se fit entendre qui étonna toutes les grandes personnes.
– Au monde qu’est-ce que ce bruit horrible ? demandèrent deux ou trois d’entre elles.
Le docteur Le Blond, certain maintenant qu’aucune vieille chaise ne pouvait produire de pareils grincements, se mit à inspecter son siège et, en soulevant le coussin, découvrit le grogneur.
– Quelle affaire ! commença Mlle Demierre, je suis navrée, Docteur. Je crains bien que ce soit un tour de ces insupportables Barbesou et je déplore que ce soit justement vous qui en supportiez les conséquences.
– Ce n’est rien, dit le docteur Le Blond en riant, il n’y a pas de mal. Est-ce que vos jeunes voisins vous ont choisie comme cible de leur malice ?
– Je regrette de devoir dire qu’ils méritent pleinement le qualificatif d’«insupportables». Sans doute qu’ils me trouvent austère et très vieille mode et cela ajoute du piment à leur plaisir. Mais changeons de conversation, proposa-t-elle, comme Hélène et sa jeune aide arrivaient portant des plateaux garnis de pâtisseries.
Les enfants, qui avaient tout entendu, étaient fort mal à l’aise. Pour calmer leur mauvaise conscience, ils s’en allèrent à l’autre bout du jardin et jouèrent sans faire de bruit.
Cet incident serait tombé dans l’oubli si le docteur Le Blond n’avait pas croisé M. Barbesou en rentrant chez lui.
– Bonjour ! M. Barbesou, dit-il de sa voix joviale. Il paraît que vos enfants sont renommés par ici !
– Renommés ? Que voulez-vous dire, Docteur ? demanda M. Barbesou intrigué.
– Je sors à l’instant de chez votre voisine, Mlle Demierre, qui nous avait invités pour le thé. Elle les qualifie d’«insupportables». Le docteur éclata de rire et raconta la farce du grogneur. M. Barbesou eut l’air si catastrophé que le docteur s’en mordit les lèvres.
– Mais cela prouve qu’ils sont intelligents, assura le docteur. Ne prenez donc pas la chose au tragique ! Cela leur passera.
M. Barbesou prit mal la chose, très mal en vérité. Arrivé chez lui, il monta directement à la salle de jeux et fit aligner ses quatre enfants en face de lui. Il avait l’air très, très fâché. Les enfants, effrayés de voir leur papa en colère auraient voulu rentrer sous terre, tant ils se sentaient honteux et malheureux de l’avoir déçu.
– Je vous défends d’ennuyer les voisins, gronda-t-il. Vous me faites honte. Je ne serai satisfait que le jour où la même personne pourra utiliser un adjectif honorable à votre égard. Je vais partir pour l’Amérique, et vous donne jusqu’à mon retour, c’est-à-dire à Noël, pour relever notre nom, principalement auprès de Mlle Demierre. Qu’on s’en souvienne !
– En attendant, nous sommes aujourd’hui vendredi et je vous interdis l’accès du jardin jusqu’à lundi. Vous resterez dans votre chambre et ne sortirez en promenade qu’avec Nounou. Compris ?
Janette éclata en pleurs et Pierre avait les larmes aux yeux. Entre deux sanglots, Janette essaya de dire :
– Papa ! Roger et Tim n’ont rien fait. Ils n’en savaient même rien. C’est tout de ma faute, c’était mon idée.
– Ce n’est pas seulement Janette, papa, interrompit Pierre. Je suis aussi fautif. J’ai porté le grogneur. Les petits ne sont pas coupables.
Le papa, en voyant ses aînés si désolés, s’attendrit un peu.
– Dans ce cas, dit-il, Roger et Tim pourront jouer au jardin comme d’habitude. Vous, les grands, devriez leur donner un meilleur exemple !
Le quatuor se retira, chacun dans son coin, tranquille comme une image. Mais la gaieté s’en était allée. Roger et Tim même, n’avaient plus envie de descendre au jardin pour y jouer seuls.
C’était là, il faut le dire, leur terrain de jeu favori pendant les vacances d’été. Celui-ci se transformait tantôt en jungle où l’on guettait des ennemis, tantôt en océan sur lequel on voguait, ou en désert traversé par des chameaux et même en aéroport d’où l’on s’envolait en jet vers d’autres mondes. Ce jardin était tout ce que l’on voulait et, sans lui, les enfants se sentaient désemparés.
Une nouvelle idée germa dans la tête de Janette. Elle se tourna soudain vers Pierre :
– Je sais ce que nous allons faire, dit-elle. Nous allons faire un vœu. C’est un acte très solennel, tu sais, et quand nous l’aurons fait et bien… – Janette s’arrêta et essaya de penser à quelque chose d’extraordinaire à dire – … quand nous l’aurons fait, nous devrons faire l’impossible pour y parvenir !
Pierre, plus réaliste et objectif que sa sœur, éclata de rire. Il ne pouvait pas suivre aveuglément les élans d’enthousiasme de Janette.
– Explique-toi ! et d’abord qu’est-ce que c’est qu’un vœu ? s’exclama-t-il.
– Tu verras je le dirai d’abord, ensuite ce sera toi, commanda Janette.
– Moi, Janette Barbesou, fais le vœu solennel devant… devant mes trois frères, d’essayer d’atteindre le but proposé par papa, c’est-à-dire que Mlle Demierre nous donne un beau nom et ceci aussi vite que possible !
– Maintenant à toi, dit-elle, en pointant Pierre du doigt.
– Moi, Pierre Barbesou, fais le vœu solennel… qu’est-ce qui vient après ? demanda-t-il. …Ah ! oui, devant les autres, d’obliger Mlle Demierre à nous appeler d’un gentil nom et ceci aussi vite que nous le pourrons.
– Tu n’as pas répété exactement, objecta Janette.
– Je ne me souvenais pas très bien, mais cela revient au même. De toute façon, moi, je n’ai pas trois frères, rétorqua Pierre.
Pour une fois, personne ne lambina pour aller au lit. Nounou, qui ne pouvait pas supporter d’entendre un enfant pleurer dans son lit, entendit soudain des sanglots dans la chambre de Janette et courut à elle pour la consoler. Janette se recroquevilla contre elle, en sécurité dans ses bras aimants.
– Oh ! Nounou, dit-elle, comme j’aimerais ne pas être méchante. Si seulement je pouvais être gentille ! Crois-tu que je le deviendrai si nous respectons notre vœu ?

3. «Joli-Cœur»

Les enfants se sentaient moins tristes le lendemain matin, néanmoins la journée du samedi leur parut interminable. La visite de Roseline et deux bonnes randonnées avec Nounou n’empêchèrent pas les heures de s’écouler lentement. Nounou proposa une promenade plus longue encore le dimanche matin et, à leur retour, ils trouvèrent une petite lettre à leur adresse. Pierre l’ouvrit et se mit à lire avec Janette :

«Mon cher quatuor,

Un petit oiseau m’a raconté que des difficultés avaient surgi et que l’accès du jardin vous était interdit. Cette tranquillité inhabituelle m’a intrigué et j’en ai parlé à votre père. J’ai découvert que la défense ne s’étendait pas à mon jardin, aussi je vous invite cet après-midi. Il vaudrait mieux entrer par le portail principal. J’ai dit à mon domestique, M. Valéry, que j’attendais quatre amis pour le thé. Venez à trois heures. J’aurai peut être une histoire pour vous.

Oncle Sam.»

C’était merveilleux de se retrouver dans un jardin. D’emblée les enfants entourant leur vieil ami, se mirent à lui raconter leur farce. Oncle Sam prit un air consterné mais des éclairs de gaieté passaient dans son regard.
– Lorsqu’un bateau va à la dérive, dit-il, la seule chose à faire est de diriger le gouvernail sur la bonne ligne à suivre. Savez-vous, mes enfants, nous sommes souvent comme des navires, nous aussi. Nous commençons le voyage à notre naissance et nous avançons tant bien que mal sur l’océan de notre vie jusqu’au jour où nous mourons. Tout dépend du pilote. Certaines personnes cherchent à être le pilote de leur propre vie ; celles-là vont sûrement au devant d’un naufrage. Si nous avons le Seigneur Jésus comme pilote, notre navire sera conduit par une main sûre jusqu’au port qui est le ciel.
Personne, si ce n’est Oncle Sam, ne leur parlait de la Bible et du Seigneur Jésus, aussi ce langage était-il nouveau pour eux. Ils écoutaient chaque fois avec intérêt et commençaient à comprendre un peu mieux le sens de ces paroles.
– Oncle Sam, dit Janette, Pierre et moi avons fait un vœu, un vœu très spécial : celui d’obtenir de Mlle Demierre un nouveau nom. Papa nous a demandé d’y parvenir d’ici à Noël. Nous ne le satisferons pleinement qu’à cette condition. C’est un but à atteindre.
Avant qu’Oncle Sam eût le temps de répondre, Pierre s’exclama d’une voix contenue :
– Oh ! regardez, là, là, cet oiseau vert dans l’arbre.
Tous les regards se tournèrent vers l’érable où un oiseau se dissimulait dans le feuillage et semblait les fixer.
– Oh ! C’est « Joli-Cœur » ! dit Janette. Nous avons lu une annonce dans la vitrine ce matin avec Nounou. Une récompense est promise à celui qui le capturera.
– Mais, comment pouvons-nous l’attraper ? Oncle Sam, veux-tu me soulever le plus haut possible ?
– Non, non, mon garçon, je ne veux pas que tu te casses la tête. Nous allons bien imaginer un moyen de le faire descendre. J’ai trouvé, dit-il après un moment de réflexion, nous avons une échelle derrière la maison et un filet à oiseau très spécial que j’ai acheté à l’étranger. Cela va faire l’affaire et nous allons capturer l’oiselet.
– Oncle Sam ! laisse-moi monter sur l’échelle et l’attraper, supplia Pierre.
– Écoute, mon garçon, je trouve que tu es un peu trop jeune et moi un peu trop vieux. Nous ferions mieux d’attendre le retour de Valéry. Il est parti chez ses amis et ne va pas tarder à revenir. C’est l’homme qu’il nous faut. Il avait l’habitude de monter à la dunette et grimpait autrefois comme un singe. Commençons par chercher l’échelle. Nous l’appuierons contre l’arbre sans effrayer « Joli-Cœur ».
Oncle Sam, dit Jeannette, crois-tu que Mlle Demierre nous donnerait un beau nom si nous lui rapportions « Joli-cœur » ?
– Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, fut la réponse incompréhensible d’Oncle Sam.
Entre-temps, Valéry était revenu et acquiesçait avec la meilleure volonté du monde à tout ce qu’on lui demandait. La tâche n’était pas facile, car « Joli-Cœur » se montrait à la fois timide et malicieux. Sitôt que Valéry appuyait l’échelle de son côté, il s’envolait de l’autre côté de l’arbre. Ce manège dura assez longtemps. Enfin le bel oiseau se trouva sain et sauf dans le filet. Valéry, le grand ami des animaux, le sortit délicatement et le calma avant de le confier à Pierre. Puis ils allèrent tous deux jusqu’à la porte de Mlle Demierre. La dame était au jardin. Pierre s’avança en souriant :
– Voici, Mlle Demierre, nous avons retrouvé « Joli-Cœur ». Il s’était posé sur l’érable d’Oncle Sam et Valéry est monté sur l’échelle et l’a capturé.
Au premier abord, Mlle Demierre eut l’air satisfaite, puis se ravisant, elle regarda Pierre d’un air sévère :
– Je t’aurais remercié de m’avoir rapporté mon oiseau, dit-elle aigrement, si je ne savais pas que tu as fait exprès d’ouvrir la cage pour lui donner la liberté et me causer tous ces tracas.
Les yeux de Pierre étincelèrent.
– Ce n’est pas vrai, dit-il indigné. Je ne savais pas qu’il était perdu jusqu’à ce matin où nous avons lu l’annonce dans la vitrine.
– Pardon, continua Mlle Demierre, d’une voix glacée, tu ne dis pas la vérité. Le jardinier t’a vu ouvrir la porte de la cage. Il était trop éloigné pour t’en empêcher.
– Hélène, dit-elle, en se tournant vers la servante qui attendait, veuillez chercher la cage de « Joli-Cœur » et m’apporter mon sac en même temps. Mlle Demierre n’essaya pas de prendre l’oiseau elle-même. Pierre l’introduisit avec précaution et ferma la porte de la cage.
– Je dois tenir ma promesse et te récompenser. Mlle Demierre sortit deux francs de son porte-monnaie et les lui tendit.
Pierre secoua la tête.
– Non merci, dit-il, je ne veux pas d’argent. Je vous assure que je ne l’ai pas laissé partir.
– Je serais bien aise, ajouta Mlle Demierre, comme Pierre redescendait les marches du perron, si vous pouviez vous dispenser à l’avenir d’entrer dans mon jardin. Si des balles passent par-dessus la haie, mon jardinier vous les rendra très certainement.
Pierre courut vers Oncle Sam, les joues cramoisies.
– Elle est horrible, cette vieille dame. Elle m’accuse d’avoir sorti l’oiseau de sa cage. Je ne l’ai jamais fait. Je la déteste.
– Doucement, jeune homme, doucement ! Oncle Sam l’entoura de son bras et le serra contre lui. Au même moment, Roger éclata en larmes. Il sanglotait si fort qu’il en étouffait.
Oncle Sam passa son autre bras autour de ses épaules.
– Du calme ! mon vieux, dit-il, essaie de nous dire ce qui se passe.
Avec le bon bras d’Oncle Sam autour de lui et son immense mouchoir pour essuyer ses larmes, Roger se tranquillisa un peu.
– C’est moi, avoua-t-il entre deux sanglots, c’est moi qui l’ai fait.
– Qu’as-tu fait, fiston ?
– Je l’ai laissé sortir. Je ne le voulais pas. Ma balle a passé au dessus de la haie, samedi matin. La cage était au jardin. Je l’ai à peine touchée et la porte s’est ouverte et il s’est envolé…
– Pourquoi ne l’as-tu pas dit, petit, questionna Oncle Sam.
– J’avais peur de papa. Il était si fâché.
En disant ces mots, Roger se remit à pleurer de plus belle. Oncle Sam souleva l’enfant sur ses genoux.
– Bon, réfléchissons à ce que nous pouvons faire, suggéra-t-il en se tournant vers Pierre.
– Tu écris assez bien, n’est-ce pas ? Si tu écrivais une gentille lettre à Mlle Demierre pour lui dire que ce n’est pas toi, mais ton petit frère et qu’il en est désolé.Cette idée les réconforta. Réunis dans la chambre d’Oncle Sam, autour d’une table sur laquelle Valéry venait de poser du papier et de l’encre, ils firent place à Pierre qui écrivit :

« Veuillez m’excuser, Mlle Demierre, je ne savais pas tout à l’heure que c’était mon petit frère qui avait laissé échapper « Joli-Cœur ». Il ne l’a pas fait exprès et en est désolé. Nous espérons tous que vous voudrez bien lui pardonner. Il n’a pas tout à fait cinq ans ».

On mit la lettre sous enveloppe. On inscrivit l’adresse, mais Pierre refusa net d’aller la porter.
– Non, dit-il, je ne peux pas. Elle a dit que nous ne devions plus mettre un pied dans son jardin.
Le courage manquait également à Janette, aussi Valéry accepta-t-il d’aller mettre la lettre dans la boîte de Mlle Demierre.
Quand tout fut fini, c’était déjà l’heure du thé et Oncle Sam pensa que ses petits invités avaient besoin de détente. Il leur raconta des histoires si amusantes que les enfants oublièrent leur tristesse et rirent tant et si bien que Mlle Demierre les entendit à travers leur jardin. Elle pensa que ces « insupportables Barbesou » ne devaient pas être très repentants pour rire de la sorte.
Elle ne se rendait pas compte de ce qui se passait dans le cœur de ses jeunes voisins. Mais Quelqu’un le savait, Lui, le Seigneur Jésus, qui connaît toutes nos pensées. Lui savait que Janette se repentait d’avoir été sotte si souvent envers Mlle Demierre. Il voyait que, dans son cœur d’enfant, elle désirait réellement l’avoir comme Pilote de son propre bateau.

4. La surprise.

Oncle Sam affectionnait les enfants et les comprenait parfaitement. Il réfléchit longuement à ces « insupportables Barbesou » et se demanda de quelle manière il pourrait leur venir en aide.
Lui-même ne les trouvait pas du tout « insupportables », mais les prenait tout simplement pour des enfants charmants, parfois un peu polissons. Mais dans le cœur d’Oncle Sam grandissait le désir que ces petits amis apprennent, comme lui, à connaître le Seigneur comme leur Sauveur.
Le capitaine savait que les enfants n’iraient pas à la campagne, comme chaque année, aussi se disait-il que les choses s’aggraveraient encore en les laissant jouer au jardin toute l’année.
Soudain une bonne idée lui vint et il appela Valéry qui s’empressa d’arriver.
– N’avions-nous pas l’intention de nous rendre, dans quelques semaines, à notre résidence au bord de la mer ? Ne pourrions-nous pas avancer le départ et inviter les deux plus grands de nos jeunes voisins ?
Valéry se gratta la tête.
– A vos ordres, capitaine, nous partirons dès que possible. Je présume que nous pourrions faire face à la tâche s’il ne s’agissait que de garçons, mais la petite demoiselle est en dehors de mes compétences à moins qu’elle ne sache s’occuper d’elle-même.
– Je me demandais si ma sœur ne pourrait pas la loger et veiller sur ses vêtements. Elle n’habite qu’à un jet de pierre de notre mas.
– Dans ces conditions, capitaine, cela ira parfaitement bien, j’en suis sûr. Il faudra seulement qu’ils nous obéissent si nous voulons les ramener entiers chez eux.
Oncle Sam connaissait le Seigneur Jésus. Il avait l’habitude de Lui parler ; aussi avant de partir chez M. Barbesou pour faire son invitation, il se mit à genoux :
« Divin Maître, dit-il, Tu sais combien j’aimerais que ces petits apprennent à Te connaître et à Te recevoir comme Pilote de leur vie. Prends la direction de cette invitation au bord de la mer. En Ton nom précieux, Amen ».
Deux jours plus tard, Pierre et Janette jouaient au jardin tandis que Nounou mettait les deux petits au lit. Ils entendirent tout à coup un léger coup de sifflet qui se répéta trois fois.
C’était leur signal secret avec Oncle Sam qui signifiait : « J’aimerais vous voir. Pouvez-vous venir ? »
A peine avait-on entendu le troisième coup de sifflet que deux petites personnes se faufilaient dans le trou de la haie et s’élançaient vers Oncle Sam.
– Au secours ! cria-t-il. Quelle avalanche ! Que me voulez-vous ?
– Oncle Sam, s’exclama Janette, en secouant un de ses bras, tandis que Pierre s’emparait de l’autre, tu as sifflé pour nous. C’est toi qui nous as appelés.
– Donnez-moi une minute pour réfléchir, dit-il. Ah ! oui, je me souviens vaguement de quelque chose.
– Oncle Sam ! Cesse de nous taquiner et dis nous vite, commanda Janette. Je meurs d’envie de savoir.
Oncle Sam regarda les bonnes joues roses de la fillette et se mit à rire.
– Tu n’as pas trop l’air de mourir, dit-il. Enfin, que diriez-vous de passer une semaine dans mon mas, au bord de la mer, avec Valéry et moi ?
– Youpi, Oncle Sam ! Au bord de la mer pendant toute une semaine ! Nous n’y avons jamais été qu’occasionnellement et pas plus d’une journée. Est-ce sérieux ? Tu es vraiment un oncle extraordinaire, mais… et papa qu’en pensera-t-il, demanda soudain Janette ?
– Tout est en ordre. J’ai vu votre papa hier et je lui ai donné ma parole que vous vous comporteriez bien. Il ne faudra pas me faire manquer à ma promesse, jeune demoiselle.

La perspective de s’en aller tous seuls avec leur cher Oncle Sam au bord de la mer, les remplissait de bonheur. Que pouvaient-ils désirer de plus ?

– N’oublions pas notre vœu, rappela Janette à Pierre, nous voulions vite le faire.
– D’accord, nous le ferons le plus vite possible, mais ici à la maison, c’est exclu. Elle nous interdit l’accès de son jardin. Si nous partons, nous pourrons du moins lui envoyer une carte avec une belle vue.
Janette, ravie de cette suggestion n’eut plus de regrets. Les jours suivants, ils furent très excités et si soucieux de plaire à leur père qu’ils évitèrent de jouer près du jardin de Mlle Demierre. Ils ne s’aperçurent donc pas que la chaise-longue n’était plus roulée sur la pelouse et que Mlle Demierre n’y venait plus tricoter et y prendre le thé avec des visites.
Enfin le vendredi tant attendu arriva ; les bagages furent empilés dans l’auto d’Oncle Sam. On se dit « au revoir » et l’auto démarra. Valéry conduisait ; Pierre était devant à son côté ; Janette derrière, avec Oncle Sam. Peut-on dire qu’elle était assise ? Dans sa surexcitation, elle ne pouvait rester tranquille un instant. Elle se jetait à la fenêtre, se retournait, voulait voir par l’autre fenêtre, gesticulant tant et si bien que le pauvre Oncle Sam était tout meurtri par sa voisine si remuante. Elle s’était réveillée de bonne heure et avait déployé tant d’énergie qu’elle s’endormit soudain profondément, la tête contre le bras d’Oncle Sam.
Pierre pouffa de rire lorsqu’il l’aperçut. Lui prenait les choses plus calmement et il trouvait drôle de dormir à 10 heures du matin.
Un peu plus tard, Janette s’éveilla d’un seul coup.
– Sommes-nous arrivés ? demanda-t-elle.
– Non pas encore, mais puisque tu es réveillée, jeune demoiselle, que dirais-tu si nous prenions notre pique-nique dans la campagne ?
Valéry avait préparé la corbeille. Il connaissait bien les goûts des enfants et avait choisi tous leurs mets préférés. Quand chacun eut fini, il disparut et revint avec une grosse boîte de glace qu’il avait découverte en passant devant une boutique voisine. C’était, pour les enfants, le summum du festin.
L’arrivée au mas fut très amusante. Madame Blanchart, la sœur d’Oncle Sam, avait tout épousseté, fait les lits, le goûter et dans la soirée, elle emmena Janette chez elle. Elle était aimable et gaie et les enfants l’aimèrent d’emblée.
– Tu sais, chuchota Janette à l’oreille de Pierre, elle est presque aussi « sympa » qu’Oncle Sam.
Et de sa part, c’était un grand éloge.

5. Une pelote de laine rouge.

Le samedi matin fut passionnant : tout d’abord, l’achat des espadrilles, des caleçons de bain, des pelles, des filets à crevettes, des petits voiliers et du ballon ; et il y aurait encore eu bien d’autres achats si, après le ballon, Oncle Sam n’eut dit : « c’est tout », d’une voix que Valéry appelait la voix du commandant.
Ensuite, ils se dirigèrent vers les dunes, puis vers la mer. Ils pataugèrent dans les mares, se baignèrent, bâtirent des châteaux, creusèrent des tranchées, attrapèrent des crabes, mangèrent une glace. Tout fut merveilleusement réussi.
– C’est le moment de déjeuner, dit Oncle Sam en regardant sa montre, voyons ce que Valéry nous aura préparé.
Pierre était en train d’observer un petit terrier blanc et brun qui courait autour d’un garçon, cherchant à attraper la balle que ce dernier s’amusait à pousser du pied. Dans les parages, une dame tricotait dans une chaise-longue. Soudain la pelote rouge de son tricot tomba de ses genoux et s’en alla rouler sur le sol. Sans faire la différence, le chien aperçut cette autre balle, bondit sur le peloton de laine, le saisit entre ses dents et se faufila entre les jambes des vacanciers qui cherchaient en vain à l’arrêter. Il courait dans toutes les directions et arriva ainsi vers Pierre et Janette. Ceux-ci, habitués à commander leur chien, surent s’y prendre pour le faire obéir.
– Ici, laisse tomber ! commanda Pierre d’un ton ferme. Le chien s’arrêta. Avec un air malicieux, il ouvrit la gueule et la pelote tomba. Pierre la saisit rapidement. Le fil s’était évidemment cassé en cours de route et la pelote mouillée de la salive du chien, puis roulée dans le sable paraissait inutilisable.
Oncle Sam essaya de la frotter pour enlever le sable et la rendre un peu présentable. Pierre et Janette partirent en courant vers la dame pour lui rendre son bien. La chaise-longue leur tournait le dos. Ils en firent prestement le tour.
– Pardon, Madame, voici votre pelote de laine, commença Pierre. Puis … il s’arrêta net car, derrière les lunettes noires et sous le grand chapeau de soleil, il voyait, à n’en pas douter, Mlle Demierre.
– Eh bien ! dit-elle, est-ce possible que ces insupportables Barbesou soient encore ici ? J’ai fermé ma maison pour partir en vacances jusqu’à la rentrée des classes et maintenant vous trouvez encore moyen de me suivre ici.
Janette ne put retenir un fou rire. Mlle Demierre, surprise par cette vive contrariété, devint écarlate, mais les yeux de Pierre étincelèrent de colère.
– Nous ignorions que vous étiez ici, s’exclama-t-il, sans quoi, nous aurions joliment laissé le chien garder votre vieille laine pour toujours. Viens, Janette, dit-il en prenant sa sœur par la main et, en une minute, ils eurent rejoint Oncle Sam.
La colère de Pierre se fondit dans un éclat de rire. Qu’est-ce qui me prend, fit-il, j’étais furieux et maintenant je trouve cela cocasse !
– Je n’en sais rien, répondit Janette très sérieusement. Au commencement, je trouvais cela très drôle, et maintenant je pense que c’est attristant. Nous n’allons jamais atteindre le but que papa nous a donné ni accomplir notre vœu, si cela continue ainsi.
– Maintenant n’y pensez plus, dit sagement Oncle Sam. Allons prendre notre repas et ensuite nous irons en mer.
– En mer ? En mer ? crièrent les enfants d’une seule voix.
Oncle Sam possédait son propre bateau, un petit vapeur nommé la « Joyeuse Anna ». Un des pêcheurs, du nom de Tom, en assumait l’entretien et l’utilisait parfois en été pour promener des touristes. A trois heures, la « Joyeuse Anna » les attendait au pont d’embarquement. Que c’était exaltant de fendre les belles vagues bleues ! Janette ne pouvait retenir des cris de joie.
– Quelle chance ! disait-elle. C’est la première fois de ma vie que je vais en mer. Que j’aimerais y vivre toujours !
Tom sourit.
– La mer est calme maintenant, Mamzelle, dit-il, mais en hiver, de nuit, dans la tempête, avec des vagues hautes comme des montagnes, qui risquent de vous submerger à chaque instant, peut-être n’y seriez-vous pas si à l’aise.
– Oui ! et puis il faut un bon pilote ; dit Janette, l’air pensif.
Pierre parcourait le bateau en tous sens et questionnait chacun sur le fonctionnement des appareils. Il était justement en train de regarder dans les lunettes d’approche d’Oncle Sam, cherchant vainement à fixer son regard sur un transatlantique à l’horizon.
– Je ne vois rien d’autre que la mer et le ciel, gémissait-il.
– Voyons un peu, dit Oncle Sam, en regardant à son tour. Soudain il poussa un cri … A fond à bâbord ! Tom. Un jeune homme se cramponne à un canot renversé.
– A vos ordres, capitaine. Et Tom poussa à fond le petit vapeur.
C’était le moment, car le garçon épuisé n’aurait pu tenir une minute de plus. Même les vagues du bateau le firent lâcher prise. Il coula.
– Horreur ! il se noie, hurla Pierre.
Mais au même instant, Valéry qui s’était débarrassé de sa veste et de ses souliers, plongeait, empoignait le garçon et le ramenait à la surface, lui aidant encore à remonter sur la « Joyeuse Anna ».

 Le jeune garçon, répondant au nom de Jim, n’avait aucun mal. Ils le gardèrent pourtant dans leur bateau et attachèrent son canot à la poupe de la chaloupe. Ils firent demi-tour vers le port.

La petite troupe arriva bientôt à la maison. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Valéry avait allumé un bon feu. Imité par Jim, il se débarrassa de ses vêtements mouillés et se frotta énergiquement avant d’enfiler des habits secs.
Jim n’avait que quinze ans. Il était petit pour son âge. Janette éclata de rire en le voyant à demi enseveli dans les pantalons et la blouse de matelot de Valéry.
– Que tu as l’air comique ! Pensais-tu que tu allais te noyer ? Avais-tu peur ? demanda-t-elle.
– Eh bien ! Mamzelle, je pensais que je ne pourrais plus tenir bien longtemps lorsque j’ai vu votre bateau venir à moi. Non, je n’avais pas peur, mais il y a quelques semaines, j’aurais été terrifié.
– Pourquoi n’avais-tu pas peur ?
– Voyez-vous Mamzelle, je vais à « Béthel des Marins » le dimanche. Il y aura trois semaines demain, un prédicateur nous a dit : « Demandez au Seigneur Jésus d’entrer dans votre cœur » ; et il ajouta « c’est comme si vous lui demandiez de piloter votre bateau ». Il expliquait ainsi : « Vous les gars, vous avez besoin d’un pilote pour le voyage de votre vie ». Je savais bien que j’avais besoin de Lui et je Lui ai demandé d’entrer dans mon cœur le même soir. Mais pt’être que vous ne comprenez pas.
– Si je comprends un peu parce qu’Oncle Sam nous l’a dit. Qu’est-ce que c’est le « Béthel des Marins » ?
Oncle Sam qui entrait à ce moment-là, entendit la dernière question. Il y répondit :
– C’est l’église des pêcheurs ; voulez-vous y venir avec moi demain ?
– Oui, avec plaisir, dit Janette. Que j’aimerais déjà être à demain, sans avoir besoin d’aller au lit !

6. Avez-vous besoin d’un pilote ?

Après cette journée passée en mer, dans cet air vivifiant, les enfants dormirent tant et si bien le dimanche matin qu’ils furent tous justes prêts pour accompagner Oncle Sam et Mme Blanchard à la réunion de « Béthel des Marins », à dix heures et demie.
La salle était décorée et les enfants examinaient tout avec grand intérêt. Tout d’abord, le podium avait la forme d’un pont de navire. Au centre se dressait un grand gouvernail, à la poupe pendait une ancre, même deux, une de chaque côté ; et à la proue, un mât raccourci laissait flotter le drapeau bleu de Pierre le marin. Des filets de pêche bruns, bleus, grenat et verts tombaient des rebords en longues guirlandes. Des caisses à langoustes témoignaient de la spécialité du pays et venaient s’ajouter aux rames et aux roues de commandes disposées en contrebas de la plate-forme. Deux falots en forme de boules, l’un rouge et l’autre vert, éclairaient le tout.
Il y avait tant à voir que Pierre et Janette écarquillaient leurs yeux. Dans la salle presque pleine, principalement occupée par des pêcheurs en costume de marin, un chant puissant et mélodieux s’éleva :

En route vers le port, marins
En route vers le port…

La plénitude d’espérance qu’apportaient ces paroles amplifiait encore leurs voix et leur force semblait vouloir soulever le plafond.
Au cours du récit biblique qui suivit, Pierre découvrit une ancre immense dessinée dans le linoléum. Il la fit remarquer immédiatement à Janette. Pour la voir, celle-ci dut se tortiller dans tous les sens et finit par se glisser sous le banc.
Soudain, les deux enfants furent saisis par le collet. Ils se retournèrent d’un seul coup pour faire face, le croirez-vous à Mlle Demierre en personne.
Janette ne put réprimer un fou rire, mais Pierre fronça les sourcils. Mlle Demierre les regarda d’un air visiblement ennuyé.
Par bonheur, à ce moment-là, un grand marin au visage heureux monta sur le pont du navire. D’un large sourire, il salua tous les enfants de l’auditoire et commença aussitôt à leur enseigner un petit cantique :

Voudrais-tu qu’un pilote
D’une main sage et forte
Dirige ton bateau
Vers un port calme et beau ?

Ce pilote est Jésus
Qui peut conduire au but
Ta barque, cher enfant,
A travers l’Océan.

Viens à Lui, aujourd’hui !
Tes péchés, Il a pris.
Sur la croix du Calvaire
Pour toi, il a souffert.

A Toi, je voudrais être
Divin Pilote et Maître.
Fais de moi ton enfant,
Fidèle et confiant.

Ils le chantèrent plusieurs fois. Pierre et Janette joignirent leur voix de toute leur force. Janette serrait la main d’Oncle Sam pour lui montrer combien elle aimait ce chant.
Ensuite, ils apprirent un petit texte par cœur qui se terminait par ces mots : « Même le vent et la mer lui obéissent ». Enfin le grand marin leur parla du divin Pilote.
Mme Blanchard sortit avec Pierre, Janette et les autres enfants. Tout en marchant sur l’esplanade le long de la mer, Janette pensive réfléchissait à ce qu’elle avait entendu. Elle ne comprenait pas tout. C’était si nouveau pour elle qu’elle désirait en parler à Oncle Sam au cours de la promenade de l’après-midi.
Vous auriez dû voir les yeux d’Oncle Sam lorsque les enfants lui parlèrent de l’intervention de Mlle Demierre.
– Oh la la ! qui aurait jamais pensé qu’elle viendrait là ! Elle demeure chez des pêcheurs qui louent des chambres. Je suppose qu’elle a voulu se faire une idée de « Béthel des Marins ». C’est fort dommage qu’elle ait été dérangée !
– Cela m’est égal de l’avoir dérangée, dit Janette franchement ; mais c’est notre vœu… Elle ne changera pas notre nom et nous n’atteindrons jamais le but que papa nous a donné.
– Jamais est une très longue journée, jeune demoiselle. Il me semble qu’avec le vrai Pilote à bord, notre bateau ne peut être que sur la bonne voie et que tout va finir par s’arranger.
– Oncle Sam, j’aimerais tant ! s’exclama Janette. J’aimerai tant connaître le Pilote du cantique. Comment dois-je faire ?

Ils étaient alors assis dans l’herbe au bord de la falaise, en train de regarder de grands navires qui glissaient à l’horizon.

– C’est très simple ma petite, répondit Oncle Sam. Il s’agit d’ouvrir son cœur et de demander au Seigneur Jésus d’y entrer et d’être ton Pilote.

– Est-ce qu’Il prend garde aux bêtises que nous pouvons commettre ? questionna Pierre.
– Oui, jeune homme, Il y prend garde. Le Seigneur Jésus a tellement horreur du mal qu’Il a pris toute notre méchanceté sur Lui-même et qu’Il est mort pour nous sauver.
– Comment a-t-Il fait pour prendre notre méchanceté sur Lui pour nous sauver ? demanda Janette.
– Voilà ! répondit Oncle Sam. Vous souvenez-vous de l’autre jour, quand votre papa vous a défendu d’aller au jardin pendant deux jours, vous obligeant à rester dans la salle de jeu toute la journée excepté les promenades avec Nounou ? C’était parce que vous aviez été polissons en taquinant Mlle Demierre. Votre papa sentait qu’il devait vous punir, n’est-ce pas ?
– Oui, répondirent deux voix intriguées.
– Eh bien ! En supposant que je sois allé chez votre papa et que je lui aie dit :
– Écoutez, Monsieur Barbesou, si je m’abstenais de sortir, excepté les promenades avec Nounou, rendriez-vous la liberté aux deux enfants ?
Ils éclatèrent de rire tous les deux à l’idée d’Oncle Sam allant faire une promenade avec Nounou.
– Est-ce que vous l’avez fait ? demanda Janette confuse.
– Non, dit Oncle Sam, mais si je l’avais fait vous auriez été libres tous les deux. En me punissant, votre père n’aurait pas pu vous punir. Le Seigneur Jésus a fait précisément cela. En prenant notre méchanceté, nos péchés sur Lui, Il en a porté la punition à notre place.
– Oh ! comme Il est bon, dit Janette les larmes aux yeux. Je regrette d’avoir été sotte si souvent. J’aimerais tant qu’Il entre dans mon cœur. Pouvons-nous le Lui demander maintenant ?
– Oui, dit Oncle Sam, maintenant.
Entourant chaque enfant d’un de ses bras, Il exposa au Seigneur Jésus ce que ressentaient les deux enfants. Lorsqu’il eut fini, Janette garda les yeux clos et dit :
– Cher Seigneur Jésus, je suis bien fâchée d’avoir été méchante et je te dis merci de m’enlever le fardeau de mes fautes. Veuille, s’il te plaît, entrer dans mon cœur et devenir le Pilote de mon bateau.
– Moi aussi, je regrette mes fautes, ajouta Pierre. Veuille, s’il te plaît, être mon Pilote.
Comme ils se trouvaient seuls, Oncle Sam entonna le cantique « Voulez-vous qu’un pilote » et ils chantèrent tous ensemble.
Jim se promenait sur la plage et lorsqu’il entendit le chant, il leva la tête, les reconnut et se mit à escalader la falaise. Arrivé près du sommet, il resta pris sous le rebord du rocher au point de ne pouvoir plus ni monter ni descendre.
Oncle Sam se sentait trop raide et trop vieux pour se risquer jusqu’à lui, aussi fut-il soulagé d’apercevoir deux jeunes gens au tournant du chemin qui aidèrent Jim à sortir de sa fâcheuse position.
– Écoute, jeune homme, lui dit Oncle Sam, tu ferais mieux d’attendre et de réfléchir avant de te lancer ainsi à l’aventure. Voici deux jours de suite que nous avons dû venir à ton secours.
Jimmy fit une grimace :
– Oui M’sieu, merci M’sieu, fit-il.
Il craignait un peu Oncle Sam ; mais les enfants se mirent à bavarder avec lui et l’entraînèrent à la maison pour le thé. Ensuite Pierre et Janette demandèrent instamment la permission de retourner à « Béthel des Marins ».
Mlle Demierre n’y était pas. A leur grande joie, on chanta de nouveau le cantique du divin Pilote et d’autres chants de marins.
Un matelot présenta la Parole de Dieu. Les deux enfants, tranquilles comme des images, finirent par s’endormir de chaque côté d’Oncle Sam. A leur éveil, ils étaient aussi vifs que des sauterelles et un joyeux souper acheva la journée.
C’est le plus beau jour de ma vie, dit tout bas Janette à Oncle Sam, en lui souhaitant le bonsoir. C’est parce que nous avons le Pilote à bord qui nous aidera à gagner le but fixé par papa, n’est-ce pas ?

7. La Fiat verte.

Parlez du loup, il sort du bois …
Janette se réveilla de très bonne heure le lundi matin. Elle arriva au mas avant que Pierre se fut habillé. Quand Oncle Sam se mit à la fenêtre, les deux enfants jouaient au volant avec énergie autour de la pelouse.
– Dépêche-toi, Oncle Sam ! lui cria Janette en lui faisant signe de la main. Viens nous regarder avant de prendre ton petit déjeuner !
Mme Valéry avait mis à frire le lard dans ce qu’elle appelait le restaurant et cela sentait si bon que bientôt chacun se précipita à l’intérieur.
– Oncle Sam ! J’ai une idée.
Pierre se mit à rire. Janette commençait toujours ainsi et souvent ses idées ne valaient pas grand-chose.
– Eh bien ! petite dame, de quoi s’agit-il ?
– Oncle Sam ! J’aimerais accomplir notre vœu et faire quelque chose d’aimable envers Mlle Demierre et je me demandais si nous pourrions lui offrir un tour en mer aujourd’hui.
– Oui, ma chérie, mais je ne sais pas si Mlle Demierre … enfin il faut y penser. Peut-être ne supporte-t-elle pas la mer ? Certaines personnes sont malades.
Les enfants se mirent à rire. Comment était-ce possible d’être malade sur cette magnifique mer !
– Ne pourrait-on pas le lui proposer malgré tout ? continua Janette.
Oncle Sam réfléchit une minute.
– Je crois, dit-il, que nous ferions mieux de nous adresser au Pilote avant d’aller plus loin.
– Le consultes-tu pour tout, Oncle Sam ?
Oui, en toute occasion, qu’elle soit importante ou non. Je suis certain qu’Il aime à ce qu’on lui raconte tout et que cela plaît à son cœur.
– Alors, disons-le-Lui tout de suite ! Et Janette se laissa glisser sur ses genoux.
La prière d’Oncle Sam fut très simple. Les enfants avaient l’impression qu’il parlait à un Ami qui se tenait à côté d’eux.
Après le déjeuner, on tourna le bouton de la radio. En général, Oncle Sam était seul à l’écouter, mais, ce matin-là, Pierre s’y intéressa. Il s’agissait de deux hommes qui s’étaient enfuis après avoir commis un vol. La police signalait une Fiat verte et indiquait le numéro de la plaque.
– Qu’ont-ils volé, Oncle Sam, demanda Pierre qui avait manqué la première partie.
– Des bijoux, paraît-il, et en quantité dans un des meilleurs magasins de la région. Cela m’étonnerait qu’ils aillent bien loin, car notre police a l’œil ouvert.
– Maintenant, mes chers amis, j’ai deux lettres à écrire ; pouvez-vous vous amuser seuls pendant une demi-heure ?
– Oncle Sam, nous permets-tu d’aller acheter des cartes postales pour écrire à la maison ? Il y a des magasins tout près d’ici.
Oncle Sam s’en alla à son pupitre tandis que les enfants prenaient le large. Mais, à peine partis, ils revinrent hors d’haleine.
– Oncle Sam, cria Pierre avant même d’entrer dans la chambre, nous avons vu la Fiat verte.
Oncle Sam tourna la tête tranquillement. Il commençait à être habitué à ces voix enthousiastes. Mais, cette fois, à l’ouïe du récit de Pierre tout essoufflé, il ne tarda pas à découvrir que ce n’était pas un fait banal.
– C’est la voiture que la police recherche depuis ce matin, tu sais. Oncle Sam, tu disais que c’étaient des bijoux. Nous l’avons vue. Deux hommes en sont sortis et l’ont abandonnée. Elle est verte. Elle a les lettres et les numéros indiqués par la radio. Oncle Sam se leva.
– Où est-elle, fils, demanda-t-il ?
– Elle est dans l’allée qui passe derrière la mare, interrompit Janette qui ne voulait pas rester en arrière.
Ils se hâtèrent donc vers l’endroit désigné.
– La voici ! dit Pierre en la montrant du doigt. Regarde, ils l’ont même si bien camouflée dans les buissons qu’on ne la remarque presque pas.
En effet, la couleur, la forme, la plaque, tout correspondait aux indications données. Il fallait avertir la police au plus vite. En quelques minutes, la voiture arriva et ils s’engouffrèrent derrière les policiers pour retourner une seconde fois dans l’allée derrière l’étang.
Le chef de la police posa des quantités de questions à Pierre : « A quelle heure exactement avaient-ils vu la Fiat ? » Oncle Sam regarda sa montre et fit le calcul à rebours. « Quel motif les avait poussés à laisser la voiture ? » Pierre avait lu le numéro de la plaque au moment où elle contournait l’allée.

– Tu es intelligent et observateur, remarqua l’officier de police. Peux-tu me décrire les hommes ?
Ici Janette s’avança. Elle était certaine que l’un avait des cheveux très blonds et ondulés et que l’autre en avait des foncés, presque noirs et très courts. L’un portait un manteau de pluie clair et l’autre était en manche de chemise avec un pull-over gris.
– Quelle direction les hommes ont-ils prise en quittant la voiture ? poursuivit le gendarme.
– Ils ont été à travers champs, dit Pierre, et ils avaient l’air pressés.
– Hum ! Ça c’est le chemin de la gare…
Ici le chef s’interrompit. Il donna l’ordre à ses gens de téléphoner à tous les bureaux de police, de surveiller toutes les gares le long de la ligne et de faire rapport immédiatement s’ils apercevaient les fuyards.
– Je pense que nous devrions revoir ce jeune homme et sa sœur, dit-il à Oncle Sam en les raccompagnant. Ils méritent d’être félicités tant pour leur sens d’observation que pour leur vivacité d’esprit.
– C’était gentil ce qu’il a dit de nous, n’est ce pas, Oncle Sam ? demanda Janette qui n’avait pas bien compris ; car, quand papa disait qu’ils méritaient quelque chose, c’était toujours mauvais signe et avant-coureur d’une punition.
– J’aimerai bien qu’il le dise à papa, ajouta-t-elle, lorsqu’elle fut certaine d’avoir bien agi.
– Mais cela ne servirait à rien puisque cela ne concerne pas Mlle Demierre, objecta Pierre. Comme j’aimerai qu’elle cesse de nous appeler « insupportables » !
– Elle le fera bientôt, repris Janette. Je demande chaque jour au Seigneur Jésus de me montrer ce que je peux faire pour elle.
Tout en discutant, ils avaient atteint la jetée.
– Allons voir la « Joyeuse Anna », suggéra Pierre. La voici ! Et ils descendirent les escaliers auprès desquels le bateau était amarré.
Oncle Sam marchait plus lentement et vit quelqu’un que les enfants n’avaient pas remarqué et qui était… Mlle Demierre. Elle se tenait devant une pancarte qui annonçait l’heure de départ des différentes excursions en mer. Elle écoutait les mariniers qui criaient l’un plus fort que l’autre :
– Deux heures en mer…. Par ici, sur la « Vague d’argent » !
– Deux heures de croisière avec les « Trois Garçons » !
– Une heure, seulement le long de la côte, avec visite aux grottes !
Oncle Sam, en homme très poli, souleva son chapeau en s’approchant d’elle :
– Bonjour Madame ! commença-t-il, Quelle belle matinée ! Aimeriez-vous l’eau ? Je me demandais si une promenade en mer, sur mon bateau, vous ferait plaisir ? Nous pourrions partir à l’heure qui vous conviendrait.
– Comme je vous remercie et vous suis obligée, cher Monsieur ! Sur les bateaux publics, c’est la cohue à cette période de l’année. Soudain, sur son visage enchanté, une ombre passa.
– Puis-je vous demander si ces insupportables Barbesou y seront ? S’ils viennent, je n’oserai pas accepter votre invitation.
Oncle Sam réfléchit rapidement.
– Non ! Madame, dit-il. Si vous avez envie de venir cet après midi, les enfants resteront sur la plage avec ma sœur. A vrai dire, c’était le désir de Janette de vous inviter à une croisière.
Ils fixèrent l’heure et Oncle Sam retourna vers ses petits amis et leurs raconta sa rencontre.
– Oh ! que c’est dommage, dit Janette, nous n’aurons pas de sortie en mer et je me réjouissais tant !
– Peut-être pourrons nous y aller demain matin et plus longtemps, suggéra Oncle Sam. Vous voyez, enfants, ajouta-il, le Pilote ne nous conduit pas toujours où nous désirons aller, mais Il choisit le meilleur chemin.
Pierre serra une des larges mains d’Oncle Sam et Janette s’empara de l’autre pour lui donner son accord.

8. Le festival de pêche.

Les enfants avaient été si raisonnables en acceptant de ne pas aller en bateau avec Mlle Demierre que le lendemain, le temps étant au beau, Valéry emballa un volumineux pique-nique afin de passer toute la journée sur la « Joyeuse Anna ».
– Que dirais-tu, Pierre, de faire un saut chez Jim pour l’inviter aussi ? suggéra Oncle Sam. Il vous attend pour le thé en fin d’après-midi, n’est-ce pas ? Nous serons de retour à temps.
– Mme Blanchard m’a recommandé de revenir mettre une robe propre et de faire un brin de toilette avant d’aller à cette invitation, remarqua Janette. Elle sera là pour m’aider.
– Oui, tous les deux vous en aurez besoin, je pense, dit Oncle Sam en admirant leurs belles joues rouges.
– C’est Valéry qui me débarbouille, ajouta Pierre, mais je sais le faire tout seul à vrai dire. Je suis prêt pour l’internat.
A mi-chemin déjà, ils rencontrèrent Jim qui sauta de joie à la perspective d’un jour en mer. Il courut en avertir sa maman.
– Monsieur, confia-t-il à Oncle Sam dès son retour, c’est aujourd’hui le Festival de pêche pour les enfants. Il y a des prix pour ceux qui ont pris le plus de poissons : une série de prix pour les enfants en dessous de 11 ans et une autre série pour ceux de 11 à 16 ans. Pourrions-nous essayer ?
– Bien sûr ! jeune homme. Oncle Sam lut soigneusement les conditions. Je vois que nous avons juste le temps. Nous devons nous inscrire avant de partir. Le premier coup de canon est à onze heures pour le départ et le second à quatre heures pour le retour.
Les trois enfants, très excités, se mirent tout de suite au travail. Tom connaissait les meilleures places où passaient les poissons et Oncle Sam donnait ses conseils pour les appâts et la manière de pêcher. Tom apporta les seaux. Jim y déposa le premier poisson, bientôt imité par ses deux compagnons.
Au bout d’un moment, Janette en eut assez et préféra courir sur le pont et causer avec Oncle Sam ; mais les deux garçons continuèrent sérieusement.
Le repas fut pris sur le pouce. Oncle Sam fut stupéfait de voir la quantité de sandwiches au jambon, de pains aux raisins, de bananes, de biscuits sucrés et de boissons gazeuses qui disparut en quelques minutes.
– Jim pense que j’en ai pris le plus, Oncle Sam. Penses-tu que je gagnerai le prix ? demanda Pierre.
– Je n’en sais rien, jeune homme. Sur tous ces bateaux, il y a des gens qui pêchent. Ils essaient tous.
Cette maigre chance d’emporter le prix piqua au vif, malgré tout, fort bien les garçons. Parfois l’un pensait en avoir plus que l’autre et Janette faisait l’arbitre en soulevant les bidons.
– Est-ce qu’ils gardent le poisson ? demanda-t-elle à Jim.
– Non, Mamzelle, ils ne font que le peser, puis nous le redonnent.
– Que va-t-on faire de tout çà ? soupira Janette.
– Je vendrai les miens dans une des poissonneries et je puis vendre les tiens aussi, si tu veux.
Pour finir, on décida que Jim les vendrait tous au marchand désireux de les prendre et qu’on partagerait l’argent gagné en trois parts, puisque Janette renonçait à pêcher l’après-midi de peur d’attraper les poissons des garçons.
– A combien se vendent-ils ? demanda Pierre. Assez pour acheter un appareil photo ?
– Pierre économise pour acheter un appareil, expliqua Janette, mais il dépense son argent avant même de l’avoir mis dans son porte-monnaie. Quant à moi, je pense acheter quelque chose pour Mlle Demierre. Je me demande si elle aimerait un mouchoir comme toutes les vieilles dames. Que feras-tu du tien, Jim ?
– Moi, dit Jim, j’ai l’habitude de diviser mon argent par dix. Je donne 8 dixièmes à maman pour mon entretien et j’en garde un pour moi.
Pierre réfléchit un instant.
– Mais ce n’est pas tout, dit-il, il y a encore le dernier dixième, n’est-ce pas ? Qu’en fais-tu ?
Il faisait très chaud malgré la brise marine et Jim avait pris un beau coup de soleil. Il était déjà rouge, mais cette question directe le fit devenir écarlate.
– Voyez-vous, dit-il lentement, l’autre dixième s’appelle la dîme. Elle appartient à Dieu et je la mets dans la boîte des Missions.
– Comment sais-tu qu’elle appartient à Dieu ? demanda Janette. Es-tu forcé de la donner ?
– Non ! dit Jim pensivement, mais le moniteur nous a dit qu’on calculait comme cela autrefois. Dieu aime que nous le fassions aussi. Mon père et ma mère le font toujours, ajouta-t-il.
– Alors Pierre, décida Janette, nous donnerons aussi notre dîme à Dieu. Tu es d’accord ? Cela me ferait plaisir. Il est notre Pilote à nous aussi, expliqua-t-elle à Jim.
Il était près de quatre heures et tous les bateaux rentraient. Bientôt le coup de canon partit et les enfants firent la queue pour faire peser leurs poissons.
Le poids total de la pêche de Pierre atteignait quatre kilos trois cents. Ils attendirent que tous les poissons soient pesés et qu’on annonce les résultats. Un grand nombre d’enfants avaient participé au concours et Pierre vit ses espoirs de gagner s’évanouir peu à peu. La surprise fut d’autant plus grande lorsqu’il entendit : « En dessous de onze ans, la plus grosse prise a été faite par Pierre Barbesou : 4,300 kilos !

Jim, lui, n’avait que 3,900 kilos et fut classé troisième dans le groupe des jeunes de onze à seize ans. Le pesage terminé, les gagnants furent invités à revenir à la jetée, à six heures et demie, chercher leurs prix.
L’excitation était générale. Jim partit vendre le poisson. Les deux autres s’en allèrent se changer et Oncle Sam promit de passer les prendre pour être à temps à la réception des prix.
Jim, courant toujours, mais heureux d’avoir pu vendre tout le poisson, les rattrapa en chemin. Il étala sur un mur les vingt francs et quarante centimes qu’il serrait dans sa main. Un petit calcul leur montra qu’ils avaient droit chacun à six francs quatre-vingts. Janette commença à diviser sa fortune par dix. Ce fut plus long, mais enfin elle décida que cela ferait des parts de soixante-dix centimes.
Pierre, à son tour, offrit sa participation à l’achat du mouchoir de Mlle Demierre.
En se rendant chez Jim pour le thé, ils passèrent devant une mercerie et y entrèrent. Il y avait de très jolies pochettes pour un franc et cinquante centimes. Janette en admirait surtout une, décorée d’une petite fille qui faisait la moue devant une plate-bande de fleurs. Quelques mots, imprimés sous le dessin, traduisaient son expression :
« Daisy, Daisy, as-tu du chagrin ?
Comment pousse ton jardin ? »
Pierre se mit à rire.
– Et si elle ne s’appelle pas Daisy ? objecta-t-il. Elle pensera encore que nous sommes des « insupportables ».
– Oh ! c’est vrai, quel ennui ! Janette n’y avait pas pensé.
– Est-ce que les mouchoirs unis vous plaisent ? J’en ai avec toutes les lettres, proposa le vendeur. Après bien des hésitations, ils décidèrent d’en choisir un avec la lettre D, joliment brodée en bleu.
– Tu feras bien de lui faire remarquer que le D est pour Demierre, conseilla Pierre.
– Oui, je lui dirai que le D est pour Dame et pour Demierre. Elle ne pourra pas se fâcher et, ajouta-t-elle malicieusement, si elle s’appelle Daisy, cela ira aussi bien. Nous emporterons notre cadeau à la plage, demain matin, et nous essayerons de la trouver.
Le thé était prêt lorsqu’ils arrivèrent chez Jim. Sa maman, Mme Desmas, allait justement le porter à sa pensionnaire.
– Oh ! vous avez une pensionnaire ? demanda Janette.
– Oui, chérie, une dame âgée, très tranquille. Elle ne dérange pas du tout, ajouta Mme Desmas, les mains encombrées par le plateau.

– Puis-je vous aider en portant les biscottes ? offrit Janette.
– Merci, ma petite, cela m’évitera des pas.
Janette suivit Mme Desmas jusqu’au salon et là – voulez-vous me croire ? – elle trouva Mlle Demierre assise dans un fauteuil.
– Oh ! c’est Mlle Demierre, s’exclama Janette.
– Vous vous connaissez, chérie ? demanda Mme Desmas.
– Oui, répondit Mlle Demierre, nous sommes voisines.
– C’est la meilleure ! poursuivit Mme Desmas. Quel plaisir de se retrouver ici !
Janette ne put s’empêcher de rire en cachette.
– Mlle Demierre, dit-elle avec empressement, nous avons un mouchoir pour vous, à la cuisine. Je vais le chercher.
– Viens vite, Pierre ! appela-t-elle. Mlle Demierre est ici.
Timidement, Pierre suivit sa sœur qui, d’emblée, présenta leur petit cadeau.
– Voyez, dit-elle, nous avons choisi D pour Dame et pour Demierre.
– C’est très gentil de votre part, mes enfants, dit Mlle Demierre d’une voix affectueuse. Vous ne devriez pas dépenser votre argent pour moi.
– C’est l’argent de notre pêche, expliqua Pierre. Nous avons dépensé chacun un dixième pour vous et nous mettrons la dîme de Dieu pour les Missionnaires.
Ceci dit, Janette se retira précipitamment dans la confortable cuisine.
– Oh ! s’écria-t-elle, n’est-ce pas merveilleux ?
Mlle Demierre a dit que c’était très gentil de notre part et nous a nommés « mes chers petits », Pierre ! continua-t-elle, en prenant son frère par la manche et en le faisant pirouetter, je crois que nous venons de commencer à réaliser notre vœu. Oncle Sam a dit que cela viendrait par petits bouts.
Chacun jasait joyeusement autour de la table garnie. La distribution des prix avait réuni toute une petite troupe très excitée. Pierre, au comble du bonheur, feuilletait un magnifique livre, illustré en couleurs, où se trouvaient reproduites toutes sortes de poissons et de curieuses créatures vivant au fond de la mer.
Somme toute, la journée avait été splendide. Aussi Janette, en s’agenouillant près de son lit, ce soir-là, dit-elle de tout son cœur : « Merci, Seigneur Jésus pour la belle journée ! Et merci encore pour la rencontre avec Mlle Demierre ! S’il-te-plaît, montre-nous ce que Tu désires que nous fassions pour qu’elle change notre nom devant papa ».

9. Étincelle.

– J’aimerais que ce soit le premier jour au lieu du dernier, remarqua Janette tristement, à l’heure du petit déjeuner, le jeudi matin. Oncle Sam, continua-t-elle, ne pourrions-nous pas faire un peu de chaque chose aujourd’hui ?
– Une pêche aux crevettes dans les flaques !
– Un vrai bain.
– Une glace !
– Une sucette !
– Un bonbon !
– Un tour à dos d’âne !
– Une partie de bateau sur la « Joyeuse Anna » !
– Un pique-nique sur la plage !
– Une partie de pêche !
– Et n’attraper qu’un seul poisson…, interrompit Pierre.
– Non ! une quantité, bêta.
– Bâtir un château !
– Regarder une fois dans le télescope et…
– Un…, un…
– Et rencontrer une Mlle Demierre, suggéra malicieusement Pierre, tandis que Janette réfléchissait à d’autres « un ».
– Bien, gloussa Janette. Je ne désire pas rencontrer plus d’une Mlle Demierre, bien qu’elle ait été très gentille avec nous, hier.
– Voyons mes poussins, dit Oncle Sam, si nous voulons mettre tout cela en une journée, nous serons des « cracks » comme disent nos amis américains. Nous pourrions commencer par les petites choses, ce matin, et remettre la sortie en mer, avec la pêche, à l’après-midi ; puis, nous aurons notre thé-pique-nique sur la plage, suivi de ce qui n’aura pas encore été fait.
C’est une bonne chose de faire des projets, mais parfois ils ne se suivent pas comme on le pense et c’est précisément ce qui arriva ce jour-là.
Tout alla bien pour la pêche aux crevettes et le bain. Vint le tour des gourmandises, suivies de la partie à dos d’âne.
L’âne favori de Janette était replet et confortable. Il se nommait Molly. Quand à Pierre, il ne voyait de beau qu’étincelle et prétendait que ses jambes étant plus longues, il allait plus vite que les autres.
– Mon vieil ami Étincelle, lui disait-il en le flattant de la main et en lui passant son bras autour du cou. Mon vieux ! Nous irons comme le vent, n’est-ce pas ? Et d’un coup, il grimpa sur le dos de l’âne.
– Surtout ne le frappe pas, recommanda-t-il au garçon écuyer. Je me charge de le faire avancer. Il le pressa entre ses genoux et lui fit adopter un trot très respectable.

Escortés du garçon, Janette et Molly suivaient au pas. Ils ne parvinrent à rattraper Pierre qu’au moment où le gardien leur cria de rentrer.
Il faut savoir que le plus paresseux, le plus doux des ânes de la plage fait toujours un temps de galop en rentrant à l’écurie. Molly et Étincelle ne faisaient pas exception à la règle. Ils allaient contre le vent – ce jour-là assez fort – et malgré tout, ils galopaient à qui mieux mieux, excités encore par les cris de joie des enfants.
Il paraît que le vent avait emporté un malin petit lutin sur ses ailes qui vit une dame en train de lire son journal. Elle venait justement d’en terminer la première partie et tentait de la glisser par-dessous la seconde en vue de poursuivre sa lecture.
« Voilà une bonne occasion ! » pensa le vent. Il souffla très fort et arracha le journal de la main de la vieille dame. (Ce n’est bien sûr pas très poli d’arracher, mais il ne s’arrêta pas pour y penser). « Qu’allons-nous faire ? se demanda-t-il. Oh ! je sais. Le journal est maintenant bien ouvert. Que ce serait amusant de le souffler sur la tête de l’âne ! »
Étincelle arrivait au même moment et le vent lui appliqua les grandes feuilles imprimées sur le museau. Aucun âne qui se respecte, n’accepte pareil traitement. Étincelle encore moins que les autres.
« Que m’arrive-t-il ? se dit-il en brayant en lui-même. C’est aveuglant. Je vais essayer de m’en débarrasser ».
Il ne pouvait plus voir son chemin, mais il était déterminé à aller quelque part et partit au grand galop. Il allait si vite que Pierre n’arrivait plus à sauter. Il tenta de s’y cramponner, couché à plat ventre sur le dos de l’animal qu’il tenait serré par le cou. Ensemble, ils cabriolaient, bondissaient, sautaient, dépassant de loin l’arrêt habituel.
Plusieurs personnes tentèrent de les arrêter. Mais, lorsqu’Étincelle se mettait martel en tête, il fallait beaucoup plus que des cris pour ralentir sa course. Soudain, Pierre sentit qu’il ne pouvait plus tenir. Étincelle finit par s’affoler complètement.
« Je dois me débarrasser de cet horrible journal, et au plus vite, décida-t-il en se cabrant ».
Il lança son derrière en l’air et fit la culbute. Pierre fut projeté et tomba lourdement quelques mètres plus loin.
Étincelle se tint tranquille pendant un moment.
« Que s’est-il passé ? se demanda-t-il dans sa cervelle d’âne. Un poids est tombé de mon dos, mais cette chose m’aveugle toujours ». Il fit demi-tour et bien sûr, comme le vent soufflait dans l’autre sens, le papier tomba à terre instantanément.
Deux messieurs s’approchèrent de Pierre. Ses yeux étaient fermés et il était très pâle. Avec précaution, ils le portèrent le long de la plage et rencontrèrent Oncle Sam et Janette qui accouraient vers eux suivis d’un promeneur qui était médecin.
– Posez délicatement le petit sur ce manteau, dit-il, je veux l’examiner. Les bras sont en ordre, les jambes aussi, continua-t-il en palpant les articulations. Ah ! qu’avons-nous là ? Une côte cassée, deux peut être. Bien, bien, si c’est tout, nous pourrons être contents, cela aurait pu se révéler plus grave. Nous aurons tôt fait de le remettre sur pied.
Alors la dame dont le journal avait été emporté par le vent entra dans le cercle, très agitée.
– Que je regrette ! commença-t-elle. En reconnaissant son petit voisin, elle s’arrêta net. A ce moment précis, les yeux bleus de Pierre s’ouvrirent et la première personne qu’il vit fut Mlle Demierre.
– Eh ! dit-il faiblement, qu’est-ce qui m’arrive ? Ah ! oui, Étincelle s’est emballé. Où est-il ? Est-il blessé ?
– C’est à cause de mon journal, dit Mlle Demierre en se penchant vers lui, j’en suis navrée.
– Cela ne fait rien, dit Pierre, ce n’est pas grave. Cet accident nous aidera peut être à réaliser notre vœu.
Il essaya de s’asseoir, mais retomba en arrière avec un cri déchirant et ses yeux bleus se refermèrent.
Janette se cramponna à Oncle Sam et devint pâle comme un linge. Elle éclata en pleurs.
– Oh ! sanglota-t-elle, j’ai peur qu’il ne soit mort.
– Rassure-toi, dit le docteur en la regardant gentiment. S’il plaît à Dieu, nous allons le remettre et il pourra de nouveau faire des compétitions avec toi.
Transporté à l’hôpital, Pierre y fut radiographié et la côte cassée (ce n’en était qu’une, après tout) fut réduite et bandée solidement.
– Il vaut mieux nous le laisser jusqu’à demain, dit le docteur. Ensuite il pourra sortir, mais il faudra aller doucement pendant quelques semaines.
– Je viens de téléphoner à votre maman, votre père étant absent, dit Oncle Sam à Janette. Elle offrait de venir, mais je lui ai dit que ce n’était pas nécessaire et qu’elle ne devait pas s’inquiéter. Elle était d’accord avec moi pour trouver préférable de prolonger votre séjour de quelques jours puisque Pierre doit passer encore deux fois au contrôle médical.
– Oh ! Oncle Sam ! Janette ne savait plus s’il fallait rire ou pleurer.
Oncle Sam, réalisant que la pauvrette avait presque autant souffert que son frère, la prit sur ses genoux.
– Sera-t-il bientôt guéri ? demanda-t-elle. C’est merveilleux de pouvoir rester encore ici quelques jours et peut-être d’aller de nouveau en mer ! Mais j’aimerais te dire, Oncle Sam, ajouta-t-elle, Pierre et moi, nous demandons chaque jour au Pilote de diriger nos bateaux et de nous aider à accomplir notre vœu pour satisfaire papa. Penses-tu que Lui-même a permis cet accident ?
– Certainement, mon enfant. Lorsque nos vies et nos soucis sont placé entre Ses mains sages, Il dispose les choses et conduit nos pas d’une main sûre sur la bonne voie.
– Alors il se pourrait maintenant que Mlle Demierre nous aime, finit par dire Janette en sautant sur les genoux d’Oncle Sam.

10. Hi-Han.

Le jour suivant, Pierre reçut la permission de sortir de l’hôpital. On lui recommanda de se mouvoir doucement, lentement et de s’étendre la plupart du temps au cours des trois premiers jours.
Sur le confortable sofa du salon, le temps ne lui parut pas long. Janette, Oncle Sam et Valéry étaient toujours disposés à s’asseoir près de lui, à lui raconter de belles histoires et à jouer à toutes sortes de jeux. Jim vint aussi plusieurs fois et lui apporta des livres intéressant les garçons de son âge. Même l’ânier et son fils passèrent prendre de ses nouvelles.
Le dimanche matin, Janette accompagna Oncle Sam à « Béthel des Marins ». Sitôt que fut fini le quart d’heure des enfants, elle courut à la maison tout raconter à son frère.
Dans l’après-midi, quelqu’un frappa à la porte : c’était Mlle Demierre. Elle leur sourit véritablement et s’assit sur le divan.
– Je viens vous dire, commença-t-elle, combien je regrette d’avoir été la cause de cet accident.
Pierre lui fit une petite moue joyeuse.
– Vous n’y pouvez rien ! De plus, ajouta-t-il avec un malicieux clin d’œil, sans votre journal, nous serions déjà rentrés vendredi dernier. Aujourd’hui, Oncle Sam nous a invités à rester ici encore toute une semaine.
Mlle Demierre lui caressa les cheveux.
– Bien, dit-elle, c’est aimable de votre part de prendre la chose ainsi.
Janette s’était tenue un peu à l’écart pour écouter. Elle s’avança.
– Mademoiselle Demierre, fit-elle timidement, nous regrettons de vous avoir ennuyée si souvent dans votre jardin avec nos balles et le grogneur et toutes les autres choses. Nous savions que c’était mal, mais nous ne voulions pas vous faire de la peine. Nous regrettons tous les deux, ajouta-t-elle, afin d’aider son frère.
– Eh bien mes chers enfants, laissons cela au passé. Nous nous entendrons mieux dorénavant.
– Oui ! déclara Pierre qui voulait faire sa part, vous voyez nous avons le Seigneur Jésus comme Pilote à bord maintenant et Il nous aide à ne pas faire des sottises.
Mlle Demierre rentrant chez elle le lendemain, ils lui dirent « au revoir ».
A partir de ce jour-là, ils eurent une semaine merveilleuse. Valéry transporta une chaise-longue sur le pont de la « Joyeuse Anna », ce qui leur permit de vivre presque entièrement sur mer. Oncle Sam disait qu’ils devenaient si bruns que leur maman allait lui demander s’il ne ramenait pas deux enfants indiens à la place des siens.
Lorsque Pierre put marcher un peu, il voulut aller voir Étincelle encore une fois. Ils se dirigèrent vers l’enclos et il appela sa favorite.
– Hallo ! Étincelle, murmura-t-il au creux d’une de ses grandes oreilles, tu as eu peur, n’est-ce pas ?
Un formidable « hi-han » fit sursauter Pierre. Janette étouffait de rire.
– Oh ! Pierre, il dit qu’il regrette.
– C’est bien, Étincelle, dit Pierre en réponse à son second « hi-han ». Ce n’était pas ta faute, ajouta-t-il en prenant dans sa poche la carotte qu’il avait apportée tout exprès.
A peine l’avait-il sortie que tous les autres ânes accoururent. Janette avait heureusement un cornet plein de morceaux de sucre pour Molly ; elle put en distribuer un à chacun.
– Oncle Sam, supplia Pierre, puis-je le monter encore une fois avant de partir ?
– Non, mon garçon, je crains pour ta côte. Il vaut mieux attendre l’année prochaine.
– Oh ! Oncle Sam, s’écria Janette en s’élançant dans ses bras au milieu des touristes et des ânes, y aura-t-il une année prochaine ? Pourrons-nous réellement revenir ?
– Hum ! poussins, je n’aurais peut être pas dû le dire si vite, mais je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas recommencer si vos parents y consentent. Les enfants étaient muets de joie et Janette commença à danser.
– Oh ! s’exclama-t-elle, je vais faire une liste de toutes les journées et je les rayerai à mesure pour que cela aille plus vite. Ce sont les plus belles vacances que nous ayons eues. Nous avons avancé un petit bout à notre vœu, n’est-ce pas, Oncle Sam ? Et nous connaissons le Seigneur Jésus, ce qui est bien le meilleur de tout !

11. La lecture à haute voix.

Les vacances avaient été passionnantes et, pourtant, il faisait bon revenir à la maison. C’était gai de revoir maman, Nounou et les petits, sans oublier Roseline. Pierre et Janette avaient tant à raconter que cela n’allait pas assez vite : ils se mirent donc à parler les deux ensembles.
– On ne comprend ni l’un ni l’autre, objecta Nounou, quand vous parlez les deux à la fois. Racontez chacun à votre tour un peu de chaque chose. Le résultat fut une vraie salade d’Étincelle, de poissons, de Mlle Demierre, de crabes, de crevettes, de bateaux, de la boîte pour les missionnaires et de la dîme.
L’école recommençait deux jours plus tard pour Pierre et Janette qui suivaient des cours préparatoires à cinq minutes de chez eux. Selon l’avis du médecin, Pierre était autorisé à y assister à la condition de s’abstenir des jeux et de la gymnastique.
– Si seulement le docteur pouvait m’ordonner de ne pas suivre le calcul, soupira Janette, c’est tellement ennuyeux et jamais juste.
– Et pourtant, on ne pourrait pas compter la dîme de Dieu sans le calcul, remarqua Pierre.
Comme ils passaient tout le jour à l’école, ils avaient pris l’habitude de se rendre chaque soir, chez Oncle Sam. Les jeux, les histoires et le plaisir qu’ils partageaient avec lui couronnaient la journée de travail. Deux ou trois semaines s’écoulèrent ainsi. Ils n’entendaient plus parler de Mlle Demierre, bien qu’à deux reprises elle ait fait demander de leurs nouvelles. Puis un jour, en rentrant de l’école, Janette rencontra Hélène, la servante.
– Je suis en souci de Mlle Demierre, ma maîtresse, dit Hélène.
– Est-elle malade, demanda Janette ?
– Ce sont ses yeux. Elle ne voyait déjà plus très bien depuis quelques temps, mais le mal s’est aggravé. Le docteur Morier dit qu’elle devra subir une opération et qu’après sa vue sera de nouveau parfaite. Mais ce qui me fait du souci, c’est que mon cher père est malade. Je dois aller aider maman à le soigner pendant plusieurs semaines.
Berthe, ma collègue, est capable de faire le ménage, mais elle n’a pas l’habitude de lire à haute voix. Le docteur dit que Mlle Demierre ne doit absolument pas se fatiguer les yeux avec des petits caractères ; c’est pourquoi je lui lis le journal chaque jour et cela va bien lui manquer.
– Hélène ! Pourrions-nous lui faire la lecture ? Pierre est un bon lecteur. Il sait lire presque tous les longs mots et je pourrais aussi très bien les épeler.
Le visage d’Hélène s’éclaira.
– Si toi et ton frère vous pouviez le faire, j’en serais soulagée.
Lorsque Pierre apprit la chose, il parut douter du résultat.
– Cela est possible, dit-il, mais signifie que nous n’aurons plus le temps d’aller chez Oncle Sam après le goûter et c’est le seul moment que nous avons.
Ce soir-là, ils racontèrent tout à Oncle Sam.
– Eh bien ! mes poussins, dit-il, parfois notre Pilote choisit un chemin qui n’est pas facile pour nous. Renoncer à quelque chose que nous aimons, même s’il nous en coûte beaucoup, en vaut bien la peine, toujours la peine quand c’est pour Le suivre.
– Oui ! acquiesça Janette, cela pourrait faire partie de notre vœu. Mais Oncle Sam, continua-t-elle lentement, ce n’est plus vraiment à cause de notre vœu et du but de Papa, c’est parce que nous aimerions plaire au Pilote.
Oncle Sam saisit parfaitement leur pensée et le beau sourire qu’il leur adressa en fut la preuve évidente.
Ils débutèrent le jour du départ d’Hélène et Mlle Demierre parut contente de les avoir auprès d’elle. Ce n’était pourtant pas très facile. Les journaux, si peu intéressants et compliqués, lassaient très vite le zèle de Pierre mais il fallait malgré tout parcourir tous les articles que Mlle Demierre voulait entendre. Heureusement qu’ils savaient où chercher du secours, ce qui leur aida à persévérer jour après jour.
Comme prévu, ils avaient fait une sorte de calendrier jusqu’aux prochaines vacances d’été. Que cela paraissait long 350 jours ! Chaque soir, ils en rayaient un… C’était toujours un de moins. Pourtant le temps passa incroyablement vite : l’école toute la journée, puis le goûter, avec maman quand elle était là ; ensuite, la lecture à Mlle Demierre et un moment de jeu avec les petits et, pour terminer, quelques minutes chez Oncle Sam, à la sauvette. Rien d’étonnant à ce que les jours, puis les semaines s’envolassent avec autant d’occupation. Sans même s’en rendre compte, le jour du retour d’Hélène arriva, l’école fut finie et les vacances d’hiver commencèrent. Papa et Noël seraient bientôt là !
– Mais qu’en est-il de notre vœu et du but de papa ? soupirait Janette. Nous prions chaque jour pour cela. Penses-tu qu’il viendra ce nouveau nom, Oncle Sam ? Le Seigneur Jésus peut-Il nous aider ?
– J’en suis sûr, fut la réponse. Le Seigneur Jésus nous conduit toujours dans la bonne voie. TOUJOURS.

12.Le but.

L’excitation était à son comble. Ce soir, papa rentrait. Vite les derniers achats, les emballages des surprises dans des papiers de fête et, demain, on fêterait Noël.
C’était fascinant d’être en face de la petite chambre dont la porte était interdite. De grandes pancartes vous prévenaient : « PRIVÉ ! » – « N’ENTREZ PAS ! » Mais quand les grandes personnes en sortaient, des yeux curieux apercevaient un peu des décors féeriques…
A l’heure du thé, tout fut prêt et maman partit en voiture à la rencontre de papa.
– Oh ! maman, laisse-moi venir aussi, supplia Janette, seulement moi.
– Non ! moi, maman. Je suis l’aîné, se récria Pierre, prends-moi.
Mais le « NON » de maman était catégorique et les enfants s’installèrent dans l’embrasure de la fenêtre pour épier l’arrivée de la voiture.
« Installés » est un bien grand mot, car ils n’étaient nullement assis. Ils sautaient, gesticulaient, riaient.
– Je verrai papa le premier, annonça Pierre, parce que j’ai une tête de plus que vous.
– Non ! dit Janette, ce sera moi parce que je sauterai. Ils étaient si absorbés à discuter qu’à la fin ce fut Roger qui s’écria : « Les voilà ! voilà papa ! » Ce fut alors la dégringolade vers la porte d’entrée.
– Bonsoir, bonsoir ! mes petits, dit papa en déposant tous ses bagages et ses paquets pour embrasser ses quatre enfants et les soulever dans ses bras très forts.
– Oh ! papa, que tu es beau ! s’exclama Janette. Tu as été loin si longtemps. J’avais presque oublié comme tu étais beau.
Papa fit une révérence qui provoqua un rire général et l’heure du thé fut très gaie.
Papa n’a pas parlé du but, dit Janette à Pierre lorsqu’ils furent prêts à aller au lit, mais j’ai la conviction qu’il y pense. Oh ! Pierre, que j’aimerais qu’elle nous donne un beau nom. Prions ensemble ce soir et demandons-Le-lui tout spécialement.
– Cher bon Berger, commença Janette (elle aimait à L’appeler ainsi), s’il te plaît, fais que Mlle Demierre nous donne un joli nom, et, s’il te plaît, fais que papa le sache.
– Oui, s’il te plaît, fais-le, insista Pierre, et veuille le faire sans tarder, Seigneur. En ton nom précieux. Amen.
La toute première chose à laquelle ils pensèrent après le petit déjeuner de Noël fut de passer tous les quatre jours par le trou de la haie pour rendre visite à Oncle Sam. Il leur avait donné rendez-vous et les attendait.
– Joyeux Noël ! mes poussins, leur souhaita Oncle Sam et merci pour les cartes. Elles trônent au centre de ma cheminée à l’étage supérieur. Aïe ! aïe ! qu’est-ce que c’est ? Il avait, tout en parlant, tiré son mouchoir de sa poche et quatre petits paquets venaient de rouler sur le sol. Qui a bien pu remplir ma poche de cette façon ? Elle n’est pas une poubelle ! Ah ! ça par exemple, vos noms y sont inscrits. C’est donc pour vous ?
Pierre fut le premier à ouvrir son paquet.
– Oh ! s’écria-t-il, une boîte de bonbons et cinq francs. Merci beaucoup, Oncle Sam !
Le paquet de Janette était pareil à celui de Pierre. Ceux des deux petits contenaient aussi des bonbons et une pièce d’un franc, toute neuve.
Chacun fut ravi et Janette mit ses deux bras autour du cou d’Oncle Sam et lui donna un gros baiser.
Ce n’était pas tout. Ils avaient quelque chose à dire à Oncle Sam. Pierre exhiba un paquet.
– Dis-lui, toi, chuchota-t-il à Janette.
– Oncle Sam, dit-elle, n’est-ce pas la fête du Seigneur Jésus aujourd’hui ? Nous voudrions Lui donner un cadeau. Vous nous avez dit un jour qu’Il voulait nos cœurs plus que tout autre chose et nous les Lui avons donnés ; mais, pour marquer cette journée, nous Lui avons acheté une Bible avec notre argent. Pierre pensait qu’Il ne désirerait pas une Bible, mais vous nous avez dit que des quantités de personnes n’en ont point : nous avons pensé que Lui saurait mieux que nous la donner à l’une d’entre elles. Seulement, nous ne savons pas comment faire pour aller jusqu’à Lui. Voulez-vous nous aider ?
La frimousse de Janette était devenue toute rouge au cours de son explication et Oncle Sam dut ressortir son mouchoir pour essuyer ses yeux pleins de buée.
– Oui, petite, dit-il, donne-la moi. J’irai la porter à M. Daeschmacker à l’église. Lui saura ce qu’il faut faire.
En rentrant à la maison, ils virent un grand paquet sur la table du vestibule d’entrée. L’adresse était écrite en majuscules et en grosses lettres (sa mauvaise vue ne lui permettait pas d’écrire plus petit) et Pierre lut à haute voix : « A MES CHERS PETITS AMIS – que j’avais l’habitude d’appeler « insupportables », mais que je nomme maintenant MES SERVIABLES PETITS VOISINS, CES CHARMANTS ENFANTS BARBESOU ».
– Oh ! Pierre, as-tu bien lu ? s’exclama Janette en s’emparant du paquet pour s’en assurer elle-même. C’est notre nouveau nom. Le Seigneur Jésus lui en a donné l’idée comme nous le Lui avons demandé.
Les enfants coururent dans toute la maison pour montrer le précieux paquet et chacun eut le plaisir de lire l’adresse, sauf papa.
– Maintenant, il faut le montrer à papa. Où est-il ?
– Janette, objecta Pierre, nous ne pouvons pas le lui montrer. C’est ce qu’on appelle à l’école « se couvrir des plumes du paon ». C’est affreux de se vanter !
– Mais Pierre, c’est précisément ce que papa voulait voir, gémit Janette au bord des larmes.
Papa, heureusement, arriva au bon moment.
– Quoi ! Encore un paquet ? dit-il. De qui est-il ? Il se pencha pour mieux lire… Ha ! Ha ! Ces charmants enfants Barbesou… de Mlle Demierre ! Voilà qui sonne mieux ! Je me demandais justement si vous aviez atteint le but. Bravo ! ajouta-t-il en souriant. C’est magnifique.
A mon tour, je vous dirai que je suis fier de mes enfants qui ont gagné un beau nom. Très bien ! mes chéris. Il caressa affectueusement les quatre petites têtes.
– Ouvrons le paquet maintenant, suggéra Pierre.
– Oh ! non, plaida Janette. Ne l’ouvrons pas, j’aimerais le garder comme il est.
– Tu fais du sentiment, bien sûr qu’il faut l’ouvrir. Nous découperons l’adresse, proposa Pierre gentiment.
Le paquet contenait exactement le désir de chacun des enfants :
– Un couteau de poche pour Pierre, un vrai, avec un tire-bouchon, une lame très tranchante et une pointe qui servait, déclara-t-il, à extraire les pierres de fer à cheval. (Janette pensa que cela ne lui servirait pas à grand-chose puisqu’ils n’avaient pas de chevaux, mais Pierre ajouta plein d’espoir : « Peut-être qu’Étincelle aura une pierre dans son sabot, l’an prochain »).
– Une grande et belle boîte de peinture pour Janette avec des couleurs de qualité. Ses joues roses devinrent rouges de bonheur !
– Pour Roger, un jeu de construction avec beaucoup de modèles.
– Pour Tim, un train mécanique.
Tout paraissait merveilleux aux yeux de Janette, mais, pour elle, l’adresse valait encore plus que le contenu.
Après toute cette excitation, l’heure de se rendre à l’église avec papa et maman sonna au vieux clocher. D’habitude Janette ne se donnait pas la peine de suivre le sermon, mais aujourd’hui ce fut tout différent.
– Mes chers amis, commença M. Daeschmacker, mon texte est court et simple. Il se trouve dans les Proverbes, au chapitre 23, verset 26 : « Mon fils, donne-moi ton cœur ! »
Il ajouta, en terminant :
– Je désire vous dire encore ce qui m’est arrivé ce matin même. Quelqu’un m’a apporté un petit paquet. Il contenait une Bible. Une feuille y était glissée et j’ai lu : « De la part de deux enfants qui désirent marquer la naissance du Seigneur Jésus en Lui offrant un présent ». Ces deux enfants ont déjà réalisé que le cadeau désiré par le Seigneur est, avant tout, leurs jeunes cœurs. Aujourd’hui, ils L’aiment comme leur Sauveur et Pilote et leur vie en est toute transformée. Ils offrent cette Bible avec le souhait que le Seigneur Jésus la donne à quelqu’un qui ne Le connaît pas encore.
Mes chers amis, répondons tous au désir du Seigneur et donnons-Lui notre cœur en retour de ce qu’Il a souffert pour nous sur la Croix.
Ce Noël fut un grand jour. Après cette matinée si heureuse, l’heure du dîner arriva, puis la promenade avec papa, le thé avec les cornets-surprises où papa trouva son bonnet de papier rose, si drôle, enfin l’arbre illuminé et encore des cadeaux. Le jeu de la mer agitée amusa petits et grands et s’acheva par un coucher très tard avec du lait sucré et des chocolats pour chacun.
Malgré l’heure tardive, Janette s’agenouilla au bord de son lit.
– Cher Seigneur Jésus, dit-elle, Pierre et moi, nous te remercions d’avoir dit à Mlle Demierre de nous donner un nouveau nom. S’il te plaît, continue à piloter nos vies tous les jours et aide-nous à être obéissants et serviables en retour de ton grand amour qui nous a sauvés. En ton nom, Seigneur Jésus. Amen.
Lorsque maman et papa passèrent pour border leurs enfants, ils les trouvèrent tous endormis ; seule Janette se retourna et murmura :
– N’est-ce pas merveilleux d’avoir le Seigneur Jésus comme Pilote ?

FIN

De E. May Hooton. D’après La Bonne Nouvelle 1977.

LA VIE AVEC LE SEIGNEUR

Compte rendu Rencontres Adolescents Août 2014.

 

La vie avec le Seigneur.

 

Nous avons préféré conserver le langage oral de ces entretiens.

– Un grand constructeur automobile a dit : Pour moi vivre c’est consommer. Pour le chrétien c’est : «Pour moi vivre c’est Christ» (Phil. 1. 21). Maintenant que l’on appartient au Seigneur, on ne vit plus pour nous. On vit pour le Seigneur. Le Seigneur nous laisse sur la terre pour deux choses : pour témoigner et pour adorer. Nous sommes appelés à adorer Dieu et à parler du Seigneur autour de nous.

– Et puis l’on peut dire aussi, quand on est chrétien on a changé de Maître. On souhaite vivre pour le Seigneur. «Il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui pour eux est mort et a été ressuscité» (2 Corinthiens 5. 15). On ne vit plus pour soi – ce n’est pas nous le centre – mais on vit pour Celui qui pour nous est mort et a été ressuscité, pour le Seigneur Jésus, pour Christ. Et cela est capital : vivre pour Lui ! Non plus pour nous-mêmes.

– Alors il y a un exemple de quelqu’un qui était parti pour vivre pour Dieu et après a changé complètement de direction : l’apôtre Paul. Il connaissait beaucoup de choses qu’il a dû abandonner. Des choses qu’il a apprises dans le passé, Il les a considéré ensuite comme des ordures. Quand Dieu nous trouve, quand Il nous forme, Il nous donne de prendre conscience que tout ce qui nous intéressait auparavant perd tout son intérêt. On a besoin de lire la Parole et de s’en nourrir pour connaître ce que Dieu veut pour nous et qu’il a préparé. On s’aperçoit qu’Il a préparé beaucoup de choses pour que nous soyons heureux ! Si on est occupé de ce qui nous plaît, on n’est pas heureux. On se lasse très vite. On a besoin d’acquérir la sagesse dans la Parole pour voir ce qui a réellement de la valeur. «Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus» (Matthieu 6. 33).

– Quand le Seigneur dit : «Toi, suis-moi» (Jean 21. 23) cela veut dire : marcher comme Lui. Il faut Le mettre à la première place, chercher à Lui plaire, vivre dans sa communion (lire la Parole de Dieu, prier). C’est notre vie avec le Seigneur Jésus. D’autres choses concrètes : avoir un bon témoignage avec ses camarades de classe, avec ceux qui ne connaissent pas le Seigneur Jésus, présenter l’évangile, servir le Seigneur Jésus. On peut Le servir en allant voir une personne âgée et lui chanter un cantique, en essayant d’encourager les uns et les autres, en étant utiles dans l’assemblée. Il y a beaucoup de choses et l’on ne va pas faire une liste. Cela ne suffit pas de dire : moi je suis chrétien, j’irai au ciel. Non !

– Il y a un exemple collectif en 1 Thessaloniciens. Paul dit des Thessaloniciens qu’ils étaient devenus les imitateurs des apôtres, ils étaient même devenus des modèles pour tous ceux qui croyaient en Macédoine. Par leur moyen la Parole de Dieu avait retenti partout. C’étaient des chrétiens qui vivaient vraiment pour le Seigneur. Pour moi vivre c’est Christ, c’est individuel mais c’est quelque chose qui se réalise avec d’autres chrétiens, ensembles, sous le regard du Seigneur. C’est au fond le grand point important de notre vie chrétienne : servir le Seigneur avec amour, avec un cœur qui est entièrement pour Lui. Parce que très vite, on en viendrait à chercher ce qui nous plaît. Ce n’est pas une vie normale pour un chrétien.

– L’apôtre Paul dit à Timothée, qui était jeune : «Mais fuis les convoitises de la jeunesse, et poursuis la justice, la foi, l’amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur» (2 Timothée 2. 22). Cela fait partie de la vie avec le Seigneur : il y a des choses à fuir et d’autres à poursuivre. On a des choses à fuir : les convoitises, ce qui est opposé à Dieu, tant de choses ! Les convoitises de la jeunesse, tant de choses qui sont proposées à votre cœur, à votre intelligence, à vos désirs. Eh bien on a à fuir ces choses-là. On a aussi à poursuivre d’autres choses. Ici il y en a quatre : la justice, la foi, l’amour, la paix avec les croyants, avec ceux qui aiment le Seigneur. C’est un engagement de cœur.
Non pas pour avoir la vie de Dieu mais il y a des œuvres à accomplir, des œuvres qui sont préparées pour les vrais croyants, si l’on marche avec Dieu. «Pour marcher d’une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne œuvre, et croissant par la connaissance de Dieu» (Colossiens 1. 10). On voit quelque chose de complet. Marcher dans ce monde d’une manière qui plaise à Dieu, digne de Dieu, pour Lui plaire. Et ainsi on portera du fruit en toute bonne œuvre. Il y a beaucoup de bonnes œuvres que Dieu a préparées à l’avance pour que nous marchions en elles. Chercher la paix, faire connaître le Seigneur à ceux qui ne Le connaissent pas, annoncer l’évangile, prier pour ceux qui sont des serviteurs de Dieu, donner nos biens aussi, s’engager pour le Seigneur. Tout cela ce sont les bonnes œuvres que Dieu a préparées à l’avance. Aller voir une personne âgée, apporter un sourire, rendre un service, il y a tant de choses toutes simples qui peuvent être faites pour le Seigneur !

– En effet, ce sont des œuvres de foi, de bonnes œuvres. «Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés dans le christ Jésus pour les bonnes œuvres que Dieu a préparées à l’avance, afin que nous marchions en elles» (Éphésiens 2. 10). Alors qu’elle doit être notre prière ? Que nous sachions voir ces bonnes œuvres que Dieu prépare à l’avance pour chacun de nous ! Je ne vais pas les chercher. Elles sont préparées pour chacun de nous. Il y a une bonne œuvre, peut être, tout à l’heure à faire que Dieu a préparée pour moi. Si je ne l’a fait pas Dieu se servira de quelqu’un d’autre. C’est moi qui perdrais quelque chose. J’aurais perdu en tout cas la joie de servir mon Maître. Une bonne œuvre préparée à l’avance pour moi. Une œuvre de foi cela veut dire que je ne vais pas la faire avec mes propres efforts mais en m’appuyant sur la force que Dieu fournit.

– Le serviteur d’Abraham envoyé par son maître désirait lui plaire. Il a prié Dieu et lui a dit tout simplement : «Fais-moi faire, je te prie, une heureuse rencontre aujourd’hui» Gen. 24. 12.
Quelle joie d’assister à une réunion, de retenir des choses qui nous ont fait du bien. Au lieu de les garder égoïstement pour nous-mêmes – on dit dans un cantique : ne gardez pas ce trésor pour vous-mêmes – on va peut être aller voir une personne âgée, une personne qui est malade et puis on va parler de ce que le Seigneur nous a donné Lui-même de goûter et on va le partager.

– Il est dit : «Cette parole est certaine, et je veux que tu insistes sur ces choses, afin que ceux qui ont cru Dieu s’appliquent à être les premiers dans les bonnes œuvres : ces choses sont bonnes et utiles aux hommes» (Tite 3. 8). Il faut veiller que nous nous ne glorifiions pas nous-mêmes, mais le Seigneur, en faisant les bonnes œuvres !

Cantique 94.
Cantique 105 strophe 1.
Cantique 131 des Venez à Moi.

– Deux choses importantes sont mentionnées dans ce cantique : Nous pouvons prier le Seigneur dès le matin et, Seigneur, ta Parole, oui j’aime l’écouter ainsi tu peux me parler dès le matin. C’est capital. Pour suivre le Seigneur il faut d’abord prier chaque matin et puis chaque matin, ouvrir la Parole pour écouter ce que Dieu a à nous dire et c’est seulement de cette manière-là que nous pourrons dans la journée glorifier Dieu, que nous pourrons servir le Seigneur. Si nous n’avons pas écouté Sa voix le matin, si nous ne Lui avons pas parlé nous ne pourrons pas Le suivre. Dans le livre des Psaumes, on voit plusieurs fois le matin mentionné. Par exemple : «Éternel ! le matin, tu entendras ma voix ; le matin, je disposerai [ma prière] devant toi, et j’attendrai» (Psaume 5. 3). Et aussi pour la Parole : «Fais-moi entendre dès le matin ta bonté, car en toi j’ai mis ma confiance ; fais-moi connaître le chemin où j’ai à marcher, car c’est à toi que j’élève mon âme» (Psaume 143. 8). Si vous avez commencé votre journée avec le Seigneur, en écoutant la voix de Dieu – il y a tant de voix dans ce monde qui cherchent à l’étouffer ! – cela transformera toute votre journée !