LA VÉRITABLE HISTOIRE DE ROBINSON CRUSOÉ
Au début du 18ème siècle, un navire anglais, croisant sur les côtes du Chili, s’arrêta au large de l’île de Fernandez pour y chercher de l’eau douce. Au bout de quelques heures, la chaloupe du navire ramena à bord une quantité d’écrevisses et un homme vêtu de peaux de chèvres, qui paraissait plus sauvage que ces animaux. Seul habitant de l’île, il avait si bien oublié de parler qu’il fut assez longtemps avant de parvenir à se faire comprendre. Enfin, après plusieurs semaines, il put raconter son histoire :
« Je m’appelle Alexandre Selkirk et suis né en Écosse en 1676. Marin, j’eus une querelle avec mon commandant, le capitaine Stradling, qui, pour me punir, me débarqua sur cette île. Lorsqu’il m’abandonna je ne possédais pour toute richesse que mes habits, mon fusil, une livre de poudre, des balles, du tabac, une hache, un couteau et un chaudron ; outre ces objets nécessaires, j’avais emporté une Bible qui fut ma seule lecture durant ces six années de solitude complète et m’apporta le réconfort.
Pendant ce temps, je vis passer bien des navires au large, mais deux seulement relâchèrent. Hélas ! C’étaient tous deux des Espagnols avec lesquels nous étions en guerre, et qui, m’entendant parler anglais, répondirent par des coups de fusil.
Quand je me vis ainsi délaissé sur cette île solitaire, je commençai par construire deux cabanes avec du bois de myrte-piment et les recouvris avec du jonc. Je les doublai intérieurement avec les peaux de chèvres que je tuais au fur et à mesure de mes besoins et tant que dura ma poudre. J’appris le moyen de faire du feu avec deux morceaux de bois bien sec. Les poissons ne manquaient pas, mais je n’avais rien pour les attraper. Heureusement je ramassais en masse de grosses écrevisses de rivière que je mangeais soit rôties, soit bouillies. Lorsque j’eus épuisé mes munitions, je ne pouvais plus poursuivre les chèvres sauvages ; mais à la longue, je devins si agile à force de courir à travers les bois que je parvins à en tuer plus de cinq cents. Un jour, en courant après une chèvre, je la saisis au bord d’un précipice masqué par des buissons et je roulai en bas avec elle. Je perdis connaissance, et lorsque je revins à moi la chèvre morte gisait sous moi, elle m’avait sauvé la vie. J’eus bien du mal à regagner ma cabane. Pour manger ma viande, je n’avais ni sel, ni pain ; comme légume, je récoltai des navets qu’un navire autrefois avait dû planter et qui étaient redevenus à l’état sauvage ; de nombreux palmiers m’assurèrent une récolte de choux-palmistes. Lorsque mes souliers et mes habits furent usés et déchirés, je me fis un justaucorps avec des peaux que je cousis au moyen d’un clou avec de fines lanières. Quand à mes pieds ils s’endurcirent si bien que je pus aller partout sans me faire de mal. Pour seuls amis je n’avais que quelques chevreaux apprivoisés ».
Son histoire serait tombée dans l’oubli sans l’écrivain anglais Daniel Defoë qui en reprit les détails pour composer l’œuvre qu’on connaît et qu’il a agrémentée des expériences d’autres aventuriers.
D’après Almanach Évangélique 1963
