LA BIBLE DÉCHIRÉE EN DEUX

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LA BIBLE DÉCHIRÉE EN DEUX

 

Il y a bien des années, en France, un colporteur frappait à une maisonnette, située en pleine forêt, et proposa à la femme qui lui ouvrit la porte d’acheter un Nouveau Testament. Le livre lui faisait visiblement fort envie, pourtant Jeanne hésitait ; après quelques instants, elle se décida, tendit une pièce de cinquante centimes au marchand, et en rentrant chez elle, le livre en mains, murmura : « C’est plus fort que moi ; si c’est un péché, que Dieu me pardonne ».
Peu après, son mari, le bucheron Jacob, rentra de son travail ; Jeanne lui fit son thé, puis timidement lui présenta sa nouvelle acquisition. Il l’examina ; et les craintes de la jeune femme se réalisèrent, il gronda, jura, tempêta, indigné de cette dépense qu’il jugeait inutile.
Elle essaya de se justifier et déclara : « Cet argent n’est pas entièrement à toi ; quand nous nous sommes mariés, j’ai apporté ma part, ces cinquante centimes sont donc mon argent aussi bien que le tien ».
« Donne-moi ce livre », cria Jacob toujours plus en colère, et il le lui arracha des mains. « La moitié de cet argent est à toi, et la moitié à moi, dis-tu. Bien ! Il en sera de même du livre ».
Sur quoi, il l’ouvrit au hasard et le partagea en deux ; il cacha l’une des parties dans sa veste, et donna l’autre à sa femme.
Une semaine plus tard, Jacob assis en pleine forêt, se sentait solitaire et trouvait le temps plus long que d’habitude ; il se souvint tout à coup du livre déchiré et, pour se distraire, voulut en lire quelques pages. Ses mains, d’un geste grossier, l’avaient partagé au milieu de l’évangile selon Luc, et les premières lignes disaient ceci « Je lui dirai : Père j’ai péché contre le ciel et devant toi ; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ».
Fasciné, l’homme chercha à connaitre la fin de l’histoire ; mais alors bien des questions se posèrent à son esprit : qu’avait donc fait ce fils égaré ? Où était-il allé ? Qu’est-ce qui l’avait poussé à revenir à la maison ? Ces questions le préoccupaient suffisamment pour lui faire regretter son geste, bien que son orgueil l’empêchât de demander le reste à sa femme.
Jeanne, à la maison, tout en continuant sa vie quotidienne, occupait ses moments de loisir à lire les feuillets du livre qui étaient revenus entre ses mains. Elle en éprouvait une grande joie ; son intérêt ne faisait que croître au fur et à mesure qu’elle avançait dans sa lecture ; la dernière page avec l’histoire du fils prodigue retint particulièrement son attention : l’entêtement du jeune homme, ses voyages, ses péchés, sa misère, puis le changement extraordinaire survenu dans sa manière de penser : « Moi je péris ici de faim ! Je me lèverai et je m’en irai vers mon père… »
Le récit s’arrêtait là ; qu’arriva-t-il ensuite à ce garçon ? Son père le reprit-il ? Elle pleura en lisant ce texte, et son cœur sympathisant espérait vivement que ce fils pût recevoir un accueil favorable ; cependant elle n’osa pas demander à Jacob de lui prêter l’autre partie du petit volume. Plusieurs jours s’écoulèrent au bout desquels un temps particulièrement maussade et une pluie torrentielle obligèrent Jacob à rentrer chez lui plus tôt que d’habitude. Après s’être bien restauré, il déclara brusquement :
– Jeanne, te souviens-tu du livre que j’ai déchiré en deux ?
– Oh ! Oui, répondit-elle toute craintive.
– Dans la partie que je possède, j’ai lu une belle histoire, mais je n’en ai que la fin, et je ne serai pas tranquille jusqu’à ce que j’en connaisse le commencement. Veux-tu me prêter ta moitié ?
– Oh ! Jacob, c’est merveilleux !
– Comment donc, merveilleux ?
– Oui, j’ai lu, moi aussi, cette même histoire, et il me manque la fin. Le père a-t-il repris son fils repentant ?
– Oui, il l’a fait. Mais dis-moi pourquoi ces deux s’étaient séparés.
Elle apporta donc la première partie du livre, s’approcha de son mari, et ensemble, ils lurent le beau récit du fils prodigue qui rentre à la maison et que son père reçoit les bras ouverts. Tel fut le début de leurs lectures de la Bible faites en commun. Cette parabole entièrement nouvelle pour eux leur apprit à remettre leurs cœurs et leurs vies au Seigneur Jésus Christ, au souverain pasteur des brebis.
« Qu’avait fait ce fils ? » demandait le bucheron. « J’ai péché », répond le jeune homme de la parabole, réponse que tous nous pouvons faire. Lorsque le pécheur repentant, triste et désabusé, revient à Dieu, une autre question se pose : « Le père peut-il recevoir ce fils ? »
La Parole de Dieu nous présente alors la plus belle manifestation de la grâce et de l’amour insondable du cœur de notre Père céleste : « Comme il était encore loin, son père le vit, et fut ému de compassion, et, courant à lui, se jeta à son cou et le couvrit de baisers ».
Dans ce même chapitre 15 de l’évangile selon Luc, le Seigneur affirme : « Il y aura de la joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance ».

D’après Almanach Évangélique 1961