
Aventures de vacances
Le moment des vacances d’été était arrivé. Les deux jeunes Norvégiens dont je vais vous parler s’en réjouissaient, tout comme le font les enfants de leur âge en France et en Suisse.
Nos amis, deux frères, se nommaient Olaf et André ; c’était de vigoureux garçons qui se plaisaient à escalader les rochers escarpés de leur pays natal.
Aussi, cet été-là, ils secouèrent gaiement la poussière de l’école et partirent tout joyeux pour le bord de la mer.
Très vite, l’air salin bronza leurs joues et le temps passa avec une grande rapidité. Bientôt nos deux compagnons durent songer au retour.
Mais avant de revenir à la maison, ils voulurent encore retirer un filet à poissons qu’ils avaient tendu aux abords d’une petite île peu éloignée du rivage. Sans souci aucun, nos deux garçons montèrent dans leur léger canot et débarquèrent dans l’îlot.
À peine avaient-ils mis pied à terre, qu’un coup de vent subit détacha leur nacelle mal assujettie et poussa l’embarcation vers la côte.
La solitude la plus complète régnait autour de nos amis ; pas trace de route dans ces régions sauvages et malheureusement, ni Olaf ni André ne savaient nager.
Ils se trouvaient vraiment dans une situation périlleuse. Sans aucun espoir de secours, ils se voyaient échoués sur un îlot absolument désert et les pauvres garçons ne savaient que décider ou entreprendre.
Pour comble de malheur, ils avaient laissé leurs vestes sur le rivage et se trouvaient ainsi vêtus uniquement de leurs chemises et de leurs pantalons de toile. C’est ainsi que la nuit les surprit.
Afin de se garantir quelque peu contre le vent qui soufflait avec violence, André et Olaf se construisirent une hutte grossière de pierres et de branchages. Une fois ce travail achevé, épuisés par la fatigue et par la faim, ils finirent par trouver dans le sommeil l’oubli momentané de leur triste situation.
Mais hélas ! les premières lueurs du matin vinrent les rendre à leur détresse. Ils avaient beau scruter l’horizon : aucune voile ne s’y profilait.
Pour apaiser la faim qui les tenaillait, l’îlot ne leur fournit qu’un peu d’herbe sèche et dure et cela encore en si petite quantité qu’ils n’en pouvaient recueillir que deux ou trois bouchées chaque jour.
C’est dans l’angoisse que l’on apprend à prier. Nos deux malheureux amis, dans leur extrême détresse, élevèrent leur voix et implorèrent le Seigneur afin qu’Il ait pitié d’eux.
Comme ils étaient reconnaissants de trouver ne fût-ce qu’une poignée d’herbage ! Et chaque fois qu’ils avaient mangé en remerciant Dieu pour sa bonté, ils sentaient la douleur qui leur tiraillait l’estomac se calmer pour un moment, et leurs bras reprenaient un peu de force.
Ainsi se passèrent plusieurs jours. Les enfants avaient laissé leur chien sur le rivage pour veiller sur leurs effets. Dans leur désespoir ils cherchèrent à l’attirer jusqu’à eux ; ils pensaient à le tuer pour apaiser leur faim.
Mais le fidèle gardien ne répondit à leurs appels que par des gémissements lamentables ; pendant trois jours, il attendit sur la plage, puis tristement s’en alla, lui aussi.
Six fois les garçons avaient vu le soleil disparaître et six fois il s’était levé pour éclairer leur misère ; puis, un matin, ô désespoir ! ils constatèrent que la provision d’herbe était épuisée.
De nouveau, ils se jetèrent à genoux et implorèrent le secours de Dieu ; et voilà que, soudain, leurs regards angoissés s’arrêtèrent sur une grosse touffe d’oseille bien juteuse. Comment pareille aubaine avait-elle pu passer inaperçue jusque-là ?
Ils ne le surent jamais, mais ce fut avec des larmes de joie et de reconnaissance qu’ils se partagèrent ce frugal repas.
Lorsqu’au matin du troisième jour les malheureux avaient vu partir leur chien, ils en avaient ressenti une grande tristesse. Et cependant Dieu, dans sa Providence, permit que l’animal devienne l’instrument de leur salut.
Se traînant à peine, réduit à l’état de squelette, la pauvre bête vint gémir devant la porte de la maison paternelle des deux frères. Les parents, déjà âgés, étaient fort angoissés par l’absence prolongée de leurs fils ; ils pressentirent un malheur.
Sans tarder, ils dépêchèrent un homme à la recherche des garçons. Celui-ci trouva bien leurs effets sur le rivage, mais n’apercevant aucune forme humaine aussi loin qu’il pouvait voir, et n’entendant pas le moindre son qui puisse trahir la présence d’un être vivant, il revint à la maison, concluant que les enfants disparus avaient été engloutis par la mer. Figurez-vous la douleur des pauvres parents !
Le sixième jour arriva. Olaf semblait près d’expirer. Il sentait dans tout son corps une douleur cuisante et il était devenu si faible qu’il ne pouvait plus se tenir sur ses pieds.
André, le plus jeune, mais cependant le plus vigoureux des deux frères, se traîna jusqu’à un tronc d’arbre que les flots avaient apporté sur l’îlot et, à l’aide de son couteau, il grava dans le bois un court récit de leur triste sort, il ajouta le vœu que, si leurs cadavres étaient retrouvés et ensevelis, on inscrivît sur la tombe les versets 23 à 26 du Psaume 73 : « Mais je suis toujours avec toi : tu m’as tenu par la main droite ; Tu me conduiras par ton conseil, et, après la gloire, tu me recevras. Qui ai-je dans les cieux ? Et je n’ai eu de plaisir sur la terre qu’en toi. Ma chair et mon cœur sont consumés ; Dieu est le rocher de mon cœur, et mon partage pour toujours », que lui et son frère avaient lus ensemble la veille de leur départ.
Il fallut bien des heures au pauvre enfant, épuisé comme il l’était, pour mener sa tâche à bonne fin. Cependant il en vint à bout, et lentement, le cœur serré et la tête vide, il se traîna de nouveau auprès de son frère dont la vie ne tenait plus qu’à un fil.
Une fois encore, ils prièrent ensemble, recommandant leurs âmes à leur Père céleste. Quel bonheur pour eux que, dès leur enfance, ils aient appris à connaître le chemin du salut !
Maintenant, en face de la mort, des passages des Écritures, entendus dans la maison paternelle, leur revenaient à la mémoire et leur apportaient la consolation dont ils avaient besoin.
Ils étaient tranquilles, malgré la position désespérée dans laquelle ils se trouvaient, parce qu’ils s’appuyaient sur l’œuvre accomplie pour eux par le Seigneur Jésus Christ.
La nuit vint. Les deux frères, étroitement enlacés, étaient couchés dans la hutte. De sommeil, il n’en était pas question. Olaf gémissait continuellement et André se sentait envahir par un engourdissement complet.
Tout à coup, de la côte leur parvint un son apporté par le vent. Ils tendirent l’oreille. Bientôt le doute ne fut plus possible ; ils perçurent distinctement le bruit produit par le galop de plusieurs chevaux.
Les mourants se soulevèrent ; ils unirent leurs faibles voix et jetèrent dans la nuit un appel désespéré. Les nouveaux arrivants devaient être parvenus à l’endroit où le bateau était échoué.
De nouveau, les garçons crièrent et ce qui leur restait de forces s’épuisa dans ce dernier élan… Leur voix fut entendue.
Quelques instants plus tard, le clapotis régulier des rames frappant l’eau parvint à leurs oreilles. Encore quelques minutes et ils se virent entourés par des figures amies, une nouvelle escouade que leurs parents avaient envoyée à leur recherche – ou du moins pour acquérir une certitude quelconque sur leur sort.
Nous renonçons à décrire la joie des deux garçons. Mais leur faiblesse était telle qu’ils perdirent connaissance et restèrent longtemps comme morts.
Leurs sauveteurs les transportèrent avec toutes sortes de précautions jusqu’à la terre ferme.
On réussit à leur faire avaler une gorgée de vin et une bouchée de pain, et ainsi ils furent portés jusqu’à la maison paternelle.
Là, entourés par l’affection, les soins et la tendresse de leurs parents, ils reprirent rapidement leurs forces et bientôt il ne leur resta plus que le souvenir de leur périlleuse aventure et de leur merveilleuse délivrance.
Cette expérience porta des fruits bénis dans les cœurs d’André et d’Olaf. Ils apprirent ainsi que « Dieu est notre refuge et notre force, un secours dans la détresse, toujours facile à trouver » (Ps. 46. 1) et que ceux qui s’attendent à Lui ne sont jamais confus.