TOURNEZ-VOUS

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TOURNEZ-VOUS

 

Depuis cinq ans j’étais profondément malheureux. Je suis prêt à sympathiser avec n’importe quelle personne qui plus que moi, sentirait de l’effroi à la pensée de la solennité de la loi divine. Il me semblait que le soleil avait disparu de mon horizon. J’avais tellement péché contre Dieu qu’il ne pouvait plus y avoir d’espoir pour moi. Je priais, mais sans jamais entendre le moindre mot de réponse. Je sondais la Parole de Dieu : les promesses que je rencontrais me semblaient plus redoutables que les menaces elles-mêmes. Tous les privilèges assurés aux enfants de Dieu, j’avais la conviction qu’ils ne m’appartiendraient jamais. Le secret de ma détresse était tout simplement ceci : je ne connaissais pas l’Évangile. Bien qu’habitant un pays chrétien et ayant des parents chrétiens, je ne comprenais pas la liberté et la simplicité du message divin, adressé aux pécheurs.

Je me rendis successivement à tous les lieux de culte de la ville, mais je ne crois pas avoir entendu nulle part annoncer la bonne nouvelle du salut. Je dis cela sans formuler de blâme à l’égard de qui que ce soit. Un prédicateur parla de la souveraineté divine ; je l’écoutais avec intérêt, mais qu’était-ce pour un pauvre pécheur, avide de trouver le moyen d’être sauvé ? Un autre, orateur admirable, prenait comme thème la loi : à quoi bon labourer une terre qui ne demandait qu’à être ensemencée ? Un autre encore se tenait sur le terrain de la vie pratique ; il ressemblait à un officier qui enseignerait l’art de la manœuvre militaire à des hommes privés de leurs pieds. Que faire ? Toutes ses exhortations ne me touchaient pas. Je savais qu’il est écrit : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé » (Act. 16. 31), mais j’ignorais ce que c’est que croire en Christ.

Quand je songe à ces mauvais jours, je me dis que j’aurais pu succomber dans les ténèbres du désespoir si le Seigneur, dans sa bonté, n’avait suscité une violente tempête de neige un dimanche matin, au moment où je me rendais dans une église que je connaissais. Le temps était si mauvais que je ne réussis pas à atteindre ma destination et que je dus m’arrêter en face d’une petite salle qu’une enseigne désignait comme un lieu de culte. J’entrai et trouvai douze à quinze personnes réunies. Le ministre n’arriva pas, sans doute empêché, lui aussi, par le mauvais temps. Après une longue attente, je vis monter en chaire un homme à l’apparence très misérable, peut-être un tailleur ou un cordonnier. Il est certainement utile qu’un homme qui prend la parole en public ait une certaine instruction, mais cela manquait complètement à celui qui s’adressait à nous. Faute de savoir que dire, il restait collé au passage qu’il avait choisi et qui était le suivant : « Tournez-vous vers moi, et soyez sauvés, vous, tous les bouts de la terre » (És. 45. 22).
Il ne lut pas même le texte correctement, mais peu importe. Il me sembla voir dans ces mots une lueur d’espoir pour moi. Le brave homme commença en ces termes :
« Mes chers amis, ce texte est très simple. Il dit : « Tournez-vous », ce qui ne demande pas un gros effort. Vous n’avez pas même à lever le pied ou le doigt, mais seulement à vous tourner. Il n’y a pas besoin d’aller à l’université pour apprendre cela. Vous pouvez être le dernier des ignorants et savoir vous tourner quand même. Il n’est pas nécessaire d’avoir un revenu de vingt mille francs par an pour savoir se tourner. Tout le monde sait se tourner ; un petit enfant sait le faire. Voilà ce que dit notre passage. Puis il ajoute : « Vers moi ». Oui, beaucoup d’entre vous se tournent vers eux-mêmes. C’est peine perdue. Vous ne trouverez jamais la moindre consolation en vous-mêmes. Quelques-uns se tournent vers Dieu comme Père. Faites-le plus tard. Le Seigneur Jésus dit : « Tournez-vous vers moi ». Quelques-uns de vous disent : « Je dois attendre l’action de l’Esprit. Ce n’est pas le moment ». Tournez-vous vers Christ. Notre passage dit : « Tournez-vous vers moi ». Oui, tournez-vous vers moi : je transpire comme des grumeaux de sang. Tournez-vous vers moi : je suis pendu à la croix. Tournez-vous vers moi : je suis mort et couché dans le tombeau. Tournez-vous vers moi : je suis ressuscité. Tournez-vous vers moi : je monte au ciel ; je suis assis à la droite de Dieu. Tournez-vous vers moi ; oui, tournez-vous vers moi ».

Au bout d’une dizaine de minutes, le prédicateur était au bout de son rouleau. Puis il regarda de mon côté et remarqua sans doute, à cause du petit nombre des auditeurs, que j’étais un étranger. Il me dit alors : « Jeune homme, vous avez l’air très misérable ». C’était le cas en effet, mais jamais encore je ne m’étais entendu qualifier de la sorte du haut de la chaire. Le coup avait porté. Le prédicateur continua : « Vous serez toujours misérable, misérable dans cette vie et misérable dans l’autre, si vous ne prêtez pas attention à ce passage ». Puis il cria de toute sa force : « Jeune homme, tournez-vous vers Jésus Christ ! » Aussitôt le nuage se dissipa, les ténèbres disparurent, et je vis briller le soleil. J’aurais pu me lever et entonner sur-le-champ un cantique d’actions de grâces pour célébrer l’efficace du précieux sang de Christ et de la foi toute simple qui ne regarde qu’à Lui seul. Que ne me l’avait-on dit plus tôt : « Mettez votre confiance dans le Seigneur Jésus, et vous serez sauvé ».

D’après Almanach Évangélique 1928