LE NOËL DE L’ORPHELIN

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LE NOËL DE L’ORPHELIN

 

C’était la veille de Noël. Une pluie froide obscurcissait les vitres du bureau de la directrice de l’orphelinat. Elle faisait des comptes, mais de temps en temps elle levait un regard anxieux vers la fenêtre. Elle n’était plus jeune, ses cheveux étaient blancs et des rides fines la vieillissaient encore. Évidemment la directrice avait un gros souci.

La veille au soir, un enfant, un garçonnet de sept à huit ans lui avait été amené. C’était un cas particulièrement triste. L’enfant était absolument seul au monde ! On avait dressé un lit dans un coin du dortoir des « petits », mais le problème était grave : non seulement l’orphelinat était au complet, mais encore la caisse était presque vide, et les dons rares en ces temps de guerre. Il y aurait bien eu la ressource d’envoyer l’enfant à l’Assistance publique, mais le cœur maternel de la directrice ne pouvait se résoudre à cet abandon. Elle soupira et ses yeux se fixèrent sur un texte suspendu au mur : « Mon Dieu pourvoira à tous vos besoins ». Elle devait confier à Dieu ce souci et Il l’en délivrerait.

A ce moment, on frappa à la porte.
– Ce Monsieur voudrait visiter l’orphelinat, dit une jeune fille en tendant à la directrice une carte de visite.
Le nom ne lui disait rien. Elle se leva cependant vivement en se disant : « Est-ce déjà la réponse ? »
Le visiteur, un homme encore jeune, dit qu’il venait de l’étranger et que, passant par cette ville, il s’y était arrêté pour visiter l’orphelinat, auquel il s’intéressait beaucoup. Elle lui fit parcourir la maison, tout en parlant des enfants de telle façon que l’on voyait bien qu’elle les aimait. Enfin, ils arrivèrent à la salle où les enfants jouaient. Tous les yeux se fixèrent sur le nouveau venu.
– Me permettez-vous de donner à ces petits les jouets que je leur ai apportés ?
Bien sûr ! La directrice ne demandait pas mieux. Le monsieur alla chercher, dans le vestibule, deux énormes paquets, qu’il déballa sous les yeux attentifs et curieux des enfants. Que de trésors contenaient ces paquets ! Des ballons, des soldats, des animaux bêlants et aboyants, des livres, de magnifiques toupies. Chaque enfant reçut un cadeau. Ils n’étaient plus intimidés du tout, ils criaient de joie, riaient et dansaient autour de ce Père Noël d’un nouveau genre – car celui-ci, bien que généreux, n’avait ni barbe blanche ni houppelande. Puis le visiteur s’assit et raconta aux enfants comment Dieu avait fait un cadeau magnifique aux hommes en envoyant Son Fils sur la terre.
L’étranger parlait si simplement que les enfants écoutaient de toutes leurs oreilles. Quand il se tut, la directrice eut une idée :
– Est-ce que l’un de vous ne pourrait pas chanter un chant de Noël ?
Il y eut un moment de silence. Puis un petit garçon, aux yeux bleus, s’avança.
– Je veux bien, dit-il. Et d’une jolie voix claire, il chanta un chant ancien, où il était question d’un petit enfant qui n’avait qu’une crèche pour berceau et pas d’oreiller où reposer sa tête. L’air et les paroles étaient touchants et les yeux du visiteur étaient pleins de larmes, lorsqu’il s’en alla.
– J’ai encore une faveur à vous demander, dit-il à la directrice, je voudrais voir le dortoir des petits, je n’ai vu que celui des aînés.
Un peu étonnée de cette requête, elle le conduisit dans la chambre, un peu exigüe pour les vingt-cinq lits qu’elle contenait.
– Qui dort là ? fit le visiteur en désignant un des lits. Le cœur de la directrice palpita.
– C’est le lit de l’enfant qui a chanté ce soir, dit-elle. Il est seul au monde. Personne ne pouvait ou ne voulait s’en occuper, alors nous l’avons pris, quoique nous soyons au complet.
Le visiteur tira de sa poche un carnet de chèques, en remplit un et le tendit à la directrice. Celle-ci, en lisant la somme inscrite, eut un sursaut : il y avait là de quoi pourvoir aux besoins de l’enfant pendant plusieurs années !
– Permettez-moi de vous faire ce cadeau de Noël, dit l’étranger.
Son ton était tel que la directrice ne put que remercier simplement.
Il remit son manteau, son chapeau, puis se tournant vers elle :
– J’étais, il y a trente ans, orphelin, pauvre, sans famille et je couchais dans ce lit-là ; maintenant que Dieu a béni mon travail, je voudrais donner à un pauvre enfant l’occasion de jouir de l’aide et de l’affection que vous m’avez donnée et qui a fait de moi, avec la bénédiction de Dieu, ce que je suis devenu.

L’étranger s’en était allé rapidement. La directrice, toute émue, le regardait disparaître dans la nuit. Sa prière était exaucée et à sa mémoire revenait la parole du Seigneur : « En tant que vous l’avez fait à l’un des plus petits de ceux-ci qui sont mes frères, vous me l’avez fait à Moi ». (Mat. 25. 40).

D’après La Bonne Nouvelle 1987