JALOUSIE

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JALOUSIE

Pourquoi Marie-Claire n’est-elle pas rentrée, dit Maman, en constatant que la place de sa fille était vide, à la table du goûter. Ne sait-elle pas que le gong a sonné ?
– Si Maman, fit Alfred, mais elle boude.
– Et pourquoi est-elle de mauvaise humeur ?
– Elle a vu la jolie poupée que Jeanne a reçue de sa marraine, et elle est furieuse, dit Alfred.
Le visage de Maman s’attrista. Hélas ! Il arrivait souvent, trop souvent, qu’un accès de jalousie assombrisse la vie de Marie-Claire, et les parents ne savaient plus comment lutter contre ce pénible penchant.
– Va chercher Marie-Claire, dit Maman d’un ton sévère, et dit-lui que j’en ai assez de ses bouderies !

Marie-Claire revint bientôt, toujours boudeuse. Elle s’assit et mangea en silence, tandis qu’autour d’elle, la conversation allait bon train. Justement le cousin Jacques était en séjour chez sa tante, entre deux croisières, car il était officier de la marine marchande, et ses jeunes cousins étaient ravis de l’entendre raconter ses aventures.
– Toi qui aimes tant les chats, lui dit Alfred, comment fais-tu pour t’en passer si longtemps ? Y a-t-il des bêtes à bord de ton navire ?
– Justement, il est arrivé tout un drame à propos d’un chat, dit cousin Jacques. Sur le navire, il y a des femmes qui s’occupent des voyageuses, qui les servent, qui rangent leurs cabines. Une de ces femmes de chambre avait reçu d’une vieille dame, en récompense de ses bons services, un jeune perroquet d’une race intelligente. L’oiseau ne savait que quelques mots d’anglais, mais la femme de service se mit à enseigner son perroquet, qui apprit rapidement à réciter et à chanter. Le Capitaine et nous, les officiers, nous nous amusions aussi avec Topaze (c’était le nom du perroquet), mais bien que Topaze fût aimable avec nous, son affection se portait sur la femme de service d’abord, puis sur le Capitaine qui, d’ailleurs, le recevait souvent dans sa cabine.
En descendant dans un des ports des Indes Occidentales, un marin vit un chat d’allure misérable qui frôlait les murs. Ce chat avait l’air mal soigné.
– Minet, Minet… appela le marin.
A la grande surprise du marin, le chat s’approcha, se laissa saisir, et même se blottit contre la vareuse de l’homme.
Les marins ont bon cœur. Celui-ci fut touché par cette confiance et il ramena le chat à bord. Ses camarades se moquèrent de lui, mais quand ils constatèrent que Minouche chassait les rats et les souris, et qu’il devenait un bel animal sociable, amusant, ils l’adoptèrent et Minouche régna sur le carré des marins comme Topaze régnait sur le carré des officiers.

Hélas ! Un jour, Minouche voulut voir ce qui se passait sur le pont supérieur. Il gravit une échelle, se trouva sur un pont, vit une porte entr’ouverte et entendit quelqu’un parler. Minouche avait été si bien traité par les marins qu’il n’avait pas peur des hommes. Il entra donc dans la cabine où l’on parlait.
Topaze était justement en train de se réciter tout son répertoire, et s’amusait grandement. La vue du chat l’arrêta court, il commença à crier comme seul un perroquet peut le faire !
La femme de service accourut, et quand elle s’aperçut que Minouche était venu rendre visite à Topaze, elle pensa qu’il était grand temps que les deux favoris du bateau devinssent amis. Aussi, elle s’approcha de Minouche, le caressa en disant d’un ton doux : « Mon petit Minet, mon petit Minet !… »
Elle avait à peine prononcé ces mots que Topaze avait jailli de son perchoir, s’était précipité sur Minouche, et les plumes et les poils commencèrent à voler ! Il fallut toute l’autorité et la force du Capitaine pour séparer les deux combattants. Minouche fut renvoyé chez les matelots, et Topaze se réfugia chez le Capitaine. Mais le perroquet était si jaloux qu’il ne pardonna jamais à la femme de service les caresses qu’elle avait données au chat. Dès qu’il la voyait, il criait de sa voix aiguë : « A la porte, à la porte ! » et ne voulut plus ni chanter, ni réciter sur ses ordres.
– C’est vrai, dit Maman, que les animaux sont souvent jaloux les uns des autres, et même les bébés, quand il en vient un dans une famille où les premiers ont l’habitude d’être choyés.
– C’est affreux, la jalousie, conclut cousin Jacques. Quand ce sont des bêtes qui en souffrent, nous en rions, mais quand ce sont des hommes, c’est désolant, car vous voyez que même chez les bêtes, la jalousie conduit à la colère, à la méchanceté, aux coups, à l’ingratitude. Quand on est jaloux, on ne sait pas de quoi on est capable !
– Au reste, ajoute Papa, la jalousie est fréquente chez l’homme. On peut dire qu’elle est l’un des caractères de ce que l’apôtre Paul appelle « le vieil homme ». Ne dit-il pas que les œuvres de la chair sont les querelles et les jalousies (Gal. 5. 20) ? Un autre apôtre signale que là où il y a de la jalousie, il y a du désordre (Jac. 3. 16). Regardons toujours au Christ Jésus, le Modèle parfait. Par Lui, nous serons capables, dans l’humilité, d’estimer l’autre supérieur à nous-même (Phil. 2, 3).
Marie-Claire n’a rien dit. On ne croirait pas, à la voir, qu’elle a tout écouté et qu’elle est en train de se dire qu’elle aussi a trop souffert et trop fait souffrir. Il faut que cela change !
– Maman, dit-elle ce soir-là, avant de faire sa prière, j’ai été méchante aujourd’hui, pardonne-moi. J’aimerais demander au Seigneur Jésus qu’Il m’aide à ne plus être jalouse. J’ai été si malheureuse aujourd’hui !

D’après la Bonne Nouvelle 1992