JEAN-SÉBASTIEN BACH
Dans une salle du château de Dresde, le Prince électeur de Saxe avait invité les plus grands personnages du royaume. Il voulait leur offrir un divertissement de qualité : l’audition d’un illustre musicien.
Simple, mais non intimidé par le luxe qui l’entoure, le musicien s’assied devant son instrument. Le prince, tout près du clavecin, le fixe du regard et va donner le signal du commencement. Un grand silence ! On attend une mélodie joyeuse, peut-être un air de danse. Mais l’esprit de l’artiste est ailleurs.
Lentement, solennellement, une hymne retentit : « Voilà, voilà l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde…. » Un coup de tonnerre n’aurait pas secoué davantage l’auditoire.
Le Prince, la gorge serrée, ne trouve pas un mot à dire. Les courtisans écoutent silencieux. Les accords pénètrent, remuent les cœurs. « Voilà l’Agneau de Dieu qui vient expier les péchés des coupables ». Et le choral se termine par cette parole sublime prêtée au Sauveur des hommes : « Je veux souffrir ! C’est pour toi que je veux souffrir ».
Le récital est terminé. Le compositeur baisse les yeux et garde le silence comme s’il était encore près de la croix. Le prince saisit les deux mains de Jean-Sébastien Bach – car c’était lui – et met son anneau à l’un de ses doigts. Bach s’incline avec respect et dit : « Excellence, puissiez-vous ne jamais oublier le thème de ce choral. C’est le seul remerciement auquel j’ai droit ».
D’après le Salut de Dieu 1991
