LA BIBLE ET L’IMPRIMERIE
Il est intéressant au plus haut degré de connaître l’histoire de la Bible dans les annales typographiques. On sait que ce fut le désir passionné de répandre ce livre qui amena Gutenberg à la découverte de l’Imprimerie.
Nous avons sous les yeux une des nombreuses lettres écrites par cet homme de génie à son frère André, cordelier, exprimant la conception la plus remarquable, germée dans son esprit vers le commencement du 15ème siècle.
« A l’œuvre ! Je suis à l’œuvre. Dieu m’a dévoilé le secret que je lui demandais. Grâces lui soient rendues ! Elles le seront. A l’œuvre ! Que la Bible soit écrite, multipliée, répandue ! elle le sera ! A l’œuvre ! J’ai commandé une presse au charpentier Conrad Sahspach : c’est avec cet instrument que la Bible sera multipliée. Mais l’écriture ? A l’œuvre ! J’ai appelé à moi Hans Dünne, Hans Ross, tous deux orfèvres, voilà mes écrivains. Mais quelle sera donc l’écriture qui multipliera cette Bible ? A l’œuvre ! J’ai fait apporter dans ma demeure du plomb en grande quantité : voilà la plume avec laquelle j’écrirai. Mais encore une fois, l’écriture de cette Bible, ou sa gravure, ou son dessin, quels seront-ils ?
L’écriture ? elle ne sera pas écrite ; le dessin ? elle ne sera pas dessinée ; la gravure ? elle ne sera pas gravée.
Ecoutez, mon frère, ou plutôt regardez autour de vous, examinez-vous, interrogez-vous : vous faites tous les jours ce qu’il faut pour multiplier les manuscrits. Quand vous appliquez sur le vélin, sur le papier, le sceau de votre communauté, tout est dit, tout est fait, tout est là : comment ne l’avez-vous pas vu ? Ne voyez-vous pas que vous pouvez répéter autant de fois qu’il vous plaira ce sceau tout couvert de signes et de caractères ? Avez-vous compris ? Pas encore. Fouillez donc l’escarcelle de votre communauté ; prenez une pleine poignée de pièces de monnaie. Est-ce fait ? Regardez-les. Vous les avez regardées, qu’avez-vous vu ? J’en ai vu beaucoup en cuivre, quelques-unes en argent, à peine une en or ; il y avait bien en tout cent sous.
Non, non, ce n’est pas cela : il y avait des caractères sur ces pièces de monnaie ; qu’importe qu’elles soient d’or ou d’argent ! Les voyez-vous, ces lettres qui, tirées d’un même creux, sont pareilles, quel que soit le nombre des pièces qui ont été frappées ? Cela est clair, cela est évident : c’est ainsi que la Bible sera multipliée.
La cloche du dîner vient de sonner : entrons dans le réfectoire. Après le Benedicite, au signal donné, les frères ont pris leurs cuillères : regardez-les ne sont-elles pas toutes semblables ? Comment cela s’est-il fait ? Vous les avez vues fondre dans un seul et même moule. Eh bien ; c’est d’un même moule, c’est de plusieurs moules semblables que la Bible sortira ! Oh ! tête dure qui se refuse aux bienfaits de Dieu ! oh ! l’incrédule qui ne veut pas croire ! oh ! les ingrats qui ne veulent pas voir, qui ne veulent pas entendre ce que Dieu leur montre, ce que Dieu leur crie !
Parlons donc d’autre chose et calmons-nous. Venez, la récréation a commencé ; entrons dans votre jardin. Promenons-nous, marchons, courons. Arrêtez-vous ! que venez-vous de faire ? Je vois dans le sable, dans la terre, l’empreinte de vos pieds. Quoi ! toujours la même ? vingt fois répétée, vingt fois semblable ? Qu’est-ce donc que cette écriture que vous venez d’imprimer sur cette grande pancarte ? qu’est-ce donc que ces types que le vent vient d’effacer ?
Vous savez tout maintenant : il faut frapper, il faut fondre ; il faut un creux comme le sceau de votre communauté, un moule comme celui qui a fondu vos gobelets d’étain, des lettres en relief comme celles qui sont sur vos pièces de monnaie, et le poinçon générateur semblable à votre pied quand il multipliait son empreinte. Voilà la Bible ! »
Cette lettre, parmi tant d’autres du même style, laisse voir Gutenberg toujours en proie à une idée fixe, étudiant tout ce qui pouvait produire une empreinte quelconque, cherchant, fouillant l’énigme et ramenant toujours vers l’objet de son rêve les matériaux entrevus sur sa route, comme s’il devait construire avec eux le levier du monde. Ne nous semble-t-il pas le voir marcher lentement au milieu des coteaux de Creuznach, le front rêveur, les yeux dirigés vers cette Bible que sa volonté veut imprimer, veut multiplier à l’infini ?…
Lecteur, chaque fois que vous voyez un livre imprimé, une page, l’empreinte quelconque d’un caractère typographique, souvenez-vous que c’est pour que vous possédiez la Bible que Dieu a donné aux hommes cet art merveilleux de l’imprimerie, afin que vous soit présenté par elle le pardon de vos péchés, moyennant la foi. L’avez-vous reçu ? Sinon, qu’attendez-vous ?
« Voici, c’est maintenant le temps agréable ; voici, c’est maintenant le jour du salut » 2 Cor. 6. 2.
D’après Almanach Évangélique 1905
1er article de l’Almanach !
