* George Muller a vécu au 19ème siècle (1805-1898)

« Élie était un homme ayant les mêmes penchants que nous : il pria avec instance… » (Jac. 5. 17).
« Dieu… est le père des orphelins » (Ps. 68. 6).
Par une chaude journée d’été, je gravissais lentement le chemin ombragé de Ashley Hill, à Bristol, qui conduit aux célèbres orphelinats fondés par George Muller. Arrivé au sommet de la colline, je me trouvai en face des immenses bâtiments qui abritent plus de mille jeunes personnes, la plupart orphelins.
L’auteur de ces constructions a montré au monde ce que peut faire la foi en la puissance de Dieu. Dans la première maison, à droite, habite, dans un appartement simple et sans prétentions, le chrétien dont le nom est devenu familier à toute la chrétienté.
Franchissant le portail de la loge du concierge, je m’arrêtai un moment pour regarder la grande maison devant moi ; mais elle n’est qu’une partie des cinq bâtiments.
Un des orphelins répondit à mon coup de cloche et me conduisit par un large escalier de pierre à l’appartement particulier du fondateur de l’établissement. George Muller a atteint l’âge remarquable de quatre-vingt-onze ans. Il me reçut avec une cordiale poignée de main et me souhaita la bienvenue.
L’intime communion fraternelle éprouvée pendant cette heure bénie restera à toujours gravée dans ma mémoire. Ce serviteur de Dieu m’ouvrit son cœur, me donna des conseils, pria avec moi.
Je reproduis ici une partie de mon entretien avec George Muller, demandant à Dieu qu’il bénisse ces paroles pour un grand nombre de mes compagnons de route. Pendant cette heure, j’appris à connaître la source de la grande force spirituelle de G. Muller. Le pieux vieillard, en possession de toutes ses facultés, fut éloquent d’un bout à l’autre, éloquent sur un seul sujet : les louanges de Dieu, de Celui qui entend les prières des siens et répond à la foi. Mes propres paroles ne furent pas nombreuses.
– Avez-vous toujours trouvé le Seigneur fidèle à sa promesse ?
– Toujours, répondit-il promptement, et avec ardeur : Il ne m’a jamais fait défaut ! Depuis près de soixante-dix ans, Il a suppléé à tous les besoins de cette œuvre. Il y a eu jusqu’ici, sous ce toit, 9500 orphelins, et jamais ils n’ont manqué d’un repas ; jamais ! Nous avons, des centaines de fois, commencé la journée « sans un sou », mais notre Père céleste a envoyé le secours au moment où il le fallait. Nous n’avons jamais manqué d’une nourriture bonne et saine.
– Pendant toutes ces années, j’ai pu me confier dans le Dieu vivant, et en Lui seul.
Pas un homme ne pourra dire que je lui ai jamais demandé quoi que ce soit. Nous n’avons pas de comités, ni de collectes, ni de dotations ; tout nous a été donné en réponse à la prière de la foi. Ma confiance a été en Dieu seul.
Il y a de nombreux moyens pour émouvoir le cœur des hommes en faveur de son œuvre. Tandis que je prie, Il dit à celui-ci ou à celui-là, dans un continent ou dans un autre, de nous envoyer du secours. L’autre soir encore, pendant que je prêchais, un homme a signé un chèque pour une somme importante destinée aux orphelins, et me l’a remis à la sortie de la réunion.
– Votre foi a été mise à l’épreuve. En est-il encore ainsi maintenant ?
– Oui, me répondit-il, et mes difficultés sont plus nombreuses que jamais. À côté de nos responsabilités financières, il faut toujours trouver des aides capables et des places convenables pour les centaines d’orphelins qui sortent sans cesse de nos maisons. Souvent aussi nos fonds s’épuisent. Ainsi la semaine dernière, nous étions arrivés au bout de nos ressources. Je réunis mes fidèles aides et leur dis : « Prions, frères, prions ! » Immédiatement nous reçûmes l’argent nécessaire. Mais il nous faut toujours prier et toujours croire. Oh ! il fait bon se confier au Dieu vivant qui a dit : « Je ne te laisserai pas et je ne t’abandonnerai pas ».
Attendez de Dieu de grandes choses, et vous recevrez de grandes choses.
Il n’y a pas de limite à sa puissance. Loué soit à jamais son nom glorieux ! Bénissez-Le pour tout.
– Je suppose, dis-je, que vous n’avez jamais eu l’idée de former un fonds de réserve ?
– Ce serait la plus grande folie, s’écria G. Muller. Comment pourrais-je prier, si j’avais un fonds de réserve ? Dieu me dirait : « Emploie ta réserve, George Muller, emploie ta réserve ». Oh ! non, je n’ai jamais songé à une pareille chose.
Notre fonds de réserve est au ciel. Dieu, le Dieu vivant, est notre pourvoyeur. Je me suis confié en Lui pour une pièce d’or ; je me suis confié en Lui pour des milliers de francs, et jamais en vain. Heureux l’homme qui se confie en Lui.
Cela m’amena à lui dire :
– Alors naturellement, vous n’avez jamais pensé à mettre quelque chose de côté pour vous-même ?
Je n’oublierai jamais la manière digne avec laquelle cet homme me répondit. Jusque-là il avait été assis en face de moi, penché en avant, les mains jointes, le regard calme et tranquille, le plus souvent fixant le sol ; il se redressa et me regarda longtemps fixement comme s’il avait voulu lire au fond de mon âme. Ma question avait évidemment remué tout son être.
Après une pause, il tira de sa poche une vieille bourse, la plaça dans ma main et me dit :
– Tout ce que je possède est dans cette bourse. Épargner pour moi-même, jamais ! Quand on m’envoie de l’argent pour mes dépenses personnelles, je les remets à mon Dieu. Épargner pour moi-même ! Je n’oserais le faire ; ce serait déshonorer mon bon Père céleste ! Je rendis la bourse à G. Muller, et il me donna encore quelques détails financiers que je n’ai pas la liberté de reproduire.
Je dois expliquer ici que, outre son orphelinat, G. Muller a fondé une Société pour la propagation des connaissances chrétiennes scripturaires, par laquelle 150 missionnaires sont soutenus, 117 écoles ont été fondées, deux millions de Bibles et de Nouveaux Testaments et plusieurs millions de traités ont été distribués.
Sa parole était empreinte d’enthousiasme pendant qu’il me racontait quelques-uns de ses voyages missionnaires dans 42 pays différents. Des centaines de milliers d’hommes et de femmes, de presque toutes les nations du monde sont venus l’écouter, et son sujet principal était d’annoncer le message du salut et d’encourager les croyants à se confier en un Dieu vivant.
Il me dit qu’il priait pour ses prédications de la Parole plus que pour tout le reste, et que souvent le texte ne lui était donné qu’au moment où il allait prendre la parole, quoiqu’il ait prié pour cela pendant toute la semaine. Je lui demandai s’il passait beaucoup de temps à genoux.
« Plus ou moins chaque jour. Mais je vis dans un esprit de prière. Je prie quand je vais et viens, quand je me couche, quand je me lève. Et les réponses viennent toujours. Quand je suis persuadé qu’une chose est bonne et à la gloire de Dieu, je prie jusqu’à ce que j’aie la réponse ».
– La grande chose est de ne jamais cesser de prier jusqu’à ce que la réponse vienne. J’ai prié chaque jour pendant cinquante-deux ans pour deux hommes, les fils d’un ami de ma jeunesse. Ils ne sont pas encore convertis, mais ils le seront ! Comment pourrait-il en être autrement ?
La promesse de Dieu est certaine et je me repose là-dessus. Il faut prier avec persévérance, il faut continuer de prier jusqu’à l’exaucement.
– Oh ! qu’elle est grande, la bonté de Celui à qui nous avons à faire. Il m’a donné, indigne comme je le suis, de manière incommensurable, au-delà de tout ce que j’ai demandé ou pensé ! Je ne suis qu’un pauvre misérable pécheur, mais Il a entendu mes prières des milliers de fois et Il a bien voulu se servir de moi pour conduire un grand nombre d’âmes dans le chemin du salut. Ces lèvres indignes ont proclamé la bonne nouvelle à de grandes multitudes, et beaucoup, beaucoup, beaucoup d’âmes ont été sauvées.
Je demandai à G. Muller si, au moment où il avait entrepris son œuvre, il avait eu l’idée qu’elle prendrait autant d’extension.
– Je savais seulement, répondit-il, que Dieu était dans ce travail et qu’Il conduisait son enfant dans des sentiers nouveaux. L’assurance de sa présence me tenait en repos.
– Je ne puis m’empêcher de remarquer la manière dont vous parlez de vous-même, lui dis-je, sentant bien que je touchais à un sujet intime, celui des relations personnelles de cet homme avec son Dieu.
– Il n’y a qu’une chose que je mérite, s’écria-t-il, c’est l’enfer ! Par nature, je suis un homme perdu, mais je suis un pécheur sauvé par la grâce de Dieu. Quoique je sois par nature un pécheur, je ne vis pas dans le péché, je le hais.
– Je suppose que pendant les longues années de votre ministère, vous avez rencontré bien des choses décourageantes ?
– Oui, répondit-il, mais mon espoir et ma confiance n’ont pas varié. Mon âme se reposait sur les promesses de Dieu. Sa parole ne retourne jamais à Lui sans effet. Il donne de la force à celui qui est las et Il augmente la vigueur de celui qui est affaibli.
Je lui racontai brièvement quelques-unes des choses qui me dérangeaient toujours à nouveau et lui exprimai le désir d’être employé de plus en plus au service de Dieu, et lui demandai de me donner quelques conseils sur mon travail. Il répondit :
– Cherchez à dépendre uniquement du Seigneur pour toute chose.
Remettez-vous, avec votre travail, entre ses mains. Avant d’entreprendre quelque chose de nouveau, demandez-vous toujours si cela est agréable à Dieu et si c’est pour sa gloire, puis commencez avec foi et prières, et ne revenez jamais en arrière. Priez, priez ! Ne gardez pas d’iniquité dans votre cœur ; si vous le faites, le Seigneur ne vous répondra pas. Souvenez-vous toujours de cela et confiez-vous en Dieu, attendant de Lui de grandes choses. Ne faiblissez pas si la bénédiction ne vient pas tout de suite. Priez, priez, et par-dessus tout, ne comptez que sur les mérites de notre adorable Sauveur.
Avant de nous séparer, nous nous agenouillâmes pour prier et sa requête fut courte et simple : « Ô Seigneur, bénis Ton cher serviteur qui est maintenant devant Toi, bénis-le de plus en plus, de plus en plus, DE PLUS EN PLUS ».
D’après Le Salut de Dieu 1996